Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Da Costa (Isaac)

Poète et publiciste hollandais (Amsterdam 1798 – id. 1860).

Converti du judaïsme au calvinisme (1822), il se signala par son puritanisme militant au sein du mouvement du Réveil. Disciple de Bilderdijk, il vit dans la Révolution française une révolte démoniaque et professa un farouche conservatisme politique (Objections contre l'esprit du siècle, 1823 ; Chants politiques, 1854). Son lyrisme, tout d'inspiration religieuse, sacrifie à une rhétorique baroque (Poésies, 1821 ; Noëls, 1829).

Dabit (Eugène)

Écrivain français (Mers 1898 - Moscou 1936).

Autodidacte, peintre (fauve, inspiré par Vlaminck), il décide d'écrire, et, après avoir soumis à Gide son « journal de guerre », il lui présente ce qui deviendra, grâce aux conseils de Roger Martin du Gard et de Léopold Chauveau, son premier roman, l'Hôtel du Nord (1929), qui évoque la vie toute en grisaille des personnages vivant dans ce petit hôtel parisien. Puis Dabit publie Petit-Louis (1930), qui reprend son « journal de guerre ». Il se tourne alors vers l'École prolétarienne et vers Guéhenno. Il collabore régulièrement à quelques revues : Nouvel Âge, Europe, Commune, NRF... Il écrit encore quelques romans et nouvelles, de même tonalité grise, imprégnés d'un désespoir naturaliste : Villa Oasis ou les Faux Bourgeois (1932), Faubourgs de Paris (1933), l'Île (1933), Un mort tout neuf (1934), la Zone verte (1935), Train de vies (1936). Mais par-delà l'aspect parfois populiste, l'on sent que son œuvre a l'ambition d'atteindre « le drame et le général de son temps ». Il meurt au cours d'un voyage en U.R.S.S. effectué en compagnie d'André Gide et de Louis Guilloux. Après sa mort parurent le Mal de vivre (1937), Maîtres de la peinture espagnole (1937) et son Journal intime (1939), dans lequel il se montre pleinement lui-même.

Dabydeen (David)

Écrivain guyanais, vivant en Grande-Bretagne (Guyane britannique, 1955).

Enseignant (il a effectué des recherches sur la représentation du Noir dans les arts visuels du XVIIIe s. : les Noirs dans l'œuvre de Hogarth, 1985), il est aussi poète (l'Odyssée coolie, 1988) et romancier. Adolescent, il quitte Guyana avec sa famille pour s'installer en Angleterre. The Intended (1990) raconte l'apprentissage de l'intégration, tandis que The Counting House (1996) fait retour dans la colonie guyanaise au temps de la transition entre anciens esclaves noirs récemment émancipés et les Indiens récemment venus travailler sous contrat. Enfin, Chant esclave (1984) évoque, en créole et dans une traduction anglaise de l'auteur, les chants et souvenirs des Indiens travaillant dans les champs de canne à sucre.

Dac (Pierre) (pseudonyme artistique devenu le patronyme légal de André Isaac)

Chansonnier et humoriste français (Châlons-sur-Marne 1893 – Paris 1975).

En 1937, il anima des émissions radiophoniques : La SDL (Société des Loufoques) et La Course au trésor. En 1938, il fonda le journal satirique l'Os à moelle. Il rejoignit en 1943 la Grande-Bretagne et manifesta sa résistance à l'occupant dans l'émission de Radio-Londres Les Français parlent aux français. L'après-guerre le retrouva en France, animant avec Francis Blanche le feuilleton radiophonique Signé Furax (1956). Ses écrits, très proches du « nonsens » anglais, interrogent l'absurdité et les paradoxes du langage (Du côté d'ailleurs, 1953 ; le Jour le plus c., 1954). Une anthologie de ses écrits de l'Os à moelle est parue après sa mort.

Dacier (Anne Tanneguy-Le Fèvre, Mme)

Philologue française (Preuilly 1647 – Paris 1720).

Fille de l'érudit Tanneguy-Lefebvre, elle devint célèbre pour ses traductions de Callimaque, d'Aristophane et de Térence. C'est à l'occasion de son travail sur l'Iliade (1699) et l'Odyssée (1708) qu'elle se lança dans la querelle des Anciens et des Modernes, en prenant contre Houdar de La Motte la défense de la poétique homérique (Des causes de la corruption du goût, 1714) avec une énergie et une précision qui forcent l'admiration.

dada
ou dadaïsme

Ce mouvement international d'artistes et d'écrivains, né d'un intense dégoût envers la guerre, dit à sa manière la faillite de la civilisation occidentale. Refusant toute contrainte idéologique, morale ou artistique, il prône la démoralisation, le doute absolu, la spontanéité. Paradoxalement, son activité de déconstruction des langages aboutira à quelques œuvres majeures. À Zurich, le 8 février 1916, au cabaret Voltaire, Hugo Ball, Tristan Tzara, Marcel Janco, Richard Huelsenbeck, Hans Arp, Emmy Hennings, puis Hans Richter inventent le mouvement Dada, empruntant un nom choisi au hasard. À l'origine, il s'agit de résister au dépérissement de l'esprit en mettant en relation les avant-gardes artistiques européennes pendant une dizaine d'années. La revue Cabaret Voltaire réunit ceux qui refusent patriotisme et guerre. La revue Dada poursuit ce programme en intégrant les données de l'expressionnisme allemand et du futurisme italien. Le Manifeste Dada 1918 de Tzara enregistre un tournant négateur qui rejoint l'activité subversive de Francis Picabia, de Man Ray et de Marcel Duchamp à New York (1913), et le ton de la revue 391.

   Dada sera très actif à Paris, de 1920 à 1923, où Tzara s'installe, attendu par Aragon, Breton, Soupault. De soirées en expositions et manifestations, Dada déploie sa dramaturgie scandaleuse et répétitive, répand des tracts et des revues aussi inventives qu'éphémères. Mais que Breton tente, en 1922, de réunir un congrès pour définir l'esprit moderne, est le signe que Dada n'est plus d'actualité. La soirée du « Cœur à barbe » (1923), pièce de Tzara, marque un affrontement du surréalisme naissant au dadaïsme. À la fin de la guerre, en Allemagne, Dada eut un sens plus politique. Huelsenbeck fonde, à Berlin, le Dada Club (1918-1921) avec la participation notamment de Raoul Hausmann et de George Grosz : il s'attaque violemment à la bourgeoisie et au conformisme de Weimar. Inventeurs du photomontage, les dadaïstes berlinois se donnent, par ce moyen, une forme d'expression politique. À Cologne, Hans Arp, Max Ernst, Baargeld fabriquent des collages (Fatagaga). À Hanovre, Kurt Schwitters concilie, dans sa revue Merz, le constructivisme avec Dada, dont il prolonge l'effet au-delà de 1924. De Zurich, Dada essaime en Italie, aux Pays-Bas avec Théo Van Doesburg. Il a des adeptes à Bruxelles, en Pologne, en Hongrie, en Espagne, jusqu'au Japon.

   En dépit de son aura légendaire, Dada ne saurait être limité à une chronique scandaleuse, ni à un ensemble de techniques artistiques nouvelles (frottage, collage, photomontage, ready-made) : le refus de tout système n'implique pas une négation absolue. Ses œuvres portent témoignage des valeurs inhérentes à l'homme créateur, et d'une « cohérence primitive » (Jacques Rivière). Dada ne se conçoit que dans un rapport d'opposition au public, surtout s'il est cultivé, et souhaite faire table rase du passé, et dissoudre l'organisation sociale. Pour ce faire, il s'attaque principalement au langage. Il déconstruit le poème ainsi que tous les genres, soulignant la fonction créatrice de la parole. Toute l'activité de Dada est poétique, qu'elle passe par le canal du geste incongru, du poème à rebours, du pastiche, de l'interférence des rythmes ou même qu'elle soit dans le seul fait d'exister. Plus tard, Tzara fera observer qu'« on peut être poète sans jamais avoir écrit un vers. » Et Tzara justifiait l'écriture par la formule : « On écrit pour chercher des hommes. » C'est un groupe non hiérarchisé qui ne se reconnaît pas de porte-parole. S'il est parfaitement à l'aise dans son jeu consistant à faire éclater les formes traditionnelles de l'art, Dada ne réussit pas à modifier le lieu théâtral : une manifestation dans le terrain vague de Saint-Julien-le-Pauvre est un échec, et la dialectique de la provocation est vite dominée par le sérieux lors du procès Barrès en 1921. (Barrès, considéré comme l'homme de la droite et de la guerre, fut condamné à vingt ans de travaux forcés, pour « crime contre la sûreté de l'esprit » et reniement de ses idéaux de jeunesse, par un jury composé de spectateurs.) On est en droit, en revanche, de parler d'un théâtre Dada avec les sketches de Breton et de Soupault (S'il vous plaît, Vous m'oublierez, 1920), les pièces parfaitement construites de G. Ribemont-Dessaignes (le Serin muet, l'Empereur de Chine, 1916 ; le Bourreau du Pérou, 1926), les collages verbaux de Tzara dans la Première puis la Deuxième Aventure céleste de M. Antipyrine et le Cœur à gaz (1921). Ces différentes pratiques orales, scripturales, verbales revendiquent un monde autre, fondé sur une logique nouvelle, et une pratique créative non réservée aux « artistes ».