Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Manent (Marià)

Poète espagnol d'expression catalane (Barcelone 1898 – id. 1988).

Il s'inscrit dans le courant « culturaliste » du début du siècle (la Branche, 1918 ; la collita en la boira, 1920 ; l'Ombre, 1931 ; la Ville du temps, 1961) et participa à la fondation (1935) de la revue Quaderns de poesia. La plupart de ses études critiques ont été regroupées dans Poésie. Langage. Forme (1973). Son journal (El vel de Maia, 1975) constitue un témoignage original sur la période de la guerre civile.

Manesse (manuscrit des)

C'est le plus important recueil de poèmes allemands du Moyen Âge. Il est également connu sous les noms de Manuscrit de Paris, Grand Chansonnier de Heidelberg, Manuscrit C. Écrit en Allemagne du Sud ou en Suisse au XIVe siècle, ce chansonnier a été conservé pendant plus de deux siècles à Paris et fut publié par Bodmer en 1758. Depuis 1888, il est de nouveau à Heidelberg. Avec plus de 7 000 strophes de près de 140 poètes des XIIe et XIIIe siècles et 137 miniatures, c'est non seulement la meilleure source pour l'étude du Minnesang, mais aussi un des documents les plus précieux de l'art et de la culture du Moyen Âge allemand.

Manfaluti (Mustafa Lutfi al-)

Écrivain égyptien (Manfalût 1876 – 1934).

Il fit ses études à al-Azhar, où il se lia d'amitié avec le cheikh 'Abduh. Il adapta en arabe de nombreuses œuvres de Chateaubriand, d'Alexandre Dumas fils, d'Alphonse Karr, de François Coppée. Sa traduction très libre de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre (al-Fadîla, 1923) eut un succès retentissant qui prépara la voie au roman moderne. Ses propres œuvres (les Aperçus, 1910-1921 ; les Larmes, 1915) ont influencé toute une génération d'écrivains par leur sensibilité exacerbée.

Mangal Kavya

Poèmes narratifs bengalis composés entre le XVe et le XVIIIe s., à la louange d'une divinité (Candi, Manasa, Dharma, Sasthi, etc.).

Chantés ou psalmodiés durant le rite, ces récits anciens de tradition orale constituent une part importante de la littérature médiévale du Bengale. Les principaux sont le Manasavijaya la Victoire de Manasa, 1495) par Vipradas, le Candi Mangal (vers 1589) par Mukundaram Cakravarti, le Dharmamangal (1571) par Rupram Cakravarti, et le Manasamangal (XVIIe s.) par Ketakadas Ksemananda.

Manganelli (Giorgio)

Écrivain italien (Milan 1922 – Rome 1990).

Il a participé aux activités du Groupe 63. Essayiste (la Littérature comme mensonge, 1967 ; Angoisses de style, 1981), ses romans oscillent entre le traité et le récit visionnaire (Hilarotragoedia, 1964 ; Amour, 1981 ; Discours de l'ombre et du blason, 1982 ; De l'Enfer, 1985 ; Bruits ou voix, 1987). On lui doit aussi des récits fantastiques (Aux dieux ultérieurs, 1972 ; Centurie, 1979),  des recueils d'articles divers (l'Almanach de l'orphelin samnite, 1973), des récits de voyage (Chine et autres Orients, 1974), des dialogues (A et B, 1975), des réécritures de classiques (Pinocchio : un livre parallèle, 1977), des critiques d'art (Salons, 1987). Le Marécage définitif et Itinéraire indien, 1992, et la Nuit, 1996, ont été publiés après sa mort. Il est l'un des auteurs les plus importants de la littérature italienne contemporaine, qu'il a marquée surtout par son « maniérisme », à savoir une langue et un style « baroques ».

Manger (Itzik)

Écrivain de langue yiddish (Tchernovtsy 1901 – Israël 1969).

Fils de tailleur, autodidacte, il commença à écrire en 1918. À Varsovie, entre 1929 et 1939, il gagna une énorme popularité. Puis il vécut à Paris, Londres, New York (1951-1967) et enfin en Israël. Maître de la ballade, se proclamant fils spirituel d'Avrom Goldfaden et des poètes-chanteurs ambulants qui fondèrent le théâtre yiddish, il laissa aussi des cycles de poèmes à sujet biblique conçus pour être portés sur scène, un roman, des nouvelles et des essais : Étoiles sur le toit (1929), Chants du Pentateuque (1935), Chants du rouleau d'Esther (1936), le Livre du Paradis (1939). Presque toute son œuvre poétique est réunie dans le volume Chants et ballades, publié à New York, en 1952.

Mangestu Lammâ

Écrivain éthiopien (Addis-Abeba 1925-1988).

C'est un des représentants les plus hardis et les plus conséquents du modernisme intellectuel. Il fut le premier à publier (1957-1958) un recueil de poèmes amhariques en vers libres où se mêlent humour et nostalgie. Il transforma aussi le théâtre en écrivant des comédies dans la tradition italienne, où l'amour triomphe des conventions sociales et dont les personnages parlent véritablement la langue de leur milieu : C'est dans la poche (1963), Un mariage mal assorti (1963). Ces pièces furent violemment critiquées par les milieux conservateurs. Il n'a cependant pas négligé la culture traditionnelle : il est en quelque sorte le coauteur d'une œuvre remarquable, l'autobiographie de son père, recueillie d'abord au magnétophone.

Manhire (Bill)

Poète néo-zélandais (Invercargill 1946).

Ses recueils les plus récents sont, par leur ouverture et leurs invitations à faire participer le lecteur au jeu de la lecture et de l'interprétation du poème, extrêmement populaires (le Bar de la Voie lactée, 1991). Il a publié en 1993 une anthologie qui a fait date. Intitulé 100 poèmes néo-zélandais (par 100 poètes néo-zélandais), ce projet expérimental a élargi l'accès à la poésie au grand public. Enfin, Mon rayon de soleil (1996) est préfacé par la phrase fameuse de Sterne sur la digression : tels apparaissent en effet ses poèmes, formes de variation sur un thème ou une formulation donnés.

maniérisme

Le terme, emprunté au domaine des beaux-arts – en particulier à celui de la peinture – par certains critiques littéraires modernes, définit un ensemble de traits esthétiques communs à des œuvres littéraires de la Renaissance européenne, notamment française, produites au cours de la seconde moitié du XVIe et au début du XVIIe s. Dérivé du terme maniera qui, dans l'Italie des XVe et XVIe s., désignait le style, la « manière » originale d'un peintre ou d'une école picturale, avant de prendre, au XVIIe s., le sens péjoratif de style « maniéré », le qualificatif de maniéristes s'applique, chez les historiens modernes de l'art, aux successeurs – italiens ou flamands pour la plupart – des grands classiques du premier âge de la Renaissance italienne (Raphaël, Vinci, Michel-Ange) ; en France, la peinture maniériste est essentiellement représentée par les peintres de l'école dite « de Fontainebleau » (Le Rosso, Le Primatice). On la définit (J. Bousquet, le Maniérisme, 1964) par six principaux traits : la netteté et la mise en vedette du dessin, le penchant pour les formes géométriques, le goût pour la ligne « serpentine », la tendance à la déformation des perspectives, le contraste des couleurs crues et la recherche d'atmosphères rares.

   L'application de la notion de maniérisme à la littérature (comme celle de baroque) soulève trois ordres de problèmes. Ceux d'abord, que pose toute transposition de catégories critiques d'un système esthétique à un autre. Celui, ensuite, du statut historique de cette notion : convient-il de la définir selon des critères étroitement historiques (un terminus a quo généralement situé vers 1545, un terminus ad quem vers 1610), ou bien faut-il la concevoir, de façon plus large, comme un ensemble de traits formels, atemporels par essence, susceptibles d'apparaître de manière intermittente dans la littérature et de lui imprimer leur marque à des périodes différentes de son histoire ? Dernier problème, enfin : le maniérisme constitue-t-il un phénomène d'ordre purement formel, ou bien ses caractères stylistiques se trouvent-ils associés à un ensemble spécifique de thèmes, à une topique originale ?

   Il semble – s'agissant du premier point – que certains critères du maniérisme pictural puissent être transposés de manière adéquate dans le domaine littéraire : des catégories structurales telles, par exemple, que celles de « mise en valeur des formes et des figures », de « recherche de l'expressivité », de « mobilité des formes », de « structure décentrée », etc., se révèlent, appliquées à la littérature, des instruments d'analyse d'une incontestable efficacité. Certains critiques (M. Raymond) proposent du maniérisme littéraire une définition assez étroitement historique ; d'autres, comme C. G. Dubois (qui l'inscrit dans la problématique générale des rapports entre l'artiste et ses modèles), le conçoivent en revanche comme une tendance fondamentale de la littérature, susceptible de s'actualiser sous des formes diverses (l'alexandrinisme antique, la poétique des Rhétoriqueurs, le pétrarquisme, Milton, Claude Simon, Lacan). Il semble logique de postuler que la spécificité fondamentale du maniérisme ne réside pas dans une collection singulière de thèmes, mais dans le traitement original d'une thématique universelle. Une telle conception « formaliste » du maniérisme ne revient nullement à couper ce dernier de l'histoire concrète : il est clair que des relations plus ou moins directes peuvent être établies, dans le domaine littéraire comme dans celui des beaux-arts, entre l'esthétique maniériste de la Renaissance et certaines réalités historiques contemporaines. Ainsi, de même que sont universellement reconnus aujourd'hui les rapports étroits qui unissent l'esthétique baroque au mouvement de la Contre-Réforme, il paraît tentant d'établir, au rebours, une relation entre l'esthétique maniériste et la crise profonde du savoir et des mentalités engendrée par la révolution humaniste du XVIe s. : G. Mathieu-Castellani voit dans le maniérisme une esthétique adaptée au scepticisme radical redécouvert à cette époque. Le maniérisme apparaît dans un monde angoissé par le rejet du principe d'autorité et la mise en cause de l'aristotélisme, monde soumis par les nouvelles techniques de l'imprimerie au constat de la multiplication des formes et à la nostalgie de l'Un, monde entièrement problématisé où l'allégorie ne peut plus être nette et où prévaut le thème du labyrinthe ou de la récapitulation, autant de figures de la perte. Dans cette mimêsis différentielle du maniérisme joue une rhétorique de l'imposture et de la séduction, et persiste une vocation méditative. À partir de ces traits, on s'accorde pour noter une diversification du maniérisme en Europe de 1550 à 1700 : Michel-Ange, Le Tasse, Marino, en Italie ; Góngora, Quevedo, Calderón, en Espagne ; Montaigne, d'Aubigné, Malherbe, Théophile de Viau en France ; Donne, Herbert, Webster, Middleton, Carew et Marvell en Angleterre ; Opitz, Fleming, Gryphius, Hofmannswaldau en Allemagne ; Revius, Huygens, Luiken en Hollande.