Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
W

Williams (Charles)

Écrivain américain (San Angelo, Texas, 1909 – 1975).

Il est surtout connu en France pour Fantasia chez les ploucs (1956). Mais ce policier humoristique, devenu un succès au cinéma, ne doit pas faire oublier que Williams est l'un des grands auteurs de romans noirs du sud des États-Unis de la seconde génération, les héritiers de James Cain. Parmi ses 23 romans, il faut avoir lu la Mare aux diams (1955), Ont-ils des jambes ? (1960), Vivement dimanche ! (1963).

Williams (C.K.)

Poète américain (Newark, New Jersey, 1936).

La vision et la réflexion métaphysique sont au centre des poèmes de C.K. Williams, mettant en scène des questionnements et des situations extrêmes, impliquant des problématiques éthiques et politiques cruciales, culminant dans une souffrance émotionnelle poignante. D'Un jour pour Anne Frank, son premier recueil (1968) à Chair et Sang (1987), les vers se bousculent dans un rythme qui rend l'immédiateté de l'expérience individuelle et transcende l'anecdotique (Poèmes choisis, 1994).

Williams (Éric)

Écrivain trinitéen (La Trinité 1911 – Port of Spain 1981).

Premier ministre de Trinidad et Tobago (1956), à la tête du People's National Movement, ce docteur en histoire, diplômé d'Oxford, figure parmi les hommes de lettres les plus importants de la Caraïbe anglophone, notamment grâce à une dizaine d'essais théoriques et historiques sur la région, Capitalisme et Esclavage (1944), qui a conduit à une révision de l'étude des rapports entre préjugé racial et oppression économique, faisant du premier un alibi de la seconde, et non plus l'une de ses causes, et montrant notamment comment le capitalisme s'est construit sur l'esclavage essentiellement.

Williams (Thomas Lanier Williams, dit Tennessee)

Écrivain américain (Colombus, Mississippi, 1911 – New York 1983).

Après la Bataille des anges (1940) et Blues américain (1948), qui réunit cinq pièces en un acte, il s'impose avec la Ménagerie de Verre (1945) et Un tramway nommé désir (1947), pièces de l'innocence perdue et de la frustration féminine, inséparable d'une violence mélodramatique, et d'un jeu ambigu sur le bien et le mal. Un été de feu (1948), la Rose tatouée (1951), la Chatte sur un toit brûlant (1955), la Descente d'Orphée (1957), Soudain l'été dernier (1958) marquent l'acmé de la production théâtrale. On y trouve l'expression paroxystique de la crainte de l'échec et la notation de la monstruosité que porte en lui tout individu. Les pièces suivantes (notamment Période d'adaptation, 1960 ; la Nuit de l'iguane, 1961), reprennent, directement ou indirectement, les données des pièces antérieures et, sans effacer le sentiment d'étrangeté, le placent sous le signe de l'apaisement. Jusqu'à Un peu de nuages, un peu d'éclaircies (1981), l'imaginaire du théâtre de Tennessee Williams est celui de l'exclusion, qui appelle les gestes de la pathologie comme seuls moyens d'expression du sujet. Il offre l'image d'une sensibilité totale et commande une mise en scène et un jeu d'acteur, qui, échappant aux seules contraintes de la vraisemblance, soulignent par des moyens artificiels l'univers implacable de la transgression. Il y a alors exacte rencontre entre cet imaginaire et l'oralité du théâtre : dans la solitude, dans la pathologie de l'exclusion, il reste la parole et le spectacle de l'autre. À l'œuvre théâtrale s'ajoutent des poèmes (Dans l'hiver des villes, 1976), des essais (Là où je vis), des souvenirs (Mémoires, 1975), des récits et des romans (le Printemps romain de Mrs. Stone, 1953).

Williams (William Carlos)

Écrivain américain (Rutherford, New Jersey, 1883 – id. 1963).

Poète, essayiste, romancier, il se veut de terre américaine, de langue américaine, dans l'aveu d'un lignage où s'unissent traits anglais, français, espagnols, juifs, et dans la reconnaissance des acquis des arts européens, de la poésie (Yeats) à la peinture (Matisse, le cubisme). Il récuse l'exil et le cosmopolitisme de Pound, le pessimisme et la pose intellectuelle de T. S. Eliot. Ami de Pound, de Hilda Doolittle, il trouve dans l'imagisme le moyen d'échapper au sentimentalisme keatsien qui caractérise Poèmes (1909), et définit, dès 1913 avec les Humeurs, la recherche de l'objectivité et d'une inspiration locale. La poésie de Williams construit ainsi une poétique où l'intention esthétique ne se sépare pas de l'attention au lieu et à la chose, pour faire du texte l'expression d'une présence au réel et à l'histoire. Le poème est ce réel et cette histoire, objet parmi les objets et appel à la lecture du monde. Cette certitude de l'objectivisme, liée à un pragmatisme éminemment américain, transcende la critique et le pessimisme modernistes. Les œuvres des années 1920 (Korè aux enfers, 1920 ; Nouvelette et autres textes en prose, 1921-1931 ; Printemps, etc., 1923) sont marquées par une fascination pour la ruine, la corruption, la maladie. Voyage en Paganie (1928) dit, par le récit de l'expatriation européenne, l'obligation de revenir à l'objet qui existe toujours par lui-même dans le paysage et corrige les stérilités culturelles. Au grain d'Amérique (1925) propose une récriture de l'épopée américaine. Cette fable est aussi celle de l'homme moderne : une quête de l'universel dans le particulier où la littérature est un geste qui va contre toutes les appropriations. L'objectivisme naît du constat que l'objet parle de lui-même par le seul fait de son évidence et de sa localisation. Williams le rappelle : toute description reste un autoportrait, qui par-delà l'égocentrisme subjectif définit le poète et l'objet comme des données égales. Cette poétique trouve sa définition explicite dans la revue Contact et Others : il n'est de poésie que par le contact avec l'objet et la diversité de l'altérité. Cette position est formulée dans l'esthétique des Objectivistes qui comptent dans leurs rangs William Carlos Williams, Louis Zukofsky, George Oppen, Charles Reznikoff. Les Poèmes complets (1954) illustrent cette attention à l'objet, tandis que deux romans, la Mule blanche (1937) et la Fortune (1940), donnent la version réaliste et prosaïque de l'esthétique du lieu, reprise dans la Construction (1952) et dans des récits documentaires : le Poignard des temps (1932), la Vie sur les bords de la Passaic (1938).

   La poétique de l'objet ouvre de fait une interrogation sur le mot, la structure du langage et l'imagination. L'instant poétique est celui de la voix qui crée un rythme, distinct de toute prosodie conventionnelle. Ce rythme est celui qui anime la syntaxe et la structure du vers, liant l'objet présent à toutes ses autres images, personnelles, culturelles, historiques. L'objectivisme, dans la reconnaissance de l'instantané, est un cheminement au sein du langage, grâce auquel est possible le retour à la clarté ou à la clarification d'un présent constant. Les derniers recueils poétiques, Poèmes tardifs (1950), la Musique du désert (1954), Voyage vers l'amour (1955), Tableaux d'après Brueghel (1962), font du poème une confrontation avec une altérité qui libère la chose et le mot des contraintes de la détermination langagière. Paterson (5 livres, 1946-1958) retrouve la mythologie de l'Amérique et de la parole. Le temps et le vieillissement font de la poésie une mémoire, non pas une obsession du souvenir personnel, mais une mise en perspective de l'expérience individuelle comme emblématique de l'histoire collective. Paterson, réponse de Williams aux Cantos de Pound, marque l'effort pour faire passer l'Amérique de ses représentations usuelles à une telle intégrité où le fragmentaire et la juxtaposition de textes originaux et de textes trouvés montrent que la poésie n'est pas dans l'opposition entre prose et vers, mais dans l'ouverture mythique à une vision totalisante, potentielle plutôt que dogmatiquement imposée. Autobiographie (1951), essais (1954), correspondances (1957), et pièces de théâtre (Nombreuses amours, 1961) précisent les implications de cette poétique, dessinent la figure du poète-médecin et disent la fidélité constante de l'écrivain aux qualités des choses et des êtres les plus humbles.