Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Greene (Graham)

Romancier anglais (Great Berkhamstead, Hertfordshire, 1904 – Vevey, Suisse, 1991).

Fils d'instituteur, journaliste au Times puis au Spectator, agent du Foreign Office durant la Seconde Guerre mondiale, catholique depuis 1926, il débute par des récits de voyage. Dans ses romans, l'exotisme de la misère matérielle et spirituelle traduit une géopolitique proche de celle de Conrad. Dans la Puissance et la Gloire (1940), un prêtre déchu et ivrogne assume jusqu'au martyre son ministère dans un Mexique révolutionnaire qui persécute l'Église. Dans le Fond du problème (1948), un représentant de la loi, rongé par l'angoisse et l'ennui en Afrique occidentale, se suicide pour laisser place nette à l'amant de sa femme. Greene est hanté par l'impuissance tragique de la foi face à l'absurdité de la déchéance. Il s'attache à des êtres ambigus, tel Pinkie Brown, gangster catholique dans le Rocher de Brighton (1938) : sous les apparences d'un roman policier réaliste, il s'agit en fait de peindre le déchaînement de la violence dans un monde où prévalent le mal et le désespoir. Assoiffés de pureté ou ravis de leur damnation, ses héros tentent d'arracher les autres à la corruption dans un climat de drame ou de farce (le Troisième Homme, 1950 ; Notre agent à la Havane, 1958). Mais, entraînés par la pitié et la pitié d'eux-mêmes, ils s'enlisent dans le péché. Dans ses derniers romans (Voyage avec ma tante, 1969 ; le Consul honoraire, 1973 ; Monsignor Quichotte, 1982 ; le Capitaine et l'Ennemi, 1988), la quête de l'identité individuelle remplace celle de l'identité en Dieu, mais toujours avec en toile de fond la lutte de la foi et du doute.

Greene (Robert)

Écrivain anglais (Norwich v. 1558 – Londres 1592).

Auteur prolifique de tragédies, de comédies, de drames historiques, il fait partie des « beaux esprits universitaires » qui jettent les fondations du drame anglais avant d'être éclipsés par les professionnels du théâtre. Ses romans, Mamilia (1583) et Meanphon (1589), que Shakespeare pilla pour le Conte d'hiver, se rattachent à l'euphuisme. Il décrit cependant les bas-fonds de Londres (Éloge de la chasse aux gogos, 1592 ; Un sou d'esprit, un million de repentirs, 1592) avec le réalisme et la saveur de l'expérience vécue.

Grégoire (saint) de Nazianze, dit le Théologien

Docteur de l'Église grecque (Arianze, Cappadoce, v. 330 – id. v. 390).

Après des études à Césarée, où il se lia d'amitié avec Basile, à Alexandrie et à Athènes, où il rencontra le jeune Julien (le futur empereur), il devint rhéteur, se tourna vers la vie ascétique (près de Basile, à Annisi), puis fut ordonné prêtre par son père, l'évêque de Nazianze, et enfin désigné par Basile bien malgré lui comme évêque de Sasimes. À la mort de son père, il devint à son tour évêque de Nazianze (374), charge qu'il délaissa un temps pour se retirer à Séleucie d'Isaurie, puis occupa quelques mois le siège de Constantinople (381), où, avec l'appui de l'empereur Théodose, il rétablit l'orthodoxie, avant de se retirer. Épris de savoir et de rhétorique, il a laissé des poèmes théologiques et autobiographiques, des Lettres, qui éclairent sa personnalité sensible au charme de la nature et de la solitude, et des Discours, dont les Invectives contre Julien et les cinq Discours théologiques dans lesquels il définit le dogme de la Trinité.

Grégoire (saint) de Nysse

Père de l'Église grecque (Césarée de Cappadoce 335/340 - Nysse v. 394).

Frère cadet de Basile et ami de Grégoire de Nazianze, il devint en 371 évêque de Nysse et lutta avec vigueur contre les ariens. Prédicateur à la mode (il prononça en 385 les oraisons funèbres de l'impératrice Flacilla et de la princesse Pulchérie), il élabora une doctrine de la vie mystique (Commentaire sur le Cantique des cantiques et Sur les Béatitudes) et, dans le Dialogue sur l'âme et la résurrection, inspiré par la mort de sa sœur Macrine, donna une transcription chrétienne du Phédon de Platon.

Grégoire de Tours

Écrivain gallo-romain (Clermont-Ferrand  538 – Tours v. 594).

Membre d'une famille sénatoriale, il devint évêque de Tours en 573 et défendit les droits de l'Église au milieu des querelles des rois mérovingiens. Bien que peu cultivé, il écrivit des ouvrages hagiographiques (Vitae patrum), 7 livres De miraculis, et surtout une Historia Francorum en 10 livres, qui fait de lui le premier historien « français ». Par sa syntaxe et son vocabulaire, souvent éloignés du latin classique, son œuvre apporte un témoignage intéressant sur l'évolution des langues romanes. L'Historia Francorum a été continuée par la Chronique du pseudo-Frédégaire.

Grégoire de Narek

Poète arménien (vers 945 – Narek v. 1003).

Il composa des Odes et des Hymnes à usage liturgique, une Histoire de la Vraie Croix, mais il doit sa célébrité à son Livre des lamentations (1002), en prose rythmée, où il remet entre les mains de la miséricorde divine l'angoisse de son âme bouleversée par la découverte des multiples visages du mal : ce livre de prières, où le mysticisme s'exprime à travers un étonnant foisonnement verbal, passait aussi dans le peuple pour avoir des vertus magiques.

Grégoras (Nicéphore)

Théologien et historien byzantin (Héraclée du Pont 1296 – Constantinople 1360).

Il partagea sa vie entre la cour impériale et le monastère de Chora. Auteur d'une Histoire de Byzance qui va de 1204 à 1359, il a laissé une correspondance qui évoque avec saveur la vie à la cour d'Andronic Paléologue.

Grenier (Jean)

Écrivain français (Paris 1898 – Dreux 1971).

Philosophe en défiance de tous les systèmes (Essai sur l'esprit d'orthodoxie, 1938 ; le Choix, 1941), il cherche à faire bon usage de la liberté et du temps de chaque jour (l'Existence malheureuse, 1957 ; la Vie quotidienne, 1968 ; Mémoires intimes de X, 1971). Attentif aux objets et aux êtres les plus humbles (Sur la mort d'un chien, 1957) comme à l'ambition créatrice (Entretien avec dix-sept peintres non figuratifs, 1963), il fut le maître et l'ami de Camus (Albert Camus, 1968).

Grenier (Roger)

Écrivain français (Caen 1919).

Ses romans sont à la fois des tableaux contemporains et une réflexion sur la vanité de l'aventure individuelle ou historique (les Monstres, 1953 ; les Embuscades, 1958 ; le Palais d'hiver, 1965 ; la Salle de rédaction, 1977). À cet effilochement du destin répond le resserrement d'une écriture qui évoque, à travers des drames modestes mais exemplaires (le Silence, 1961 ; Une maison place des Fêtes, 1972 ; le Miroir des eaux, 1975 ; la Follia, 1980 ; la Fiancée de Fragonard, 1982 ; les Larmes d'Ulysse, 1998 ; le Veilleur, 2000), la magie perdue de l'enfance (Ciné-roman, 1972 ; Un air de famille, 1979). On lui doit également un essai, Albert Camus, soleil et ombre (1987), et une biographie, Pascal Pia ou la tentation du néant (1989).