Bâ (Amadou Hampaté)
Écrivain malien (Bandiagara 1901 – Abidjan 1991).
Il accomplit l'essentiel de sa carrière dans l'administration coloniale (où il fut successivement commis et interprète), avant d'accéder à la diplomatie au lendemain de l'indépendance de son pays. Ces fonctions ne l'ont pas empêché de garder un contact constant avec ses maîtres traditionnels, et il apparaît aujourd'hui comme l'un des champions de la défense de la tradition africaine. Outre des travaux à caractère historique (l'Empire peul du Macina, 1962-1975), ethnographique (Aspects de la civilisation africaine, 1972) et religieux (Vie et enseignement de Tierno Bokar, 1972), il a contribué à sauver de l'oubli les trésors de la mémoire populaire en recueillant un certain nombre de récits initiatiques peuls : Koumen (1961), Kaïdara (1969), Contes initiatiques peuls (1994), Petit Bodiel et autres contes de la savane (1994). Son roman, l'Étrange Destin de Wangrin (1973), raconte avec humour l'itinéraire authentique d'un interprète, personnage essentiel de la période coloniale. Trois mois après sa mort, paraît le premier tome de ses Mémoires, Amkoulel, l'enfant peul (1991), qui relate les vingt premières années de sa vie (et du siècle). Oui, mon commandant (1994) prolonge le récit jusqu'en 1933. À la fois chronique, autobiographie et étude sociologique, ces récits pleins de verve ont rencontré un grand succès. Cette vaste fresque historique constitue, sur l'Afrique sahélienne au temps de la colonisation, un témoignage très personnel et très serein qui reste unique.
Ba (Mariama)
Écrivain sénégalais (Dakar 1929 - id. 1981).
Formée dans les toute premières promotions de l'École normale de Rufisque, elle devient institutrice, mère de famille et publie deux romans. Dans Une si longue lettre (1979), elle évoque les destins opposés de deux femmes victimes de la polygamie : à la mort de son mari, Ramatoulaye, jusqu'alors traditionnelle et soumise, commence une lettre à son amie Aïssatou, qui a su partir et conquérir son autonomie ; au fil de cette lettre et grâce à sa prise de parole, elle se révolte et se libère peu à peu du carcan social. Un chant écarlate (1981), plus pessimiste, raconte l'échec tragique du mariage entre une Française, Mireille, et un Sénégalais musulman, Ousmane : incapable d'accepter le deuxième mariage, d'ailleurs secret, d'Ousmane, Mireille devient folle et tue son enfant. Mariama Ba est l'un des premiers écrivains à faire entendre une voix féminine dans la littérature africaine.
Ba Jin (Li Feigan, dit)
Écrivain chinois (Chengdu 1904-Shanghai 2005).
Issu d'une riche famille mandarinale, il se passionne pour les anarchistes russes : il choisit son pseudonyme par admiration pour Ba(kounine) et (Kropot)kine. Son premier roman, Destruction (1927), écrit en France, connaît un grand succès. Entre 1927 et 1946, il compose 19 romans, 13 recueils de nouvelles et 3 volumes d'essais, de récits autobiographiques et de notes de voyages. Pour lui, la littérature est un moyen de comprendre le monde, une arme au service du progrès. Après 1949, il se tait, se contente de fonctions officielles ; il subit avec courage de cruelles persécutions pendant la Révolution culturelle, est réhabilité après la fin de celle-ci. Proposé pour le Nobel en 1975, il écrit encore quelques essais (Au Fil de la pensée, 1980) et succède (1981) à Mao Dun à la tête de l'Association des écrivains chinois. Les romans de Ba Jin se répartissent en deux trilogies : le Brouillard (1931), la Pluie (1932) et les Éclairs (1934) forment la Trilogie de l'amour ; Famille (1931), Printemps (1938) et Automne (1939) forment celle du torrent. Les deux séries traitent du dilemme posé à la jeunesse intellectuelle chinoise des années 1920-1930 : tradition ou modernisme ? Amour ou révolution ? Chaque héros le résout à sa manière. Famille, au caractère autobiographique très accentué, compte parmi les grands romans chinois du XXe siècle. Très différents sont les deux derniers récits : le Jardin du repos (1944), méditation sur l'apparence et la réalité des êtres, et Nuit glacée (1946), cri de solitude et de désespoir.
Baal-Makhshoves (Israel Isidor Eliachev, dit)
Critique littéraire de langue yiddish (Kovno 1873 – 1924).
Il étudia la médecine à Berlin et vécut à Vilno, Riga, Varsovie, Petrograd. Ses débuts furent en russe et en allemand. Dès 1901, il publia régulièrement des articles dans la presse yiddish d'Europe et des États-Unis. Il a défendu l'idée de l'unité de la culture juive malgré le clivage linguistique entre le yiddish et l'hébreu (Deux Langues, une littérature, 1918) et appliqué au domaine yiddish les critères d'analyse des grandes littératures européennes.
Baalbakki (Layla)
Romancière libanaise (Beyrouth 1936).
Issue d'une famille chiite, elle traite dans ses romans, avec une franchise qui fit scandale, de la condition de la femme et des rapports familiaux (Je vis !, 1958).
Babel (Issaak Emmanouïlovitch)
Écrivain russe (Odessa 1894 – Moscou 1940).
Soutenu à ses débuts par Gorki, il prend part à la guerre civile et exerce divers métiers. Dans des cycles de récits brefs et dramatiques, au style dense et chargé d'images, il puise dans son expérience vécue, que ce soit pour évoquer des souvenirs d'enfance marqués par l'antisémitisme (Histoire de mon pigeonnier, 1925), ou la campagne de Pologne au sein de l'armée de Boudionny, dans Cavalerie rouge (1926), son recueil le plus célèbre. Empruntant le regard « objectif » d'un narrateur naïf, il y décrit avec un réalisme cru et parfois morbide une Armée rouge hétéroclite, dans un style à la fois pittoresque et épique. La faune colorée de la pègre de sa ville natale, où vit une communauté juive nombreuse, avec ses truands au grand cœur et leur chef Benia Krik, peuple ses Contes d'Odessa (1931), pleins d'humour et écrits dans une langue très travaillée qui recourt fréquemment au jargon odessite. Il aborde le théâtre, peignant avec saveur les mœurs du milieu juif d'Odessa (Crépuscule, 1928) et la déchéance de l'aristocratie sous le régime soviétique (Maria, 1935). Accusé de trotskisme, il est arrêté en 1939 et fusillé en 1940.