Birmanie (suite)
La période britannique (1885-1948)
En 1902 parut la traduction birmane de Robinson Crusoé, puis celles de Molière et de La Fontaine, très appréciées. James Hla Gyaw adapta en 1904 le Comte de Monte-Cristo et suscita de nombreux romans d'aventures tel le Marchand d'oseille (1904) d'U Kyi ou les romans historiques de Ledi Pandita.
Peu avant la Première Guerre mondiale, le roman prit un tour plus sérieux avec les premiers romans à thèse de la littérature birmane, le Jasmin (1913) et le Chantre du royaume (1914) d'U Lat, critique de la société birmane en admiration devant le mode de vie britannique. L'auteur y voit une trahison de la culture et du passé traditionnels : cette première remise en question sera finalement au centre de toute la littérature contemporaine. Ainsi, dans ses pamphlets ou tika, Thakin Khodo Maing (1875-1965) appelle, dans les années 1920, les Birmans à secouer le joug colonial. Les intellectuels, issus de la jeune université de Rangoon fondée en 1920, ressentirent le besoin de se libérer des influences étrangères : en 1930, Sein Tin regroupa les nouveaux écrivains au sein du mouvement Khissan (« Pour une ère nouvelle ») ; son but était de doter la littérature birmane de nouvelles formes d'expression et aussi d'élargir le vocabulaire : on traduisit en birman des mots anglais et on réglementa l'usage des mots d'emprunt. Les figures les plus marquantes du mouvement furent les poètes Zawgyi, Maung Thant Zin et Ku Tha. Les nouveaux romanciers se retrouvèrent, quant à eux, au club du Dragon rouge, fondé en 1928 par le futur U Nu : tous partisans de l'indépendance, les membres du club étaient également ouverts aux idées marxistes, ainsi Maha Shwé (1900-1953), Thein Phé Myint (1914-1978) et Dagon Khin Khin Lay (1904–1981). Maha Shwé fut l'auteur de 60 romans (la Maison des rebelles) et de plus de 500 nouvelles ; ses œuvres tendent vers un double but : voir la Birmanie parvenir à l'indépendance et exalter la morale bouddhique. Thein Phé Myint défraya la chronique en 1937 avec son Bonze à la page, critique acérée du clergé : l'auteur fut contraint de faire amende honorable auprès des abbés des principaux monastères de Birmanie. La romancière Dagon Khin Khin Lay célébra la résistance aux colonisateurs dans Shwé Sungo (1933) et dénonça la misère des paysans dans la Vie d'une femme (1935). Ainsi la littérature apporta-t-elle une contribution non négligeable à la prise de conscience unanime qui mena finalement le pays à l'indépendance en 1948.
La période contemporaine
Avec l'indépendance, le birman redevint la langue officielle du pays, et des prix littéraires annuels furent créés pour encourager les auteurs à écrire dans leur langue. Le premier d'entre eux revint à Min Aung (né en 1916) pour son roman la Terre sous le Ciel qui dénonçait la misère des paysans exploités par les usuriers : le roman social était né et le public lui réserva un bon accueil. U Aung Hpé (né en 1914) remporta le prix de 1950 avec le Fonctionnaire, satire de la bureaucratie de l'époque coloniale. D'autres écrivains occupèrent ainsi la scène littéraire de l'après-guerre : Thadu (né en 1918), Ma Ma Lay (née en 1916), auteur de Ce n'est pas par haine, en 1955.
Dans les années 1950, les revues littéraires se multiplièrent et favorisèrent la publication des nouvelles de Khin Hnin Yu (née en 1925), Aung Lin, Dagon Shwé Mya. Mais le coup d'État de 1962, qui porta les militaires socialistes au pouvoir, instaura en même temps un contrôle de la création littéraire. Les directives gouvernementales selon lesquelles « la littérature doit venir de la rizière et s'adresser à ses ouvriers » ne semblent pas jusqu'à maintenant inspirer beaucoup d'auteurs, qui témoignent, face à l'attrait du public pour une littérature facile calquée sur les romans américains ou européens de grande consommation, un regain d'intérêt pour la poésie classique.