La Sale (Antoine de)
Écrivain français (vers 1385-1460).
Fils d'un mercenaire gascon, il fut page, écuyer, gouverneur à la cour d'Anjou et à celle du Luxembourg. Il voyagea à plusieurs reprises en Italie. Il composa notamment deux recueils destinés à l'enseignement des princes et à l'illustration des vertus chevaleresques, dans lesquels l'Antiquité, avec Tite-Live, Salluste, Suétone, fournit les modèles. La Salade (1442-1444) comprend de « bonnes herbes » pour édifier Jean de Calabre, en particulier des commentaires sur le bon gouvernement, une liste d'historiens (avec extraits choisis), ou une généalogie de la maison d'Aragon et un exposé des rituels chevaleresques et de l'héraldique, avec des détails techniques sur les combats. La Sale (1451) est le montage allégorique d'une salle, fondé sur la compilation des grands auteurs : les fondements sont constitués de Prudence active, les murs de Justice, Miséricorde, etc. Mais l'œuvre la plus célèbre de l'auteur est Jehan de Saintré (1456), roman imaginaire plutôt que biographie d'un personnage historique contemporain, grand homme de guerre, qui ne fournit que son nom. Antoine de la Sale combine deux types de récits et de genres, en associant un thème de chronique chevaleresque, avec didactisme moral et connaissances héraldiques dans la première partie, et un thème de nouvelle érotique dans la seconde (une veuve trompe son jeune amoureux avec un abbé jouisseur). Il crée ainsi un roman original, d'un grand intérêt littéraire et historique, bien que les faits de deux siècles se trouvent confondus pour construire l'image d'une cour royale fastueuse et cultivée. C'est la protection financière de la Dame qui assure l'ascension sociale du jeune champion, héros de tous les tournois, mais qui doit affronter le truculent abbé, non sans mordre la poussière, avant de se venger : il confondra l'infidèle devant la cour des dames, qui commentera l'aventure. Le roman donne une interprétation pessimiste de la réussite sociale et de l'échec amoureux.
La Taille (Jean de)
Poète et auteur dramatique français (Bondaroy, près de Pithiviers, v. 1533 – apr. 1607).
Son œuvre comprend un recueil de poésies, une série d'écrits politiques, un ouvrage poético-didactique (la Géomance abrégée, 1574), des pièces de théâtre : deux comédies (les Corrivaux, le Négromant) et deux tragédies (Saül le Furieux, 1572 ; la Famine ou les Gabéonites, 1573) marquées par l'influence de Sénèque. Il est également l'auteur d'un discours théorique (De l'art de la tragédie) qui posa comme règle pour la première fois dans la dramaturgie française les unités de temps et de lieu.
La Tour Du Pin (Patrice de)
Poète français (Paris 1911 – id. 1975).
Coup d'essai, coup de maître : la Quête de joie (1933), son titre le plus connu, est l'œuvre vite remarquée par Supervielle, d'un jeune poète de 22 ans qui définit d'emblée l'architecture de son projet. Un autre titre, la Vie recluse en poésie (1938), dit assez ce que sera son exigence. C'est à la poésie que l'auteur consacre, de manière quasi monacale, le plus clair de son temps. D'emblée, la spiritualité est son beau souci. Après la guerre, il se retire dans le château familial de Bignon – Mirabeau, en Gâtinais – et élabore une Somme de poésie constituée de trois « Jeux » : le jeu de l'homme face à lui-même (1946), le jeu de l'homme face au monde (1959), le jeu de l'homme face à Dieu (1983). Le jeu de l'homme en lui-même présente la campagne d'enfance, interroge l'âme de l'homme (c'est-à-dire l'ange), cherche le rapport entre le moi et le monde. Les différentes postulations de l'enfance y apparaissent (l'amour du monde sauvage, le chant, la procréation). Plus heurté, moins linéairement optimiste est le Second Jeu, qui emprunte plus d'un argument à la Bible. Le Troisième Jeu radicalise ce rapprochement à Dieu. La Tour du Pin a participé, après le concile de Vatican II, à la commission chargée de la traduction en français des textes de la liturgie catholique et a écrit plus d'un hymne ciselé pour la messe (Petites Liturgies du carême, 1974). Un peu comme chez Claudel, poésie et réflexion spirituelle s'épousent dans la « théopoésie » d'un homme qui rêvait, selon son dire, d'écrire « la grande prière de son temps » et dont les vers les plus connus parlent au siècle : « Tous les pays qui n'ont pas de légende / Seront condamnés à mourir de froid. »
La Varende (Jean Mallard, comte de)
Écrivain français (Le Chamblac, Eure, 1887 – Paris 1959).
Le terroir, le panache et le courage constituent le fonds de ses romans historiques où revit une Normandie orgueilleuse et brutale, vivant pour Dieu et le roi (Pays d'Ouche, 1936 ; Nez-de-cuir, gentilhomme d'amour, 1937 ; les Manants du roi, 1938 ; le Centaure de Dieu, 1938 ; la Dernière Fête, 1955 ; Monsieur le duc, 1958). On lui doit aussi des biographies « affectueuses » (Monsieur le duc de Saint-Simon et sa comédie humaine, 1955).
La Ville de Mirmont (Jean de)
Poète français (Bordeaux 1886 – 1914).
S'en aller, gagner le large : la parole de cet auteur est tendue vers l'appel des lointains, « car j'ai de grands départs inassouvis en moi ». Son premier ensemble abouti, l'Horizon chimérique (1912, mais posthume 1920), sera mis en musique par Fauré. En alexandrins, en octosyllabes, il reprend le thème romantique et parnassien du navire aimanté par l'inconnu, mais aussi la difficulté d'y atteindre. Le ton de la voix va des refrains à la romance et reflète un certain désabusement. Le moi est pris entre une nécessité d'ailleurs (« les grands départs ») et une tyrannie de l'ici (« inassouvis »). L'auteur meurt à moins de 30 ans la première année de la Grande Guerre.
La Villemarqué (Théodore Hersart de)
Écrivain français (Quimperlé 1815 – Nizon 1895).
Sorti de l'École des chartes, il collecta un grand nombre de chants populaires bretons et en publia, en 1838, un choix restauré et commenté par lui, le Barzaz Breiz, qui connut un immense succès dans l'Europe entière. On découvrait avec surprise que chez un petit peuple parlant une langue méconnue, les humbles pouvaient posséder un patrimoine poétique : George Sand écrivit, dans ses Promenades autour d'un village, que la Bretagne était à la hauteur, dans sa poésie, de ce que le génie des nations les plus poétiques avait jamais produit. La Villemarqué fut cependant accusé d'avoir composé lui-même, sinon entièrement, du moins en partie, les chants qu'il donnait comme d'authentiques chants populaires. D'autres collecteurs bretons de l'époque, qui faisaient autorité, Guillaume Le Jean, François Luzel (en 1850), attestèrent leur authenticité, ayant eux-mêmes entendu des versions de ces chants, mais, à partir de 1867, Luzel renia son propre témoignage et prit la tête d'un mouvement critique dont l'objet était de présenter le Barzaz Breiz comme une supercherie littéraire. La querelle entre partisans et adversaires de l'authenticité s'est prolongée jusqu'à nos jours, où un chercheur du C. N. R. S., Donatien Laurent, découvrit les carnets autographes de collecte de La Villemarqué. L'étude de ces carnets a montré que, si aucun chant n'a été inventé par le collecteur, ils n'ont cependant pas tous été retranscrits tels qu'ils avaient été recueillis : selon l'usage du temps La Villemarqué avait redressé ce qui lui paraissait des altérations. Ces restaurations n'ont, d'ailleurs, pas toujours été très heureuses. Mais la preuve est faite que les plus beaux chants, qui étaient les plus controversés, sont justement ceux qu'il n'a pas remaniés. Présentant les chants collectés par ordre d'ancienneté pour en faire une sorte de fresque historique de la Bretagne, le Barzaz Breiz a été à l'origine du puissant réveil littéraire celtisant du XIXe s. La Villemarqué reçut l'investiture bardique au pays de Galles en 1838 et devint membre de l'Institut en 1858. On lui doit encore une Grammaire bretonne (1847), des Poèmes des bardes bretons du VIe siècle (1850) et des Poèmes bretons du Moyen Âge (1863).