Fromentin (Eugène)
Peintre et écrivain français (La Rochelle 1820 – Saint-Maurice 1876).
Il effectue trois voyages en Algérie et en Égypte, d'où il rapporte Un été dans le Sahara (1857), Une année dans le Sahel (1859) et les Notes d'un voyage en Égypte (1881). Moins curieux des mœurs que des paysages, Fromentin poursuit « l'ombre des pays de lumière » et la « transparence aérienne » du silence des espaces africains. En littérature, comme en peinture, l'œuvre ajoute au réel tous les harmoniques de la vibration intérieure, qui cherche à conserver « le charme particulier des choses que le temps ou la raison nous dispute » : c'est là la tonalité de Dominique (1863), roman autobiographique qui transpose les souvenirs d'un amour de jeunesse malheureux. Dominique, orphelin sensible et replié sur lui-même, et Madeleine, la cousine de son seul ami de collège, n'ont d'autre histoire que celle de leur amour, qui atteindra sa plénitude dans le renoncement. La mémoire du narrateur se fonde sur « un certain accord d'impressions » qui lui permet de revoir sa vie comme un spectacle donné par un autre et d'atteindre ainsi, à travers l'expérience la plus intime, à l'absolue objectivité de l'art. L'infinie discrétion de l'écriture et la pudeur dans les demi-teintes pourraient annoncer l'Éducation sentimentale, si, à l'ironie de Flaubert, Fromentin n'avait préféré la transparence ou le romantisme de Volupté. Dominique reste le roman des « rêves de l'adolescence » .
Les Maîtres d'autrefois sont un essai à l'écriture métaphorique qui tente de restituer l'originalité de chaque peintre à partir d'un vocabulaire de critique littéraire. On sait que chez Fromentin l'écrivain a chronologiquement relayé le peintre et que la relation de l'écriture et de la peinture a fait l'objet d'une réflexion théorique dans la « Préface » ajoutée à la réédition d'Un été dans le Sahara (1875) : avec les Maîtres, le pinceau du peintre est remplacé par la plume de l'écrivain. Tout le parcours à travers les musées belges ou hollandais se transforme en lecture d'un « livre d'art », dont le voyage à Bruxelles est la « préface ». Rubens est analysé comme un « lyrique », ses peintures perçues comme « des pages exceptionnelles », son style décomposé en « syntaxe » et en « phrases ». Les Maîtres d'autrefois apparaissent ainsi comme le premier manifeste d'une esthétique pluridisciplinaire appelée à connaître une grande faveur au XXe siècle.
Frontin, en latin Sextus Julius Frontinus
Écrivain latin (vers 30 – v. 103).
Deux fois consul, gouverneur de Bretagne, puis de la province d'Asie, il a laissé plusieurs ouvrages techniques (Des aqueducs de la ville de Rome, De l'art de l'arpenteur) et un manuel de tactique militaire, les Stratagèmes (vers 90), qui contient de nombreux exemples empruntés à l'histoire militaire de la Grèce et de Rome.
Frost (Robert Lee)
Poète américain (San Francisco 1874 – Boston 1963).
Issu d'une famille yankee, établi dans le New Hampshire, il a donné une œuvre à part, attachée à l'expression de la vie rurale et à ses symboles. Il devint ainsi poète lauréat, écrivant un poème pour l'inauguration de la présidence Kennedy. Son intention esthétique première est d'introduire en poésie les lenteurs du parler quotidien. Mêlant réalisme et lyrisme, didactisme et simplicité gnomique, son œuvre suggère l'élévation spirituelle et le lien de l'homme et de la nature. Elle dessine un royaume solitaire, où la succession des phénomènes naturels confirme la nécessité de la self-reliance. De Volonté d'un petit garçon (1913) à Dans la clairière (1962) s'impose l'image d'une sérénité lucide, attachée au silence de l'homme, à des notations dramatiques, à une équanimité émersonienne (New Hampshire, 1923). L'évocation d'un monde où Dieu cesse de se manifester (le Ruisseau à l'ouest, 1928) conduit à une méditation sur la providence (À plus longue portée, 1936 ; Un arbre témoin, 1942 ; Un masque de raison, 1945 ; Un masque de pitié, 1947). Le poète et l'homme privé se confondent dans la recherche d'un individualisme inséparable de la perception de l'ordre quotidien. L'expérience littéraire doit conduire du plaisir esthétique à la sagesse, contre la perplexité et le chaos.
Frug (Shimen Shmuel)
Poète de langue russe et yiddish (Bobrovy Kut, Ukraine, 1860 – Odessa 1916).
Il débuta par des poèmes en russe, puis choisit de s'exprimer en yiddish après les pogroms de 1881. Ses chansons, très populaires, ont accompagné l'éclosion des idéaux sionistes.
Frugoni (Francesco Fulvio)
Écrivain italien (Gênes v. 1620 – Venise v. 1684).
Voyageur, auteur de poèmes burlesques (le Cerceau, 1643), il a laissé avec sa fresque allégorico-satirique de la culture et de la société de son temps, divisée en sept « aboiements » faisant écho au « cynisme » de son titre (le Chien de Diogène, 1689), un des plus singuliers monuments de la prose baroque.
Fruttero & Lucentini
Écrivains italiens : Carlo Fruttero (Torino 1926) et Franco Lucentini (Rome 1920 – Turin 2002).
Leur association, connue sous le nom de Fruttero & Lucentini, a produit des œuvres littéraires à grand succès, telles que des romans policiers très particuliers ou encore des chroniques satiriques (la Femme du dimanche, 1972 ; la Nuit du grand boss, 1979 ; la Prédominance du crétin, 1985 ; le Retour du crétin, 1992).
Fry (Christopher)
Auteur dramatique anglais (Bristol 1907 – Chichester, Sussex, 2005).
Fils de prédicateur, il régénère le drame poétique moral et religieux dans une esthétique proche des mystères médiévaux (L'Enfant à la charrette, 1937 ; Le Premier né, 1947), avant de retrouver une exubérance shakespearienne avec sa brève comédie Un phénix trop courant (1946). Ses drames poétiques garderont désormais des lueurs de fantaisie (La dame ne brûlera pas, 1949 ; Vénus au zénith, 1950 ; La nuit a sa clarté, 1954), voire de non-conformisme (Curtmanthe, 1964). Ses scénarios pour le cinéma (Ben Hur, 1959 ; Barabbas, 1962) et pour la télévision ont le même souci spirituel : une évolution significative de l'intelligentsia chrétienne vers une langue populaire.