Cesbron (Gilbert)
Écrivain français (Paris 1913 – id. 1979).
Romancier catholique, et parfois scandaleux, il aborde sous l'angle de la charité les problèmes sociaux et moraux du monde contemporain (Les saints vont en enfer, 1952 ; Chiens perdus sans collier, 1955). Son œuvre romanesque traite le plus souvent de l'enfance et de l'adolescence, aux frontières du merveilleux et du dramatique (les Innocents de Paris, 1943 ; C'est Mozart qu'on assassine, 1966 ; Notre prison est un royaume, 1947). Une de ses pièces, Il est minuit docteur Schweitzer (1951), consacrée au pasteur prix Nobel de la paix, a inspiré un film du même nom, réalisé par Pierre Haguet et interprété par Jeanne Moreau et Pierre Fresnay (1952).
Chabbi (Abu l-Qasim)
Poète tunisien (al-Châbbiyya, près de Tozeur, 1909 – 1934).
Il reçut une éducation traditionnelle totalement arabisée, étudia à la Zaytûna, puis à l'École de droit de Tunis, tout en composant très jeune des poèmes. Mort à 25 ans d'une maladie cardiaque, il a laissé une œuvre précoce, abondante et d'une exceptionnelle maturité, traditionnelle dans sa forme, romantique dans son ton, d'une grande musicalité, proche de la poésie du Mahjar. Ses premiers poèmes furent publiés par Abû Châdî dans la revue Apollo et lui valurent une large notoriété. Il appelait, influencé par Renan, à revivifier la poésie arabe en s'ouvrant sur la mythologie grecque (l'Imaginaire poétique des Arabes, 1929). Il mourut alors qu'il composait son premier Dîwân (Chansons de vie, 1955).
Chachkevitch (Markian)
Écrivain et patriote ruthène (1811-1842).
L'un des chefs du mouvement de rénovation nationale Jeune-Ukraine en Galicie, il publia avec I. Vahylevytch (1811-1866) et J. Holovatskyï (1814-1888) un recueil d'inspiration romantique, la Naïade du Dniestr (1837).
Chahnour (Chahan Kérestédjian, dit)
Écrivain arménien et poète d'expression française (Scutari 1903 – Saint Raphaël 1974).
Installé en France en 1922, il fut un membre actif du groupe « Menk » (Nous) et publia le premier roman diasporique (la Retraite sans fanfare, 1929). Sa carrière de poète français commence avec Fouiller avec rien (1944) sous le pseudonyme d'Armen Lubin. Il revient à la prose arménienne après 1958 (Registre ouvert, 1971).
Chaillou (Michel)
Écrivain français (Nantes 1930).
Enseignant, directeur de collection chez Hatier, il est amateur de romans autobiographiques, et écrit Jonathamour (1968), la Vindicte du sourd (1984), la Croyance des voleurs (1989), Mémoires de Mlle (1993). La littérature d'aventure le tente (la Vie privée du désert, 1995), et lui inspire Pour une littérature voyageuse, en collaboration avec Michel Le Bris, Jacques Lacarrière, Kenneth White (Complexe, 1992). Il aime recréer des univers autres (le Sentiment géographique, 1976), des époques différentes (le XVIIe siècle dans le Rêve de Saxe, 1986, et Le ciel touche à peine terre, 1997), la vie d'écrivains (Domestique chez Montaigne, 1983 ; la Rue du capitaine Olchanski, 1991, évocation de personnages de Pouchkine). Il développe une réflexion sur le rapport entre savoir et fiction dans la Petite Vertu : huit années de prose courante sous la Régence (1980) et Petit Guide pédestre de la littérature française du XVIIe siècle : 1600-1660 (1990).
Chairil Anwar
Poète indonésien (Medan 1922 – Jakarta 1949).
Après avoir terminé sa première année de « MULO » (Meer Uitgebreid Lager Onderwijs : « école primaire supérieure »), il quitte Medan, à la suite du divorce de ses parentss et s'installe avec sa mère à Jakarta, où il poursuit ses études grâce à l'argent que lui envoie son père. Avec l'occupation japonaise, les relations entre Medan et Jakarta sont rompues : il mène alors une vie de vagabond et écrit ses premiers poèmes connus, d'inspiration individualiste et révolutionnaire, mais marqués aussi par l'obsession de la mort. Ces poèmes témoignent de l'influence occidentale et tout particulièrement de deux poètes néerlandais de l'entre-deux-guerres, Marsman et Slauerhoff, au point qu'on a pu recenser, à côté de ses poèmes originaux, des adaptations, voire des plagiats. Bien que son œuvre ne soit pas quantitativement importante (il n'a laissé que trois recueils posthumes : Vacarme dans la poussière, 1949 ; Cailloux pointus et ce qui a été pillé et brisé, 1949 ; Trois écartent le destin, 1950 – ce dernier contenant aussi des poèmes d'Asrul Sani et de Rivai Apin), elle est d'une grande importance dans l'histoire de la littérature indonésienne : Chairil Anwar est considéré comme le promoteur de l'« Angkatan 45 ».
Chakravarti (Mukundaram) , dit Kavi Kankan
Poète indien de langue bengalie (Damunya milieu du XVIe s.).
Il est l'auteur d'un très célèbre poème narratif concernant la déesse Chandi qui mêle réalisme et récits mythologiques (Chandi mangal).
Chalamov (Varlam Tikhonovitch)
Écrivain russe (Vologda 1907 – Moscou 1982).
Arrêté une première fois en 1929, puis en 1937, il passa vingt-deux ans de sa vie dans des camps, et son œuvre – aussi bien la poésie (rassemblée dans Cahiers de Kolyma, 1978) que la prose – est profondément marquée par cette expérience. Libéré à la mort de Staline, il donne avec les Récits de Kolyma (1969), diffusés clandestinement en Union soviétique et publiés à l'étranger, un témoignage poignant, dans sa rigueur et sa nudité, sur l'univers du Goulag. Il s'agit de récits brefs, qui ne comportent pas de considérations générales, mais relatent des épisodes symptomatiques. Dans le recueil Résurrection du mélèze (posthume, 1985), figurent, aux côtés des Récits sur mon enfance, d'autres textes consacrés au camp.
Challe (Robert)
Écrivain français (Paris 1659 - Chartres 1721).
Issu de la bourgeoisie parisienne, il fit l'expérience des armes, puis du barreau, avant d'être contraint jeune encore à une vie aventureuse dans une compagnie commerciale en Acadie, puis dans la marine. Il séjourna ainsi plusieurs années au Canada et accompagna ensuite une expédition aux Indes (1690-1691) qui connut tempêtes, batailles navales, épidémies, conflits internes et autres aventures. Il rédigea des Mémoires qui n'ont été publiés qu'au XXe s. et un Journal d'un voyage aux Indes, paru en 1721, qui révèle son sens de l'observation et ses mérites d'écrivain. Sa liberté de pensée ainsi que des concordances biographiques ont conduit certains critiques à lui attribuer les Difficultés sur la religion proposées au père Malebranche, un des manuscrits clandestins les plus remarquables du début du XVIIIe s. qui critique le catholicisme d'un point de vue rationaliste et déiste, et dont une version remaniée dans un sens matérialiste a été publiée en 1767 sous le titre le Militaire philosophe. Mais son chef-d'œuvre reste les Illustres Françaises, histoires véritables, publié anonymement en 1713. Ces sept nouvelles se caractérisent par une volonté d'ancrage dans la réalité matérielle : les décors appartiennent aux quartiers parisiens de Saint-Antoine ou du Marais, les situations sociales sont nettement définies. Dans le traitement du thème majeur, l'amour contrarié, Challe réutilise des schémas conventionnels et tente de les subvertir. L'innovation consiste également à combiner les histoires et à faire reparaître les personnages de l'une à l'autre. L'ouvrage a été régulièrement réédité durant tout le XVIIIe s. et a fourni la matière de plusieurs pièces, comme Silvie ou le Jaloux de Paul Landois (1742), Dupuis et Des Ronais (1763) et la Veuve (1764) de Charles Collé.