Molinet (Jean)
Chroniqueur et poète français de la cour de Bourgogne (Desvres 1435 – Valenciennes 1507).
Il acheva sa vie comme prêtre et chanoine près de Valenciennes après avoir été historiographe de Charles le Téméraire et de ses successeurs : il poursuivit ainsi, de 1474 à 1507, la Chronique de Georges Chastellain. Auteur de poésies, de proses et de prosimètres (dans lesquels il traite des événements politiques du temps), il est le meilleur représentant de la « grande rhétorique ». Il élabore un art complexe, où il mêle divers registres hérités de la tradition sans s'attacher aux oppositions de style. Il met au service de cette polyphonie thématique un langage au vocabulaire abondant, à la syntaxe complexe, aux sonorités brillantes. Parmi une centaine d'œuvres (dont des rondeaux, des ballades et des complaintes), des dits moraux et allégoriques contiennent nombre d'allusions aux événements de son temps : l'Arbre de Bourgogne, la Ressource du petit peuple, le Sermon de Billouard, le Temple de Mars.
Møller (Paul Martin)
Écrivain danois (Uldum 1794 – Copenhague 1838).
À sa mort, ses poèmes restaient encore dispersés dans diverses revues. Son grand roman rhapsodique, inédit lui aussi, Aventures d'un étudiant danois (publié en 1893) décrit avec humour l'étudiant pris de vertige lorsqu'il entreprend de penser ses propres pensées. De formation classique, il traduisit les Six Premiers Chants de l'Odyssée (1825) en s'inspirant de Saxo Grammaticus. Il a rapporté de Chine des Pensées diverses.
Molnár (Ferenc)
Écrivain hongrois (Budapest 1878 – New York 1952).
Il remporta ses premiers succès littéraires avec des esquisses humoristiques de la vieille capitale (Mœurs de Budapest, 1897-1898). Son roman les Garçons de la rue Pál (1907) lui valut un succès retentissant. Ses pièces de théâtre (le Diable, 1907 ; Liliom, 1909 ; le Garde du corps, 1910 ; le Cygne, 1920 ; Olympia, 1928 ; Jeu de cœurs, 1954) témoignent d'une grande habileté scénique et doivent beaucoup à l'influence d'auteurs français (Scribe, Sardou, Bernstein).
Molodowski (Kadia)
Écrivain de langue yiddish (Bereza Kartuska, Pologne, 1894 – New York 1975).
Institutrice des écoles laïques juives en Pologne, elle chante la misère des rues juives et la douleur des mères, mais aussi la joie et l'espièglerie des enfants (Nuits d'automne, 1927 ; la Rue Dzika, 1933 ; Freydke, 1935). En 1935 elle s'installe à New York, où elle dirige dans les années 1940 la revue littéraire Milieu. On lui doit plusieurs autres recueils de poèmes, deux romans et quelques-unes des pages les plus lumineuses de la littérature pour enfants en yiddish.
Momaday (N. Scott)
Écrivain américain (Lawton, Oklahoma, 1934).
Couronné par le prix Pulitzer, son premier roman, la Maison d'aube (1969), suivi en 1989 par l'Ancien Enfant, s'inscrit dans une quête de l'origine indienne et dans une tentative de dire la condition de celui qui hérite de la tradition, mais pas de la langue ou des modes de vie qui y correspondent. Il s'agit dès lors pour Momaday d'acquérir une identité, trajet qu'Abel, de retour dans « la maison d'aube » après la Seconde Guerre mondiale, retrace dans une narration fragmentée où se mêlent les mythes de la création indiens et les hésitations de l'existence individuelle. Les poèmes et les nouvelles (En présence du soleil, 1961-1991, 1992) prolongent cet élan pour la survie d'une culture brisée.
Moncrif (François Auguste Paradis de)
Écrivain français (Paris 1687 – id. 1770).
Lecteur de la reine et censeur royal, il écrivit des comédies (les Abdérites, 1732), des arguments de ballets (l'Empire de l'amour, 1733 ; Zélindor, roi des silphes, 1745), des Essais sur la nécessité et les moyens de plaire, 1738, augmentés l'année suivante de contes pédagogiques, des contes orientaux (les Âmes rivales, 1738). Il est surtout connu pour une œuvre d'érudition canularesque sur les félins (les Chats, 1727 ; Lettres philosophiques sur les chats, 1748).
Monemembo (Tierno)
Écrivain guinéen (Porédaka 1947).
Contraint à l'exil par la dictature de Sékou Touré, il est devenu professeur de mathématiques, a vécu dans de nombreux pays et se présente comme un « écrivain en fugue ». Ses romans, souvent déroutants, mosaïque d'éléments divers, renouvellent la fiction narrative africaine. Les Crapauds-brousse (1979) et les Écailles du ciel (1986) restent enfermés dans l'univers de cauchemar de la dictature guinéenne. Un rêve utile (1991) et Un attiéké pour Elgas (1993) plongent dans la vie des exilés. Pelourinho (1995), situé au Brésil, interroge la mémoire africaine. Cinéma (1997) donne la parole à un adolescent écartelé comme le héros de l'Aventure ambiguë, mais sur un mode burlesque qui réduit l'histoire de la Guinée à un mauvais film. L'Aîné des orphelins (prix Tropiques 2000), dans le cadre de l'opération « Écrire par devoir de mémoire », laisse aussi parler un enfant de 15 ans occupé à tenter de survivre dans les décombres après les des massacres du Rwanda.
Monluc (Blaise de)
Homme de guerre et mémorialiste français (Saint-Puy 1502 – Estillac 1577).
Soldat de métier, d'abord favorable à la Réforme, il prit parti, à partir de 1561, contre les huguenots, qu'il combattit du côté des forces royales. Lieutenant général du roi en Guyenne (1565), il fut maréchal de France en 1574.
Dans leur première version, rédigée entre novembre 1570 et juin 1571, ses Commentaires répondent à un dessein justificatif : accusé par ses ennemis de prévarication dans son gouvernement de Guyenne, il entreprend de se défendre auprès du roi. Ce propos initial va cependant se fondre dans un projet plus vaste et ambitieux. Les Commentaires de l'édition posthume (1592) apparaissent ainsi comme un manuel destiné aux « capitaines », un recueil d'exemples et de conseils tactiques. Mais, par-delà le propos technique, se profile un but politique : Monluc se présente comme le défenseur de la monarchie et de la religion ; son histoire devient celle d'une Vie exemplaire, dans la tradition historiographique antique et moderne. Au surplus, et bien que leur auteur se soit toujours refusé à endosser l'étiquette d'écrivain, on décèle dans les Commentaires un projet spécifiquement littéraire. Monluc emprunte aux historiens anciens et modernes leur rhétorique historiographique : harangues, réflexions morales, portraits, etc. Cette entrée dans le monde de la littérature a également pu constituer pour ce gentilhomme de petite naissance et dépourvu de patrimoine une forme tardive de promotion sociale. Car les Commentaires ont également un but carriériste : Monluc espère, grâce à ce témoignage de loyauté, recouvrer l'ancienne faveur royale.
Il est certain que tout n'est pas exact dans le portrait que Monluc dresse de lui-même, mais les distorsions que l'autobiographie fait subir à la réalité constituent, elles aussi, la vérité de ce moi : dans l'autobiographie, le mensonge lui-même devient, à un second niveau, vérité. Comme les Confessions de Rousseau, les Commentaires de Monluc appellent une lecture à plusieurs niveaux.