Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Borgese (Giuseppe Antonio)

Écrivain et critique italien (Polizzi Generosa 1882 – Fiesole 1952).

Son activité de critique et son engagement politique (Goliath : la marche du fascisme, 1937) exercèrent une grande influence entre les deux guerres. Son roman Rubé (1921), axé sur la figure de l'intellectuel petit-bourgeois, est aussi remarquable que ses nouvelles (les Belles, 1927).

Borne (Alain)

Poète français (Montélimar 1915 – 1962).

Il attire l'attention d'Aragon, qui le renvoie à son homonyme médiéval, Bertrand de Born. Entre douceur et violence, Jammes et Rimbaud, cet avocat de formation dresse un discret paysage autobiographique, monde du feu où la nécessité sourde de l'amour (La nuit me parle de toi, 1964), un sens précis de l'inéluctable (Plus Doux Poignard, 1971) sont dits, avec une transparence éluardienne, une sobriété racinienne. En mots simples, en images éclairantes, initiée avec Cicatrices de songe (1939), dont le titre laisse deviner une secrète fêlure, cette œuvre sensible, densément humaine, est éclatée en de nombreuses plaquettes, souvent posthumes. Les œuvres complètes de Borne paraissent en 1981.

Börne (Ludwig)

Écrivain et publiciste allemand (Francfort 1786 – Paris 1837).

Il fonde et dirige de 1818 à 1821 la revue Die Waage. Il se fixe à Paris en 1830 et devient le porte-parole des démocrates allemands en exil. Ses Lettres de Paris (1832-1834) mettent au service de leurs idées une ardeur passionnée mais dogmatique, que Heine qualifie de « sansculottisme de la pensée ». Il est à la fois le précurseur et le premier représentant de la Jeune-Allemagne. À la fin de sa vie, il rejoint Lamennais dans son idéal de fraternisation chrétienne et démocratique des peuples, et polémique contre le chauvinisme allemand (Menzel, le bouffeur de Français, 1837).

Bornemisza (Péter)

Humaniste hongrois (Pest 1535 – id. 1584).

Traducteur de Sophocle, il a laissé un recueil d'anecdotes qui constituent la première manifestation de la nouvelle dans la littérature hongroise (Tentations diaboliques, 1578).

Borowski (Tadeusz)

Poète et nouvelliste polonais (Jitomir, Ukraine, 1922 – Varsovie 1951).

Né dans une famille polonaise sur un territoire annexé par l'U.R.S.S., il a 4 ans lorsque son père est déporté en Sibérie pour activité patriotique polonaise. Sa mère est déportée l'année suivante. Son frère et lui, recueillis par des parents éloignés, connaissent la misère avant de gagner seuls la Pologne en 1932 où leurs parents libérés s'installent à Varsovie. L'incroyable talent du jeune poète apparaît en 1942 lorsqu'il publie clandestinement son premier recueil de poèmes Où que soit la terre. Pris dans une souricière de l'occupant allemand en février 1943, Borowski connaît successivement les camps de concentration d'Auschwitz, Brzezinka, Natzweiler-Dautmergen, Dachau où il se dévoue comme infirmier, toujours de bonne humeur, porteur de sérénité et de consolation. Les poèmes qu'il écrit alors sont des chefs-d'œuvre d'émotion exprimée par des métaphores audacieuses avec une grande économie de mots. Libéré à Dachau par la VIe armée US, il ne pèse que 35 kg, mais se sent animé par la volonté d'écrire ce qu'il vient de vivre. En novembre 1945, il termine les quatre nouvelles Chez nous à Auschwitz, les Hommes qui marchaient, Une journée à Harmenzee, Au gaz, messieurs-dames qui sont parmi les meilleures de ses œuvres en prose. Il séjourne en Allemagne, en Belgique et en France, supporte mal « l'enthousiasme des hommes à instaurer de nouvelles hiérarchies », rentre à Varsovie, travaille comme assistant à l'Université et publie des œuvres qui provoquent des scandales successifs. En littérature, l'heure est au martyre, à la fraternité des victimes et à la méchanceté des bourreaux, tandis que dans le recueil de nouvelles l'Adieu à Marie (1947), Borowski présente le camp de concentration comme un système où tout homme est pris dans l'engrenage du mal, où la mort s'effectue dans le silence, guettant chacun, conséquence de l'incommunicabilité entre les bourreaux et les victimes. Tout peut arriver parce que le caractère sacré de la vie humaine a disparu et, au terme de cette logique, le mécanisme du camp s'efforce de supprimer jusqu'à la dualité entre l'action et la pensée. Mettant les individus en concurrence, le camp crée des alternatives inhumaines, l'homme affamé doit se conduire comme une bête et se sentir tel. Être survivant, c'est avoir pu tiré profit de la mort d'un autre. Comme ses premiers textes, le Monde de pierre (1948) est rédigé dans un style où une objectivité tenue, en apparence dépourvue de tout affect, fait surgir au détour des mots la cruauté d'un univers dont pourtant les seuls protagonistes sont des êtres humains sensibles et normaux. La lecture de ces pages est parfois difficilement soutenable. Accusé de cynisme, l'auteur est rendu responsable des agissements de son personnage et évite de justesse d'être traduit en justice. Le P.O.U.P. condamne ses écrits de camp, Borowski s'engage dans le réalisme socialiste et reçoit des prix pour des textes secondaires. De plus en plus dépressif, il se suicide le 1er juillet 1951. Son œuvre écrite entre 1939 et 1948, tant en vers qu'en prose, est d'une qualité littéraire exceptionnelle, elle est également le témoignage du vécu immédiat d'un homme qui confirme les théories d'Hannah Arendt sur le totalitarisme sans jamais les avoir lues.

Borrow (George)

Écrivain et voyageur anglais (East Dereham, Norfolk, 1803 – Oulton Broad, Suffolk, 1881).

Doué pour les langues, il voyage en Europe et en Orient. Représentant la Bible Society, il parcourt l'Espagne (la Bible en Espagne, 1843). Toujours passionné par les minorités vagabondes, il consacre plusieurs ouvrages aux Tsiganes : Lavengro (1851) et sa suite, le Seigle des Romanis (1857).

Bory (Jean-Louis)

Écrivain français (Méréville 1919 – id. 1979).

Chroniqueur au Nouvel Observateur, il a participé à l'émission radiophonique le Masque et la Plume. Dans ses romans regroupés sous le titre Par temps et marées, dont l'un, Mon village à l'heure allemande (1945), obtient le prix Goncourt, il analyse son époque (Chère Aglaë, 1947 ; l'Odeur de l'herbe, 1962 ; Voir les passants, 1975) et la nostalgie d'une « inguérissable enfance » (la Peau des zèbres, 1969) que tourmente une homosexualité revendiquée (Ma moitié d'orange, 1972). Il se veut historien de la Révolution de Juillet (1972) ou du roman populaire (Eugène Sue, dandy mais socialiste, 1973). Son dernier roman, le Pied (1977), conçu partiellement au magnétophone, s'avérait iconoclaste. Bory s'est suicidé le 11 juin 1979.