Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Ortega y Gasset (José)

Écrivain espagnol (Madrid 1883 – id. 1955).

Fondateur de la prestigieuse Revista de Occidente (1923), il exerça une profonde influence sur la pensée espagnole de son temps et connut une audience européenne. Aristocrate de pensée et de style, il formula une philosophie libérale considérant la vie comme la réalité fondamentale, mais soumise à la discipline de la raison (Méditations de Don Quichotte, 1914 ; le Spectateur, 1916-1934 ; l'Histoire comme système, 1940 ; Idées et croyances, 1940). Avec la Révolte des masses (1930), un des livres majeurs de la philosophie politique du XXe siècle, il prend sa place dans la galerie des grands théoriciens du libéralisme politique, au même titre qu'un Tocqueville ou qu'un Raymond Aron.

Orten (Jiří)

Poète tchèque (Kutná Hora 1919 – Prague 1941).

Il exprime dans ses recueils les sentiments d'angoisse, de désespoir et de liberté intérieure qu'éprouve l'homme accablé par l'adversité du sort (le Livre du printemps, 1939 ; le Chemin du gel, 1940 ; les Lamentations de Jérémie, 1941 ; Élégies,1946). Son journal postume (Carnets, 1957) provoqua un débat sur la place du poète dans un régime communiste.

Ortese (Anna Maria)

Écrivain italien (Rome 1915 – Rapallo, Gênes, 1998).

Journaliste, auteur de contes (Angéliques Douleurs, 1937) et de romans en partie autobiographiques (l'Infante ensevelie, 1950 ; l'iguane, 1965), elle vécut longtemps à Naples dont elle décrit la réalité sociale oscillant entre le passé et le présent (La mer ne baigne pas Naples, 1953, et les Beaux Jours, 1967, pour lesquels elle reçut des prix littéraires ; le Port de Tolède, 1975 ; le Chapeau à plumes, 1979 ; la Douleur du chardonneret, 1993).

Ortiz (Simon J.)

Poète américain (Albuquerque, Nouveau Mexique, 1941).

Sa poésie rend compte avec vigueur de l'aliénation ressentie par un Indien américain dans son propre pays. La préface de son recueil le plus important, Un bon voyage (1977), rappelle que le récit et la prière sont des genres traditionnels pour lui et leur perpétuation la clé de la survie. Contre la confusion et l'impersonnalité de la vie américaine contemporaine, les rituels ancestraux aux origines perdues manifestent la possibilité d'une éternité (Un poème est un voyage, 1981).

Orton (Joe)

Auteur dramatique britannique (Leicester 1933 – Londres 1967).

Homosexuel provocateur (Steven Frears a évoqué sa vie dans le film Prick Up your Ears), Orton incarne le renouveau comique du théâtre anglais des années 1960. Contrairement aux « Jeunes gens en colère », il rejette le théâtre politique ou didactique mais, pour faire réagir le bourgeois, il construit avec soin des farces dont l'intrigue mène les personnages à un paroxysme proche de l'absurde. Dans Mr Sloane (1964), deux êtres laids et grotesques, frère et sœur, se partagent les faveurs du jeune personnage éponyme. Inceste et profanation sont les thèmes abordés ouvertement en 1965 dans Pillage (un fils déshabille le cadavre de sa mère pour cacher de l'argent volé dans le cercueil) et en 1969 dans Ce qu'a vu le majordome (un fils viole sa mère, des jumelles sont séduites par leur père inconnu). Dans une langue où se mêlent raffinement et grossièreté, Orton nie toutes les valeurs de la société de son temps.

Orwell (Eric Arthur Blair, dit George)

Écrivain anglais (Motihari, Bengale, 1903 – Londres 1950).

Affecté à la police impériale de Birmanie (1922), il démissionna en 1928, se désolidarisant de l'esprit bourgeois, erra et mendia dans Paris (Histoire birmane, 1933 ; la Vache enragée, 1933). Journaliste, blessé lors de la guerre d'Espagne aux côtés des républicains, il dénonça les méthodes staliniennes dans la Catalogne libre (1938), s'aliénant ainsi la sympathie de l'intelligentsia dont il avait déjà critiqué la prise de distance vis-à-vis de la classe ouvrière. Avec Un peu d'air, s'il vous plaît (1939), il fait un pari historique – la lutte contre l'hitlérisme suppose une révolution en Angleterre – que l'histoire démentira. En 1945, la Ferme des animaux, fable antistalinienne, évoque des porcs qui s'efforcent de vivre en hommes et de réaliser une utopie – faisant apparaître sur le mode burlesque la trahison inévitable des idéaux de toute révolution. Roman d'anticipation politique, reprenant la tradition de l'anti-utopie (Wells, Huxley), 1984 (1949) décrit l'avenir totalitaire : l'État prendra le contrôle de la vie quotidienne, de la mémoire collective, du langage et de la pensée (« Big Brother vous regarde »). La « novlangue » mise au point par le parti rendra impossible l'émergence de pensées subversives : il n'y aura plus de mots pour les exprimer. Car Orwell fut aussi un philosophe du langage, soucieux de défendre l'expression individuelle autant que la fidélité au réel. Le roman reste un symbole, non seulement de l'organisation totalitaire, mais encore de toute forme d'oppression de la pensée au sein des sociétés modernes.

Osanai Kaoru

Dramaturge et metteur en scène japonais (Hiroshima 1881 – Tokyo 1928).

Ayant entrepris une carrière dramatique après sa rencontre avec Ii Yoho, célèbre jeune premier du théâtre shimpa (avatar moderniste du kabuki), il fonda, en 1909, le « Théâtre Libre » avec l'acteur Ichikawa Sadanji II. Il contribua à jeter les fondements du shingeki (théâtre japonais à l'occidentale), en participant au « Petit Théâtre de Tsukiji » (1924-1930), pour lequel il réalisera des mises en scène particulièrement significatives de Gorki et de Tchekhov.

Osborne (John)

Écrivain anglais (Londres 1929 – Nuffield Hospital, Shropshire, 1994).

Dès ses premières pièces, il use de la satire et de l'invective pour s'en prendre au conformisme et aux préjugés nationaux ou privés, au nom d'une authenticité impossible et d'une frustration réelle : Look Back in Anger, littéralement « regard en arrière en colère », traduit en français par la Paix du dimanche (1956), donne son nom au mouvement des « Jeunes Gens en colère » dont il est le chef de file. Viendront ensuite l'Amuseur, 1957 ; Épitaphe pour George Dillon (avec A. Creighton, 1958) ; Un bon patriote (1964), interdit par la censure pour ses références à l'homosexualité. Mêlant l'histoire et l'interprétation « analytique », il tente de remonter aux racines du désir de conformisme (le Monde de Paul Slickey, 1959 ; Luther, 1961 ; Témoignage irrecevable, 1964 ; Promesse tenue, 1966, adaptation brechtienne d'une pièce de Lope de Vega), et rivalise avec Pinter à travers le problème du couple (Sous pli discret, 1962 ; Hôtel à Amsterdam, 1968 ; l'Instant présent, 1968). Ses adaptations (le Portrait de Dorian Gray, 1973) et son autobiographie (Un être meilleur, 1981) confirment l'impasse : la colère d'Osborne fait désormais partie du paysage culturel. Sa carrière théâtrale connaît un ultime rebondissement avec Déjàvu (1992).