Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
D

Drachmann (Holger)

Écrivain danois (Copenhague 1846 – Hornbaek 1908).

Il débuta avec un recueil de récits (Avec le fusain et la craie), encouragé par Brandes à qui il dédia ses Poèmes (1872). Un séjour à Londres et le contact avec d'anciens communards français avaient fait de lui un socialiste, engagement auquel il faillit souvent. Son œuvre comprend des romans comme le Surnuméraire (1876) ou le Maudit (1890). La pièce Il était une fois (1887) est restée parmi les plus populaires du répertoire danois.

Dracontius (Blossius Aemilius)

Poète latin (Ve s.).

Né en 430, cet avocat africain écrivit plusieurs œuvres d'inspiration profane, d'où se détache une Orestis tragoedia qui n'est pas une œuvre théâtrale, mais un résumé en 974 hexamètres de la trilogie d'Eschyle. Emprisonné sur l'ordre du roi vandale Gunthamund, il changea totalement d'inspiration et composa sous les verrous trois livres de Laudes Dei, où il chante la création du monde et célèbre la miséricorde divine.

Drahomanov (Mikhaïlo Petrovytch)

Historien et écrivain ukrainien (Hadiatch 1841 – Sofia 1895).

Spécialiste d'histoire romaine, il perd en 1875, pour ses opinions nationalistes, sa chaire à l'université de Kiev, collabore à Genève avec les nationalistes libéraux de Kyïïvska Hromada (1876), puis émigre en Bulgarie (1889). Auteur de travaux comparatistes sur les folklores slaves, éditeur de textes (Chansons historiques du peuple ukrainien, 1874-1875 ; Chansons politiques, 1883-1885), il se fait, dans ses essais critiques, le défenseur des écrivains démocrates russes (Bielinski, Herzen) et ukrainiens (Chevtchenko, Panass Myrnyï, Fedkovytch).

drame

Du grec drama (« action »), le terme drame s'impose à partir du XVIIIe siècle pour désigner des œuvres distinctes à la fois de la tragédie et de la comédie. Le mot a retrouvé aujourd'hui l'acception plus large qui était originellement la sienne, pour désigner indifféremment toute œuvre théâtrale.

   Le drame répond à l'une des exigences permanentes du théâtre : le besoin de pouvoir représenter une action sans la contraindre à la stylisation propre à la tragédie ou à la comédie. Dès l'origine du théâtre grec, entre tragédie et comédie s'élabore un genre hybride, le drame satyrique, qui dans les représentations officielles organisées en concours doit accompagner la trilogie tragique présentée par chaque poète. On y voit, à côté du héros, des personnages traditionnels : Silène, satyres, bacchantes, animant des scènes bouffonnes, héritage du dithyrambe originel. Ignoré des Latins, le drame reparaît au Moyen Âge sous la forme du drame liturgique, mise en action de textes sacrés, et surtout dans les mystères, où la verve populaire se mêle à l'inspiration religieuse. De ton moins disparate est, au XVIIe s., la tragi-comédie, drame romanesque laissant place à l'observation comique, mais qui finit par disparaître à mesure que le goût classique impose une stricte séparation des genres. Vers la même époque fleurit en Espagne, à côté du drame sacré de Calderón, le genre très riche de la comedia, avec Lope de Vega, Cervantès, à la fois drame de l'honneur et de l'amour et peinture satirique des mœurs. Cependant, en Angleterre, le drame élisabéthain produit ses chefs-d'œuvre avec les pièces de Shakespeare, où les types humains les plus divers, des rois aux savetiers, servent à la représentation totale de la vie et de ses passions.

   Mais ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle que va véritablement s'imposer l'idée d'un « troisième genre », intermédiaire entre la tragédie et la comédie. En France, le souci de renouveler les traditions classiques par plus de réalisme, l'influence étrangère et celle de la bourgeoisie grandissante donnèrent naissance, au XVIIe s., au drame bourgeois, ou « genre sérieux », défini par Diderot : drame en prose visant à la vérité dans le ton, cherchant le mouvement et le pathétique, représentant les conditions et les conflits de la vie privée, avec une intention moralisante, dont se distingue à peine la « comédie larmoyante » de Nivelle de La Chaussée. Le genre est illustré en France par les œuvres de Diderot, de Beaumarchais, de Sedaine et de Mercier ; il s'épanouit aussi en Angleterre (Lillo), en Allemagne (Lessing, Lenz) et en Italie (Goldoni). Après la Révolution, les traditions du théâtre populaire de spectacle et d'action, sans prétentions littéraires, s'épanouissent dans le mélodrame, dont la vogue, au début du XIXe s., avec Pixerécourt et Ducange, se prolongera même après Eugène Sue.

   Les idées dramatiques de Diderot furent reprises en Allemagne par Lessing dans sa Dramaturgie de Hambourg (1768) et ses drames bourgeois ou philosophiques (Nathan le Sage). Dans le même sens et par protestation contre les contraintes classiques, Goethe compose son drame Götz de Berlichingen, alors que Schiller se fait plutôt l'imitateur de Shakespeare dans les Brigands. Sous ces influences combinées de Shakespeare, du drame allemand, du mélodrame et des théories dramatiques de l'italien Manzoni s'élabore en France le drame romantique, dont, après Stendhal (Racine et Shakespeare, 1823) et avant Vigny (préface du More de Venise, 1829), V. Hugo donne la définition dans la Préface de « Cromwell » (1827). Théâtre d'action complexe, plus lyrique que psychologique, substituant les sujets modernes aux sujets antiques, épris d'histoire et de « couleur locale », mêlant les genres et rejetant les règles classiques, redéfinissant la notion de héros, le drame romantique marque une triple révolution, historique, technique et philosophique (A. Ubersfeld). Il s'impose en France dès 1830 (bataille d'Hernani) pour une quinzaine d'années, avec les œuvres de V. Hugo (Marion Delorme, Marie Tudor, Ruy Blas), de A. Dumas père (Henry III et sa cour, Antony), de Vigny (la Maréchale d'Ancre, Chatterton). L'échec des Burgraves d'Hugo (1843) marque la fin du drame romantique, dont l'échec s'explique surtout par l'incompatibilité entre l'esthétique romantique et les conditions matérielles de la représentation.

   Après le romantisme, le drame, devenu un genre aux contours mal définis et supplantant la tragédie disparue, continuera de vivre comme à peu près la seule forme d'expression du théâtre « sérieux ». Ainsi le drame bourgeois et réaliste renaît-il dans la « pièce à thèse » de A. Dumas fils (la Dame aux camélias, la Question d'argent) ainsi que dans le théâtre d'Henry Becque (les Corbeaux) et d'Octave Mirbeau (Les affaires sont les affaires), prolongeant encore sa carrière à travers l'œuvre de H. Bataille, de Bernstein, de H. R. Lenormand. Le drame romantique quant à lui survit à travers le drame naturaliste (G. Hauptmann en Allemagne, H. Ibsen en Norvège, A. Strindberg en Suède, A. Tchekhov en Russie), qui lui emprunte son esthétique du « tableau » et « prolonge sa volonté de dire la vie concrète des hommes, de sortir du cercle enchanté des grands de ce monde » (A. Ubersfeld), tout autant qu'à travers le drame symboliste (M. Maeterlinck, P. Claudel), qui en hérite la dimension poétique, « le sens de la mort, la stylisation des personnages, le mystère de leur destinée ». Drame naturaliste et drame symboliste se rejoignent (J.-P. Sarrazac parle d'ailleurs de « carrefour naturalo-symboliste ») en ce qu'ils illustrent l'un et l'autre la « crise du drame moderne » dont P. Szondi situe la naissance vers 1880 : l'action – c'est-à-dire le ressort même du drame – est paralysée par le poids du passé (Ibsen), par l'apathie des personnages (Tchekov), par une fatalité sociale (Hauptmann, Brecht) ou transcendante (Maeterlinck), et l'on assiste alors à un mouvement de « contamination du drame par le roman ».

   Après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre engagé de J.-P. Sartre, le théâtre de l'absurde de E. Ionesco, les « anti-drames » de S. Beckett constituent les derniers avatars du genre, dont « la nouvelle mimésis vise à montrer concrètement l'absence de certitude » (N. Macé-Barbier). Il devient difficile de tracer avec précision les limites précises d'un genre qui, du XVIIIe siècle à nos jours, aura « progressivement absorbé tous les genres et tous les registres du théâtre » (M. Lioure).