Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
H

haiku

L'un des deux genres de la poésie brève japonaise, avec le tanka. À l'origine, c'est le verset d'ouverture du haikai. Le Haiku est composé de 17 syllabes (5/7/5), marqué par un mot évocateur de la saison (kidai) : c'est à travers la description de la beauté de la nature et des choses de la vie que le poète s'exprime. Dès l'époque d'Edo, notamment depuis Basho (1644-1694), cette ouverture tendait déjà à être considérée comme un mode d'expression indépendant du haikai, mais Masaoka Shiki (1867-1902) en a fait un genre à part qu'il appelle Haiku : il prône, notamment à travers sa revue Hototogisu, une méthode descriptive épurée de tout maniérisme. Le haiku reste aujourd'hui un mode d'expression privilégié de la littérature japonaise. Dans l'Empire des signes (1970), Roland Barthes considère le haiku comme le type même d'une esthétique littéraire enfin libérée de toute « profondeur », et qui signerait la déroute de toute entreprise herméneutique.

Haillan (Bernard de Girard, seigneur du)

Historiographe français (Bordeaux 1535 – Paris 1610).

Ses premières œuvres sont de circonstance. Son État et Succès des affaires de France (1570), panorama historique de Pharamond à Louis XI, vouée à un grand succès pendant plus de cinquante ans, lui vaut en 1571 la charge d'historiographe de France, faveur dont il remercie Charles IX avec Promesse et Dessein de l'histoire de France (1572). Son Histoire de France (1576) relève plus de la vulgarisation que de la recherche critique, mais se caractérise par un grand souci de méthode et d'explication.

Haïti

La littérature de langue française à Saint-Domingue est, au XVIIIe siècle, l'œuvre de colons qui se font éditer en France. Elle comprend surtout des études descriptives ou politiques, en particulier celles de Hilliard d'Auberteuil et, surtout, de Moreau de Saint-Méry. La littérature d'Haïti proprement dite commence après l'indépendance : dès 1804, Fligneau fait jouer sa pièce l'Haïtien expatrié. Mais les premiers écrivains sont surtout des polémistes, qui luttent contre un retour à la colonisation ; Dupré crée un théâtre d'actualité. En 1827, Milscent fonde une première revue littéraire, l'Abeille haytienne.

   Le romantisme apparaît avec le groupe du Républicain et de l'Union, en 1836 ; il a pour chefs de file les frères Nau. Il compte des poètes (Ignace Nau, Coriolan Ardouin), des auteurs dramatiques, un romancier (Émeric Bergeaud) et trois historiens importants : Madiou, Beaubrun Ardouin, Saint-Rémy. La génération suivante est celle du Parnasse, que domine Oswald Durand ; la même inspiration, légère et galante chez lui, se teinte de patriotisme avec Tertullien Guilbaud et Massillon Coicou ; Amédée Brun s'essaie au roman psychologique ; Démesvar Delorme s'attarde dans le genre historique et byronien. Louis Joseph Janvier, Hannibal Price, Benito Sylvain, Anténor Firmin multiplient les ouvrages à la gloire de leur pays et de leur race.

   En 1898 est fondée la Ronde, revue qui donne son nom à une école tendant à s'ouvrir davantage sur le monde. En poésie, elle comprend, notamment, Charles Moravia, qui met en français l'Intermezzo de Henri Heine, Damoclès Vieux (l'Âme captive, 1913), Etzer Vilaire ; Georges Sylvain préconise une littérature nationale et met en dialecte créole les fables de La Fontaine (Cric-Crac, 1901) ; c'est aussi la tendance de Duraciné Vaval (Stances haïtiennes, 1912). Le début du XXe siècle voit apparaître aussi un groupe de trois romanciers humoristiques : Frédéric Marcelin, Justin Lhérisson, Fernand Hibbert, tandis qu'Antoine Innocent publie Mimola (1906), premier roman folklorique.

   L'occupation américaine, de 1915 à 1934, pose plus nettement la question de l'appartenance culturelle. Les continuateurs de l'école de la Ronde restent fidèles à une orientation française : ils ont comme porte-parole Dantès Bellegarde et comptent d'excellents poètes, comme Ida Faubert, Dominique Hippolyte, Frédéric Burr-Reynaud, Luc Grimard. Subtils, un peu maniérés, Constantin Mayard, Émile Roumer et Léon Laleau polissent leurs vers à la manière de P.-J. Toulet et de Tristan Derème. Un autre groupe, dont l'animateur est l'ethnologue Price-Mars (Ainsi parla l'oncle, 1928), veut s'inspirer de la tradition africaine. Un troisième groupe, avec Jacques Roumain, recherche l'engagement prolétarien. La poésie se libère de la prosodie traditionnelle et devient militante, avec Carl Brouard, Roussan Camille, René Bélance, René Dépestre, Jean Brierre ; elle s'imprègne de surréalisme. Le roman choisit ses sujets dans la vie populaire, peinte de couleurs sombres : après l'indigénisme encore bourgeois de Stephen Alexis (le Nègre masqué, 1933), ce sont les romans paysans de Jean-Baptiste Cinéas, ceux des frères Philippe Thoby Marcelin et Pierre Marcelin (Canapé vert, 1944) et de Jacques Roumain (Gouverneurs de la rosée, 1944) ; le même réalisme pathétique se retrouve chez Maurice Casséus, Félix Morisseau-Leroy, Anthony Lespès, Jacques Stephen Alexis. La Revue indigène puis les Griots servent de support à ce nouveau courant.

   L'histoire est représentée par Pauléus Sannon, par le général Nemours, le Dr Dalencourt, Timoléon Brutus, Roger Gaillard, plus récemment par l'érudit Maurice Lubin et, surtout, Jean Fouchard ; des sociologues scrutent, après Price-Mars, les composantes de l'âme nationale (Haïti a été la première « république nègre »), et interprètent à cette lumière, avec Hénoch Trouillot, la littérature de leur pays, qui trouve ses historiens avec Pradel Pompilus, le frère Raphaël Berrou ou Ghislain Gouraige. Par ses chocs d'idées, la littérature haïtienne reste une des plus suggestives et des plus vivantes des littératures francophones.

   À partir des années 1960, l'exode de nombreux intellectuels, en butte aux violences du régime Duvalier, a eu pour effet la différenciation des littératures. On peut considérer une première écriture « du dedans », qui continue à pratiquer le roman historique (Alix Mathon, Adeline Moravia) ou populiste et social (Marie-Thérèse Colimon, Paulette Poujol-Oriol), et l'on voit se succéder des écoles poétiques à un rythme accéléré : après le surréalisme de Magloire Saint-Aude (1912-1971), le groupe Samba, où figure Davertige, et le groupe Hounguenikon de Gérard Campfort.

   Mais il existe une autre écriture « du dedans », militante, représentée d'abord par Jacques Stephen Alexis, mort assassiné en 1961 par les tontons-macoutes alors qu'il tentait de rentrer clandestinement dans son pays. Il est l'auteur d'une œuvre romanesque d'une très grande puissance, à la fois poétique et politique : Compère Général Soleil (1955), les Arbres musiciens (1957) et l'Espace d'un cillement (1959), qui chante la terre natale en empruntant la voie onirique du « réalisme merveilleux » ; on retrouve aussi cet enchantement dans son recueil de nouvelles, Romancero aux étoiles (1960). Dans sa trace figure Marie Chauvet avec sa remarquable trilogie Amour, Colère et Folie (1968), dénonciation magistrale de l'horreur sous l'époque Duvalier, suivie par Anthony Phelps, auteur de deux romans (Moins l'infini, 1973 ; Mémoire en colin-maillard, 1976), puis par Roger Dorsinville (Mourir pour Haïti ou les Croisés d'Esther, 1980). Incontestablement, l'écriture résistante est, pendant une trentaine d'années, celle du mouvement spiraliste fondé en 1965 et animé par un groupe de trois écrivains demeurés en Haïti malgré la menace permanente : Frankétienne, René Philoctète (le Peuple des terres mêlées, 1989 ; Une saison de cigales, 1993) et Jean-Claude Fignolé (les Possédés de la pleine lune, 1987 ; Aube tranquille, 1990) – Frankétienne, à lui seul, a écrit une trentaine d'œuvres dont le sommet est atteint avec l'Oiseau schizophone (1993) et ses Métamorphoses (huit volumes, 1996-1997) : la spirale devient entre leurs mains l'instrument magique pour échapper, grâce à l'accélération des mots, à la force brutale du chaos. On peut considérer que l'écriture de Lyonel Trouillot, si elle s'apparente souvent au spiralisme par son « esthétique du délabrement », trouve toutefois une force neuve dans son style baroque qui en fait à la fois le charme et l'originalité : les Fous de Saint-Antoine (1989), Rue des pas-perdus (1996), Thérèse en mille morceaux (2000).

   D'autre part, l'écriture dite « du dehors » est celle de la nombreuse diaspora. C'est au Canada que cette veine est la plus vive, avec Anthony Phelps, Gérard Étienne mais surtout Émile Ollivier : Mère-Solitude (1983), la Discorde aux cent voix (1986), Passages (1991), et Dany Laferrière avec sa vaste « autobiographie américaine » – commencée par le célèbre roman Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer datant de 1985 et qui se termine en 2000 par le dixième volet, le Cri des oiseaux fous. Cette littérature de l'exil reflète aussi l'Afrique par le talent de Roger Dorsinville, réfugié au Sénégal : Renaître à Dendé (1980), Jean Métellus, neurologue qui vit en France, est poète : Au Pipirite chantant (1978), Hommes de plein vent (1981) ; dramaturge, essayiste, il est aussi un romancier affirmé : Jacmel au crépuscule (1981), la Famille Vortex (1982), l'Année Dessalines (1986), Louis Vortex (1992). René Depestre, après vingt années passées à Cuba comme enseignant à La Havane, s'est installé aussi en France, où il fait paraître un recueil de nouvelles : Alleluia pour une femme-jardin (1973), puis ses romans le Mât de cocagne (1979) et Hadriana dans tous mes rêves (1988). Mais cette diaspora est loin de détenir le monopole de l'originalité littéraire. En effet, le creuset haïtien continue de bouillonner non seulement avec les productions toujours actives du spiralisme, mais aussi avec le pluréalisme de Gérard Dougé, le groupe de la revue le Petit Samedi soir de Dieudonné Fardin et le Collectif de la revue Cahiers du vendredi, animé par Lyonel Trouillot. Si le premier roman en langue créole, Dézafi de Frankétienne, date de 1975, le théâtre, lui, n'a cessé de s'exprimer par cette voix et les pièces, rôdées en Haïti, visitent régulièrement New York et Montréal, signe d'une reconnaissance et partage d'une culture authentique pour les immigrés.