Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Banu Hilal (la geste des)
(Sirat Banu Hilal)

Recueil de récits portant sur l'histoire et la légende d'une célèbre tribu bédouine, nomade et superficiellement islamisée, qui déferla sur le Maghreb oriental au XIe siècle et joua un rôle décisif dans le renforcement de l'arabisation de ces régions. La geste des Banu Hilal est généralement connue sous deux versions, l'une « syrienne » et l'autre « hedjazienne », mais elle se raconte en réalité dans de nombreux pays arabes, avec d'importantes variantes, depuis le Yémen jusqu'en Tunisie via la Haute-Égypte, le conteur s'accompagnant parfois d'un instrument musical. Elle comporte au total trois cycles : les deux premiers traitent du passé de la tribu, le troisième de sa migration vers l'Afrique du Nord. L'œuvre est un témoin remarquable de la grandeur et de la misère des Bédouins et de la condition bédouine, voués au désert, menacés par la famine, vivant d'expédients. Mais elle est aussi, à travers les héros et leur code d'honneur, expression d'un amour, malgré tout, héroïque et courtois.

Banulescu (Stefan)

Écrivain roumain (Facaeni – Ialomitza, 1929 – Bucarest 1998).

Ses nouvelles (l'Hiver des hommes, 1965) mêlent une description quasi ethnologique à la reconstitution de l'imaginaire des communautés primitives. Son chef-d'œuvre, le Livre de Metopolis (1977), roman fantastique et allégorique évoque un espace roumano-byzantin étrange et atemporel.

Banville (Théodore de)

Poète français (Moulins 1823 – Paris 1891).

Méprisant à la fois le matérialisme bourgeois – auquel il oppose d'abord les dérèglements banalisés par les « Jeunes-France » (les Cariatides, 1842) – et les poses de la première génération romantique – à laquelle il reproche son manque de sincérité (les Stalactites, 1846) –, il cherche dans l'art de la Grèce, sans en tirer la leçon du « rêve de pierre » baudelairien (le Sang de la coupe, 1857), et la poésie des grands rhétoriqueurs, dont il ne retient que la virtuosité (Trente-Six Ballades joyeuses, 1866), la justification des principes de l'« art pour l'art » (Odes funambulesques, 1857), dont il devient l'un des maîtres reconnus par les Parnassiens. Auteur de comédies féeriques ou historiques (Gringoire, 1866), de nouvelles (Madame Robert, 1887), il reste surtout un « acrobate du vers » (il a fait du clown la figure allégorique de son art), illustrateur d'une poésie qui confond art et artifice (Petit Traité de versification française, 1872), mais qui n'exclut pas un certain humour. Le « divin Banville » (Mallarmé) a ainsi fait de la poésie un monde irréel, mais complet, dans lequel Baudelaire voyait « un retour très volontaire à l'état paradisiaque ».

Bar-Hebraeus (Grégoire Abu al-Faradj Ibn al-Ibri, dit)

Historien et polygraphe syriaque (Melitène 1225 – Mararha 1286).

De triple culture, arabe, syriaque et hébraïque, cet évêque jacobite, métropolite d'Alep, est une des grandes figures intellectuelles et spirituelles de l'Orient à l'époque mongole, comparable à saint Thomas d'Aquin, dont il fut le contemporain. Traducteur et adaptateur des œuvres arabes en syriaque et réciproquement, il est surtout connu, du côté arabe, par un abrégé d'histoire universelle, qui se démarque d'une version syriaque antérieure (Chronographie) : l'œuvre, comme le reste de sa production (compilation théologique du Candélabre du Sanctuaire ou recueil de lois du Nomocanon), témoigne d'une profonde culture et du soin avec lequel il reproduit ses sources.

Baraduni (Abdallah al-)

Poète yéménite (al-Baradûn 1928 – Sanaa 1999).

Aveugle à l'âge de 6 ans, il a laissé plusieurs recueils de poésie, réunis en un dîwân en 1979, ainsi que des essais politiques et littéraires.

Baraheni (Reza)

Écrivain et critique littéraire iranien (Tabriz 1935).

Il enseigna à l'Université de Téhéran, fut arrêté par les services du Shah en 1973, puis par les gardiens de la Révolution qui l'emprisonnèrent de 1981 à 1982, et finit par s'exiler au Canada en 1998. Il a écrit des essais de théorie littéraire (l'Or dans le cuivre, 1966), des recueils de nouvelles et des romans (Ce qu'il arriva après le mariage, 1982 ; D'un puits à l'autre, 1983 ; la Voix des tués, les Saisons en enfer du jeune Ayyâz, 1972). Sur l'échelle de la transgression et de la provocation, Baraheni est aux Iraniens ce que fut à ses contemporains Sade, en France. Ses descriptions de la prison, de la torture, de la corruption, de l'abus de pouvoir et de la débauche, tantôt réalistes tantôt allégoriques, sont hallucinantes de cruauté et d'horreur pure.

Baraka (Amiri, Le Roi Jones, dit)

Poète américain (Newark, New Jersey, 1934).

Né dans les milieux noirs américains de Newark, Baraka a été étudiant à Howard University à Washington, avant de servir dans l'aviation américaine. À la fin des années 1950, il s'installe dans Greenwich Village à New York et devient une figure centrale du monde des arts. Il est ami de Frank O'Hara. La production d'une pièce de théâtre engagée, Dutchman, le propulse en 1964 sur la scène nationale (Obie Award). Après la mort de Malcolm X, il se range avec les radicaux noirs et habite successivement les quartiers pauvres de Harlem, puis de Newark. Son engagement comme « missionnaire de la négritude » influence le ton polémique et mystique de ses poèmes, d'abord composés en imitation d'Ezra Pound et de William Carlos Williams. Ses recueils les plus connus sont Préface à une lettre de suicide en vingt volumes (1961) et Magie noire (1969).

Barakat (Huda)

Romancière libanaise (Beyrouth 1952).

Elle est installée à Paris depuis 1989. Son œuvre reconnue et primée, forgée au creuset de la guerre civile libanaise, l'impose comme une des voix les plus fortes et les plus originales de la littérature arabe contemporaine (Visiteuses, 1985 ; la Pierre du rire, 1990 ; les Illuminés, 1993 ; le Laboureur des eaux, 1998).

Barakat (Leïla)

Romancière libanaise de langue française (Kfarkatra 1968).

De formation sociolittéraire, elle a soutenu une thèse de doctorat à l'université de la Sorbonne Nouvelle sur « la politique culturelle francophone ». Ses romans sont placés sous le signe d'une quête identitaire et mettent en scène des personnages tiraillés entre leurs racines et leur espace de vie : Sous les vignes du pays druze (1993) ; les entités multiples que peut revêtir une seule et même personnalité : le Chagrin de l'Arabie heureuse (1994) ; ou les déchirements douloureux que peut engendrer la double appartenance à l'Orient et l'Occident : Pourquoi pleure l'Euphrate... ? (1995). Dans son dernier roman, les Hommes damnés de la Terre sainte (1997), elle tente de démêler l'enchevêtrement dramatique de la tragédie humaine qui a lieu en Terre sainte.