Alcuin, en latin Albinus Flaccus
Théologien et écrivain anglo-saxon de langue latine (York ? v. 735 – Tours 804).
Abbé de Saint-Martin-de-Tours (796), il fut chargé par Charlemagne de restaurer la vie intellectuelle en Occident. Figure majeure de la renaissance carolingienne, il s'attacha à la transmission de la culture antique et institua une réforme de l'écriture. Poète renommé, il est aussi l'auteur d'ouvrages didactiques (Sur l'orthographe, la Grammaire, la Rhétorique), de commentaires bibliques et de traités théologiques.
Aldanov (Mark Aleksandrovitch Landau, dit Mark)
Écrivain russe (Kiev 1882 – Nice 1957).
Ayant émigré en France après la Révolution russe, Aldanov fut un écrivain à succès grâce à la série de romans historiques qu'il publia à partir de 1923, et dans lesquels, s'inspirant de Balzac (l'unité de la tétralogie le Penseur, publiée de 1923 à 1927, est assurée par le retour d'un personnage récurrent), il retrace les grandes péripéties qui ont bouleversé l'Europe du milieu du XVIIIe siècle à la Révolution russe (la Clef, 1930). Fortement influencé par Tolstoï, Aldanov accorde au hasard un rôle essentiel dans le processus historique. De ce fait, ses personnages sont souvent réduits au statut de silhouettes, et cela au profit de l'intrigue.
Aldiss (Brian Wilson)
Écrivain anglais (Dereham, Norfolk, 1925).
Figure marquante de la science-fiction britannique, cet ancien libraire a commencé à écrire en 1954 une œuvre qui compte des essais, des nouvelles et une vingtaine de romans. Après avoir publié des récits de facture plutôt classique (Croisière sans escale, 1958), il entre dans l'équipe de New World qui entend renouveler le genre par un travail sur l'écriture et la thématique. Report on Probability A (1968), Barefoot in the Head (1969), sur lesquels planent les ombres de Joyce et de Robbe-Grillet, témoignent de cet effort. Aldiss trahit ses préoccupations philosophiques et littéraires en décrivant un monde en proie à l'entropie, thème dominant auquel seul l'humour offre parfois une échappatoire (l'Autre Île du Dr Moreau, 1980 ; le Printemps d'Helliconia, 1982, et ses suites). Il est également l'auteur d'une trilogie largement autobiographique (Un petit garçon élevé à la main, 1970 ; Soldat, lève-toi... 1971 ; Un rude réveil, 1978). Dans À l'est de la vie (1994), il introduit ses thèmes de prédilection sans recourir à la science-fiction, avec laquelle il renoue en 1999 pour Mars la blanche, écrit en collaboration avec le mathématicien Roger Penrose.
Alechkovski (Iouz) , pseudonyme de Iosif Efrimovitch
Écrivain russe (Krasnoïarsk, 1929).
Après quelques séjours dans des camps, il se fait connaître comme auteur de chansons interdites et de livres pour enfants. Il écrit son premier récit, le Kangourou, en 1974, et émigre aux États-Unis en 1979. Dans ses œuvres, le narrateur joue un rôle essentiel, à travers des personnages au regard naïf et authentique, comme dans Nikolaï Nikolaïevitch (1970), où l'histoire est racontée par un jeune délinquant devenu par un jeu de circonstances donneur de sperme dans un institut scientifique. Alechkovski fut un des premiers à introduire « l'argot » dans le texte littéraire (Mascarade, 1977). Là encore, il s'agit de redonner sa véritable couleur à la voix narrative : à cet égard, il est révélateur que l'écrivain adopte fréquemment la forme du monologue ou de la confession, comme dans la Confession d'un bourreau (1977), sur les crimes de l'époque stalinienne, Un petit mouchoir bleu (1980), sur la guerre, ou le Livre des dernières paroles (1984).
Alecsandri (Vasile)
Écrivain et homme politique roumain (Bacau 1821 – Mircesti 1890).
Principal représentant de la génération littéraire de 1848. Épris du folklore, il en donne un premier recueil en 1853 (en français, Paris, même année). Cultivant plusieurs genres littéraires, il excelle dans le théâtre comique, illustrant le type de l'arriviste à travers son personnage « Kiritza », et dans la poésie de nuance parnassienne (Pastels, 1869) ou d'inspiration historique (Légendes, 1875) et patriotique (Nos soldats, 1878).
Alegria (Ciro)
Écrivain péruvien (Sartimbamba 1909 – Lima 1967).
Après une enfance rurale dans un domaine du bord du Marañon, imprégné des légendes ancestrales des Indiens, il s'engage dans la lutte politique comme militant de gauche et connaît la prison et l'exil (1934-1957). Ses romans sont à la fois des témoignages ethnologiques et des œuvres de combat pour la défense des Indiens (le Serpent d'or, 1935 ; les Chiens affamés, 1938). Le plus connu d'entre eux est sans nul doute Vaste est le monde (1941), chef-d'œuvre du roman indigéniste.
Aleixandre (Vicente)
Poète espagnol (Séville 1898 – Madrid 1984).
Couronnée par le prix Nobel de littérature (1977), son œuvre a trouvé un équilibre entre l'influence surréaliste et la vision concrète du monde. Très vite, la recherche d'une vérité suprasensible à travers le thème de l'amour vécu comme source d'angoisse devient prépondérante (Des épées comme des lèvres, 1932). Dans la Destruction ou l'Amour (1933), suivi de Passion de la terre (1935), le souffle vital et la poésie transcendent la mort dans un même panthéisme cosmique. Demeuré fidèle à la République pendant la guerre civile, il subira, sous le régime franquiste, une longue conspiration du silence. À partir de Ombre de Paradis (1944), sa poésie s'ouvre de plus en plus au monde contemporain (Histoire de cœur, 1954 ; En un vaste domaine, 1962), donnant à sa quête initiale une nouvelle perspective : de la conscience de soi à celle des autres (Poèmes de la consommation, 1968 ; Dialogues de la connaissance, 1974).
Aleixo (António)
Poète portugais (1899-1949).
Berger et maçon, tuberculeux, il mourut dans la misère. Son œuvre fut divulguée grâce à un professeur du lycée de Faro. Ses poèmes sont rassemblés dans Ce livre que je vous laisse (1958).
Alemán (Mateo)
Écrivain espagnol (Séville 1547 – au Mexique v. 1614).
Moralisateur, marqué par l'esprit de la Contre-Réforme, il est l'auteur de Guzman d'Alfarache, grand roman picaresque en deux parties (Madrid, 1599 – Lisbonne, 1604) dans lequel le personnage éponyme connaît des aventures délictueuses et se voit gratifié du nom de picaro. Le livre connut un succès immédiat et durable : l'année même de sa parution, il bénéficia de trois autres éditions et un imitateur, Mateo Luján de Sayavedra, fit paraître une deuxième partie avant Mateo Alemán. Roman plus ample que le Lazarillo de Tormes (1554, anonyme), Guzman permet au picaresque, en tant que genre, de prendre sa forme définitive. Le héros-narrateur déroule sa vie et présente son récit comme un itinéraire symbolique dont les étapes ne sont pas seulement celles d'un voyage mais d'une évolution spirituelle, à travers des lieux chargés de sens. Guzman mérite pleinement son nom de picaro : anti-héros sans idéal grandiose, il est animé du seul souci de vivre au jour le jour et de goûter à quelques joies terrestres sans trop se préoccuper de la valeur morale des moyens qui conduisent à cette fin. Aux difficultés journalières de sa condition d'homme, il réagit par le rire, la débrouillardise ou le haussement d'épaules. Dans son épopée, le pichet de vin remplace le Saint-Graal ; la bastonnade, les combats héroïques ; la prostituée, la belle dame des chevaliers. Guzman, comme ses avatars littéraires, est un homme. Lesage en fera, en France, une célèbre adaptation (1732) à partir de la troisième traduction de Gabriel Brémond. Alemán connut la prison (1580), émigra au Mexique (1608) où il écrivit son Orthographe castillane (1609).