Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Genlis (Stéphanie Félicité Du Crest, comtesse de)

Femme de lettres française (Champcéri, près d'Autun, 1746 – Paris 1830).

Passionnée de pédagogie, elle mit la « morale en action » dans son Théâtre à l'usage des jeunes personnes (1779-1780), Adèle et Théodore ou Lettres sur l'éducation (1782), les Veillées du château (1782-1784). En exil pendant la Révolution, elle se spécialisa à son retour dans la littérature apologétique, imita Chateaubriand dans la Philosophie chrétienne (1802) et les Monuments religieux (1805), vilipenda les philosophes du XVIIIe s. dans les Dîners du baron d'Holbach (1822). Elle publia un grand nombre de romans historiques (Mlle de Clermont, 1802 ; Mme de Maintenon, 1806) et des Mémoires (1825).

Genpei Seisui-Ki
(Chronique de la grandeur et de la décadence des Minamoto et des Taira)

Chronique guerrière japonaise (gunki monogatari) sans doute élaborée vers la fin du XIIIe s.

Sorte de « roman-fleuve », le Genpei seisui-ki retrace en 48 livres la longue lutte qui opposa le clan des Minamoto à celui des Taira, et qui s'acheva sur la victoire des premiers à la bataille de Dan-no-ura (1185). Il constitue la version la plus développée du Dit des Heike (vulgate en 12 livres), version sans doute destinée à la lecture plutôt qu'à la récitation avec accompagnement au luth (heikyoku).

genteel tradition

Ensemble de conventions sociales et morales de la bourgeoisie américaine, à la fin du XIXe s., caractérisée par un portrait stéréotypé de la femme : belle, convenable, héroïque. Edith Wharton enregistre, dans ses romans, les ruptures de cette tradition et l'effacement de la noblesse morale devant le pouvoir de l'argent. Cet imaginaire marque les œuvres de Fitzgerald et d'Hemingway.

Geoffrin (Marie-Thérèse Rodet, Mme)

Mécène française (Paris 1699 – id. 1777).

Issue d'une riche famille bourgeoise, elle tint, malgré ses origines roturières, à partir de 1749, un salon qui, fut pendant vingt-cinq ans l'un des principaux « bureaux d'esprit » de Paris, comme ceux de Mmes de Lambert, de Tencin, du Deffand. Deux fois par semaine, son « royaume » rassemblait des écrivains (Marivaux, Diderot), artistes (Van Loo, Vernet, Hubert Robert), savants et étrangers célèbres (Walpole, Galiani). Mme Geoffrin fut l'amie de Marmontel et du futur roi de Pologne, Stanislas Poniatowski.

Geoffroi de Monmouth

Écrivain gallois de langue latine (Monmouth v. 1100 – Saint Asaph 1155).

Évêque (vers 1140), il s'inspire de ses prédécesseurs et de la tradition orale pour son Historia regum Britanniae (1136), traduite en français par Wace sous le titre de Roman de Brut. C'est à la fois la base de l'histoire nationale anglaise, depuis le roi Brutus, arrière-petit-fils d'Enée, et la source de la légende arthurienne, où devait puiser Chrétien de Troyes.

Geoffroi de La Tour Landry

Poète français (XIVe s.).

Chevalier, auteur de poèmes lyriques, il composa en 1371 un Livre pour l'enseignement de ses filles, à la fois livre d'éducation et Mémoires d'un gentilhomme campagnard instruit. Son texte, empreint d'une certaine sagesse, comporte aussi bien des récits bibliques et hagiographiques qu'un exposé des normes en usage dans la vie quotidienne. Évoquant son entourage en quelques lignes, il montre la vie de son milieu au moment de la guerre de Cent Ans.

George-Kreis

Cercle d'amis peu structuré, mais prenant parfois les apparences d'un ordre religieux, formé autour du poète allemand Stefan George ; en réalité seule la personne du Maître assurait la cohésion. La revue Blätter für die Kunst diffusait les idées du cercle : la mission du poète, le culte des grandes personnalités et le refus du positivisme au bénéfice de l'intuition et du mythe.

George (Stefan)

Poète allemand (Büdesheim, Bingen, 1868 – Minusio, Tessin, 1933).

Traducteur de Baudelaire, entre autres, il publie d'abord des recueils (Hymnes, 1890 ; Algabal, 1892), influencés par Mallarmé et les symbolistes : c'est une poésie nouvelle en Allemagne, musicale et rigoureuse, proche de l'hermétisme. Vers 1900, George définit le poète comme guide de la nation et crée un cercle, le George-Kreis, prenant parfois les apparences d'un cercle religieux et auquel il confère un mythe central (l'Année de l'âme, 1897 ; le Septième Anneau, 1907) et une loi (l'Étoile d'alliance, 1913). À ce cercle furent attachés des poètes comme P. Gérardy, A. Schuler, L. Derleth et A. Verwey, des philosophes, germanistes ou historiens comme L. Klages, F. Gundolf, E. Bertram ou M. Kommerell. Son influence sur la vie intellectuelle allemande de l'époque fut discrète mais profonde. Le silence qui entoure l'œuvre de George depuis la guerre s'explique par ses positions radicalement conservatrices et par l'ésotérisme de sa poésie.

Géorgie

Convertie au christianisme au IVe siècle par une sainte venue de Cappadoce, Nino – sa conversion est relatée dans la Conversion de la Géorgie, IXe s., la Géorgie a une littérature écrite depuis le Ve s. Cette littérature, dès l'origine, n'est pas seulement religieuse, édifiante et hagiographique, mais surtout nationale et patriotique, l'Église demeurant, dans les siècles de domination persane ou arabe, puis de morcellement féodal, la seule force d'unité nationale. Les premières œuvres qui nous soient parvenues sont le Martyre de la sainte reine Chuchanik', épouse du gouverneur d'une province méridionale convertie par opportunisme au mazdéisme, qui refusa d'abjurer sa foi et résista jusqu'à la mort (Iak'ob Tsurt'aveli, Ve s.), puis le Martyre d'Abo Tbileli, jeune Arabe qui embrassa la religion du peuple que les siens opprimaient, subjugué par sa fermeté d'âme (Ioane Sabanisdze VIIe s.).

   Coupée de Byzance par la Perse, la Géorgie se tourna très tôt vers la Syrie et la Palestine où les premiers monastères géorgiens furent édifiés dès les Ve-VIe siècles. Au VIIIe siècle, le centre de la vie monastique géorgienne se déplaça au sud même de la Géorgie, en T'ao-K'lardjeti, où fut entreprise, sous la direction de Grigol Xandzteli (Grégoire de Xandzta), la construction de plusieurs monastères – ce que nous relate sa Vie, écrite au Xe siècle par Giorgi Mertchule. L'école de T'ao-K'lardjeti s'illustra tout particulièrement par ses hymnographes, Ioane Mintchxi, Mikael Modrek'ili et Ioane Mt'bevari. À la fin du Xe siècle, enfin, fut construit au mont Athos le monastère d'Iviron. L'école athonite était, elle, surtout soucieuse de traduire les principaux monuments de la pensée byzantine. Les plus célèbres de ces traducteurs furent Ekvtime Mtats'mideli (Atoneli) [Euthyme l'Hagiorite ou l'Athonite, 955-1028], qui insérait de très longs commentaires chaque fois qu'il le jugeait nécessaire et qui fut à l'origine d'une véritable tradition byzantine métaphrastique. Cette méthode fut vigoureusement critiquée par son successeur, Giorgi Mtats'mideli (Atoneli) (Georges l'Hagiorite ou l'Athonite, 1009-1065), partisan au contraire d'un respect scrupuleux des textes. Après eux, Eprem Mcire (Ephrem le Mineur) choisit une voie médiane – commenter certes, mais en marge, ce qu'il fit dans ses traductions de Jean Damascène, de Basile le Grand et du Pseudo-Denys l'Aréopagite. Invité à venir en Géorgie par le roi Davit IV Aghmachenebeli (David le Bâtisseur, 1089-1125), il y aurait dirigé l'académie d'Iq'alto, en K'axétie.

   Dans la philosophie médiévale géorgienne se développèrent parallèlement un courant platonicien et un courant aristotélicien, qu'Arsen Iq'altoeli (Arsène d'Iq'alto), élève d'Eprem, s'efforça un temps de concilier, avant de pencher vers l'aristotélisme au moment où le néoplatonicien Jean Italos et ses disciples étaient persécutés à Byzance. L'un d'eux, Ioane P'et'rits'i (mort en 1125), réfugié d'abord en Bulgarie au séminaire de Pétritsos, fondé par le prince géorgien et haut fonctionnaire byzantin Grigol Bak'uriani, venu ensuite à Gelati, fut le plus brillant professeur de l'académie que Davit venait de fonder en Imérétie pour ramener en Géorgie les plus grands savants géorgiens. Il traduisit notamment les Éléments de théologie de Proclus.

   Sous le règne de Davit, lui-même auteur d'émouvants Chants de regret, apparaît également une brillante littérature profane, d'abord romanesque (visramiani, version géorgienne de l'histoire persane des amours de Vis et de Ramin, attribuée à Sargis Tmogveli, amirandaredjaniani attribué à Mose Xoneli), puis panégyrique (odes de Ioane Chavteli et de Tchaxruxadze), jusqu'au chef-d'œuvre de Chota Rustaveli, Peau de panthère (fin XIIe-début XIIIe s.) qu'il n'est pas excessif de comparer à la Divine Comédie de Dante.

   Suit la longue nuit mongole, deux siècles de feu et de sang, puis encore des invasions, turque et persane, dont le pays ne se réveille qu'au XVIe siècle, avec les rois de K'axétie, Teimuraz Ier (1589-1663), dont la poésie lyrique est encore empreinte de pessimisme, et Artchil II (1647-1713), qui appelle à un sursaut national. Ce renouveau s'amorce au XVIIIe siècle, autour du roi Vaxt'ang VI (1675-1737), fondateur de la première imprimerie géorgienne, avec notamment Sulxan-Saba Orbeliani (1658-1725), esprit encyclopédiste et diplomate infatigable, Davit Guramichvili (1705-1792), au patriotisme amer, qui fut le premier à introduire dans la littérature géorgienne l'« esprit européen », et le lyrisme amoureux de Besik'i (1750-1791).

   L'aube du XIXe siècle voit éclore un romantisme porteur d'aspirations nationales (Aleksandre Tch'avtch'avadze, 1786-1846 ; Grigol Orbeliani, 1804-1883 ; Nik'oloz Baratachvili, 1817-1845). Alors que le déclin de la société patriarcale et du servage transparaît déjà dans le théâtre de Giorgi Eristavi (1813-1864) et dans la prose de Daniel Tch'onkadze (1830-1860), le groupe des tergdaleulebi (Rapiel Eristavi, 1824-1901 ; Ilia Tch'avtch'avadze, 1837-1907 ; Ak'ak'i Ts'ereteli, 1840-1915 ; Giorgi Ts'ereteli, 1842-1900) oppose dans la seconde moitié du siècle les luttes d'un peuple avide de justice aux derniers représentants d'une féodalité agonisante. Dans le même temps, Aleksandre Q'azbegi (1848-1893) célèbre le montagnard épris de liberté qui résiste aux exactions des colonisateurs russes, et Vaja Pchavela (1861-1915), dans une conception du monde profondément païenne et panthéiste, la communion fragile de l'homme et de la nature, de toutes les créatures vivantes en somme, et les pratiques ancestrales des communautés montagnardes – hospitalité et vendetta.

   Au tournant du siècle, à la suite des critiques sociales virulentes de Chio Aragvisp'ireli (1867-1926) et de Davit K'ldiachvili (1832-1961), naît une littérature prolétarienne, nourrie de marxisme, mais l'échec de la révolution de 1905 incite nombre de poètes au solipsisme et aux recherches formelles (néosymbolisme des tsisperq'ants'elebi [Ceux des cornes d'Azur] : P'aolo Iachvili, 1894-1937 ; T'itsian T'abidzé, 1895-1937 ; Sergo K'ldiachvili, 1893-1986 ; Valerian Gaprindachvili, 1889-1941 et Giorgi Leonidze, 1899-1966) ; plusieurs d'entre eux disparaîtront lors de la grande purge stalinienne de 1937. Après l'éphémère indépendance (1918-1921) de la république sociale-démocrate, s'engage entre groupes rivaux (néosymbolistes, futuristes, prolétariens, nationalistes d'aripioni, etc.) une compétition qui aboutira à la fondation d'une Union des écrivains (mts'eralta k'avchiri) fédérant autour des thèmes soviétiques poètes (Aleksandre Abacheli, 1884-1954 ; Ioseb Grichachvili, 1889-1965 ; Sandro Chanchiachvili, 1888-1979 ; Galak't'ion T'abidze, 1892-1959 ; Simon Tchikovani, 1902-1966), prosateurs (Demna Chengelaia, 1896-1980 ; K'onst'ant'ine Lortkipanidze, 1905-1986 ; K'onst'ant'ine Gamsaxurdia, 1893-1975 ; Leo Kiatcheli, 1884-1963 ; Aleksandre Kutateli, 1898-1982) et dramaturges (Chalva Dadiani, 1874-1959). Depuis 1955, la littérature géorgienne s'est progressivement libérée de son emprise, abordant des thèmes plus actuels et s'ouvrant à des formes nouvelles, tant en poésie (Irak'li Abachidze, 1909-1992 ; Xut'a Berulava, né en 1924) qu'en prose (Nodar Dumbadze, 1928-1984 ; Otar Tchxeidze, né en 1920 et auteur du magnifique Voyage d'un jeune compositeur [1985] ; Otar Tch'iladze, né en 1933, dont le Théâtre de fer [1981] a été récemment traduit en français) ou au théâtre (Tamaz Tch'iladze, né en 1931).