Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Rodanski (Stanislas)

Écrivain français (Lyon 1927 – id. 1981).

Son œuvre reflète l'intensité poétique qui l'habitait, un état d'alerte devant les signes qui indiquerait une destinée. Seul le surréalisme lui offrit un espoir, vite déçu, le temps de fonder la revue Néon en 1948, et de quitter le groupe lors de « l'affaire Matta », par solidarité pour Victor Brauner, à la fin de la même année. Fasciné par l'exemple des grands dandys comme Rigaut ou Vaché, il choisit le silence et la solitude. Il s'engage dans un régiment destiné à l'Extrême-Orient, puis déserte. Il restera à distance après un long enfermement disciplinaire et psychiatrique de 1949 à 1952. Ayant pris congé du monde, il interviendra pourtant sur les questions de révolte ou de peine de mort par de remarquables lettres, et laissera publier de son vivant un seul livre, la Victoire à l'ombre des ailes (1975).

Rodari (Gianni)

Écrivain italien (Omegna, Novare, 1929 – Rome 1980).

Il est l'auteur de fables pour enfants traduites dans le monde entier. Son originalité consiste à unir la dimension surréelle propre aux contes à des données « réalistes » qui expriment une vision critique de la société contemporaine (les Aventures de Ciboulet, 1963 ; Jip dans le téléviseur, 1964 ; la Tarte volante, 1966 ; Il était deux fois le baron Lambert, 1976).

Rodenbach (Albrecht)

Écrivain belge de langue néerlandaise (Roulers 1856 – id. 1880).

Homme d'idée et d'action, organisateur du mouvement étudiant dont il fonde, avec P. de Mont et A. Joos, la revue, Het Pennoen, il a exercé une grande influence sur ceux qui, plus tard, formeront le mouvement flamand. Son œuvre lyrique et épique (Premiers Poèmes, 1878) a moins marqué la conscience nationale flamande que Gudrun (1880), drame romantique en vers publié après sa mort.

Rodenbach (Georges)

Écrivain belge de langue française (Tournai 1855 – Paris 1898).

Cet aîné de la génération symboliste belge séjourna à Paris (1878-1879), s'imprégnant du climat littéraire et spirituel de la capitale. À la fin de son séjour, il publia les Tristesses (1879), inspirées de Coppée, de Banville et de Hugo. De retour au pays, il participa activement au renouveau littéraire qui s'amorçait autour de la Jeune Belgique. La Mer élégante (1881) et l'Hiver mondain (1884) cachent, sous des thèmes frivoles, le pessimisme d'un dandy qui découvre, de son propre aveu, « l'erreur en toute vérité, la vérité de toute erreur ». Avec la Jeunesse blanche (1886), Rodenbach inaugura un phrasé poétique désormais inséparable d'une thématique restreinte (miroirs, canaux, lieux clos, brouillards, villes mortes, béguinages, chevelures) dont les modulations obsessionnelles ne cesseront de se répéter dans l'œuvre poétique ultérieure (le Règne du silence, 1891 ; les Vies encloses, 1896 ; le Miroir du ciel natal, 1898).

   En 1888, Rodenbach s'installa définitivement à Paris. C'est surtout son roman Bruges-la-Morte (1892) qui l'y rendit célèbre : le héros, Hugues Viane, veuf, établi à Bruges dont l'atmosphère s'harmonise avec sa tristesse, devient l'amant d'une jeune femme qui ressemble étrangement à son épouse disparue : il s'aventure alors dans le labyrinthe des apparences, des doubles, des vraies et des fausses ressemblances et finit par étrangler sa maîtresse avec une tresse de cheveux de la morte. Dans ce récit, l'auteur inscrit à la fois l'ambition du héros symboliste de devenir l'« architecte de ses féeries » et la conscience des périls entraînés par cette expérience de tourner volontairement « l'épaule à la vie » . Par son atmosphère de rêve et la mise en place d'un réseau complexe de correspondances dans un cadre allégorique, le roman fut reçu d'emblée comme une des œuvres majeures du symbolisme. Il contribua à lancer le mythe de la « Venise du Nord ». L'édition originale elle-même, où le texte s'accompagnait de vues d'une Bruges déserte en photogravure, innovait par sa présentation matérielle.

   Le théâtre de Rodenbach – le Voile est joué avec succès en 1894 à la Comédie-Française – compléta sa relative renommée. L'auteur se lia d'amitié avec Villiers, Mallarmé, Mirbeau, Goncourt, Daudet, devint chroniqueur attitré du Figaro, et continua à publier recueils, contes et romans d'inspiration inchangée (Musée des Béguines, 1894 ; la Vocation, 1895 ; le Carillonneur, 1897 ; le Rouet des brumes, 1901). L'esthétique symboliste et l'idéalisme schopenhauérien lui avaient fourni la formule de transmutation du réel au creuset de l'œuvre d'art, l'un des éléments de son système consistant à voir la réalité à travers sa réverbération. Comme ses personnages, ce rêveur nostalgique se meut, avec une délectation morose, dans un monde de reflets fascinants mais dangereux.

Rodo (José Enrique)

Écrivain uruguayen (Montevideo 1872 – Palerme 1917).

Nourri de culture classique et observateur lucide des choses de son temps, initialement poète d'un modernisme parnassien, c'est surtout comme essayiste qu'il occupa une place importante dans l'esthétique moderniste. Après un commentaire sur les Proses profanes de R. Darío, il publia son œuvre capitale Ariel (1900), véritable leçon d'idéalisme qui donna son nom à un important courant de pensée, l'ariélisme, exaltation des valeurs de la latinité opposée au matérialisme anglo-saxon. Ses autres essais, les Motifs de Protée (1909), œuvre de philosophie morale sur l'authenticité de la personne, et le Belvédère de Prospero (1914), série de textes sur des écrivains espagnols, firent de lui le maître à penser de sa génération. De sa production se détachent encore Celui qui viendra (1896), le Nouveau Roman (1897), Libéralisme et jacobinisme (1906), Cinq Essais (1915), le Chemin de Paros et Ultimes Motifs de Protée (posthumes).

Rodoreda (Mercè)

Femme de lettres espagnole d'expression catalane (Barcelone 1909 – Romanyà de la Selva 1983).

Exilée en France puis à Genève, elle revint à la littérature catalane avec un recueil de nouvelles (Vint-i-dos contes, 1958) et un roman (La plaça del Diamant, 1962), vision de la guerre civile par une femme de classe ouvrière. Ses recueils de nouvelles (La meva Cristina, 1967) et ses romans (Quanta, quanta guerra, 1980) évoquent la mélancolie du temps qui passe, des jeunesses enfuies.