Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Waberi (Abdourahman A.)

Écrivain djiboutien (Djibouti 1965).

Vivant depuis 1985 à Caen, où il enseigne l'anglais, il déclare avoir commencé à écrire pour se « rapproprier son pays ». Il publie deux recueils de nouvelles, le Pays sans ombre (1994) et Cahier nomade (1996), puis un roman, à l'écriture poétique, Balbala (1997), et les légendes d'un recueil de photographies, l'Œil nomade, Voyage à travers le pays de Djibouti (1997). À la suite de son voyage au Rwanda, dans le cadre du projet « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », il a publié un petit livre bouleversant, Moisson de crânes (2000).

Wace (Robert)

Poète anglo-normand (Jersey v. 1100 – v. 1175).

Clerc protégé d'Henri II et un temps chanoine de Bayeux, il a beaucoup contribué à la diffusion du mythe arthurien, et a été aussi l'un des fondateurs de l'historiographie en langue vernaculaire. L'adaptation qu'il donne en 1155 de l'Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth dans son Roman de Brut lie l'histoire des rois britanniques au mythe de l'origine troyenne de la Grande-Bretagne et fait une large place aux ancêtres d'Arthur, au règne de son père Uter, secondé par Merlin. L'image qu'il donne ensuite d'Arthur et de son règne, apogée de la puissance bretonne, lui confère le triple statut de roi guerrier, de roi civilisateur (Arthur incarne l'idéal courtois, fonde la Table ronde – pour la première fois mentionnée – à l'usage de ses chevaliers, triomphe du géant du Mont-Saint-Michel) et de roi très chrétien. Le parcours d'Arthur devrait le conduire jusqu'à la conquête de Rome, mais il est alors victime de la trahison de son neveu Mordret. Blessé dans la bataille qu'il livre contre le traître, il est emporté par sa sœur Morgain dans l'île d'Avalon d'où les Bretons espèrent qu'il reviendra un jour. Wace n'a sans doute pas inventé la matière de son récit. Les motifs narratifs et descriptifs qu'il met au point (le motif de la tempête, par exemple, ou les descriptions de villes, de fêtes, de batailles), son style très marqué par la rhétorique, et plus encore la dimension tragique qu'il donne au destin d'Arthur exerceront une très forte influence sur la fiction romanesque (romans sur Tristan notamment et romans arthuriens) au XIIe siècle. Autre œuvre majeure, son Roman de Rou (entre 1160 et 1170) réfléchit sur la fonction de l'histoire, indispensable mise en mémoire des faits, des « dits » et des « mœurs » des hommes d'autrefois à l'usage des hommes d'aujourd'hui et sur le rôle de l'historien, par qui se perpétue ce passé et qui doit tendre à l'exactitude. Allant de la fondation du duché de Normandie par le Viking Rollon jusqu'au début du règne d'Henri Ier (1106), le Rou passe de l'évocation d'un passé légendaire à une relation souvent bien documentée de l'histoire récente. Ainsi de la célèbre description de la bataille d'Hastings.

Wachcha (Abul-Tayyib Muhammad al-)

Écrivain arabe (Xe s.).

Philologue et lettré, il est connu surtout par un recueil de citations, de poésies et d'anecdotes centrées sur la notion de zarf (raffinement, subtilité des manières et de l'esprit), notamment lorsqu'il s'agit d'amour.

Wackenroder (Wilhelm Heinrich)

Écrivain allemand (Berlin 1773 – id. 1798).

Il est surtout connu comme l'auteur des Épanchements d'un moine ami des arts (1797), mais il est aussi coauteur, avec son ami Ludwig Tieck, des Fantaisies sur l'art. Les Épanchements contiennent une série de chroniques, vies de peintres et d'artistes, trois essais sur l'art et un court récit la Curieuse Vie du musicien Joseph Berglinger. L'originalité de Wackenroder tient à sa conception très large de l'art, dont il fait l'expression même du divin, une religion dont les artistes sont les prêtres. Directement inspiré de Dieu, l'acte de l'artiste ne saurait s'apprendre ou s'analyser.

Wagner (Heinrich Leopold)

Écrivain allemand (Strasbourg 1747 – Francfort-sur-le-Main 1779).

Étudiant, il fait la connaissance de Goethe, s'associe au mouvement du Sturm und Drang et intervient dans la discussion autour de Werther avec une farce, Prométhée, Deucalion et ses critiques (1775). Traducteur de Shakespeare et Montesquieu, il écrit des pièces (l'Inconnu bienfaisant, 1775 ; le Remords après l'acte, 1775). Son œuvre principale est l'Infanticide (1776), une tragédie qui reprend un thème cher à l'époque et où il fait ressortir dans une peinture violemment contrastée l'opposition entre les différentes classes sociales.

Wagner (Richard)

Musicien et écrivain allemand (Leipzig 1813 – Venise 1883).

Après des études générales et musicales peu poussées, il occupe divers emplois de chef d'orchestre (Magdebourg, Königsberg, Riga). Nommé chef d'orchestre au Théâtre royal de Dresde, il obtient ses premiers succès avec le Vaisseau fantôme (1843) et Tannhäuser (1845). Lohengrin, écrit à cette époque, ne sera créé qu'en 1850. Obligé de s'exiler pour avoir pris une part active à la révolution de 1848, il trouve refuge en Suisse. Il commence l'Anneau du Nibelung, écrit Tristan et Ysolde (1859) et publie de nombreux textes théoriques (Art et Révolution, 1849 ; l'Œuvre d'art de l'avenir, 1850 ; le Judaïsme dans l'art, 1850 ; Opéra et Drame, 1851). La création de Tannhäuser à Paris, en 1861, se solde par un échec retentissant, mais marque le début du « wagnérisme » en France (Baudelaire, Berlioz). Après 1864, le soutien financier et l'amitié du roi de Bavière, Louis II, permettront enfin à Wagner de réaliser ses rêves. Il termine et fait représenter les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868), l'Or du Rhin (1869), la Walkyrie (1870) et fait construire à Bayreuth un théâtre à la mesure de ses ambitions : le cycle complet de l'Anneau du Nibelung sera créé lors de son inauguration en 1876. Parsifal (1882) sera la dernière grande œuvre de Wagner.

   L'œuvre littéraire de Wagner est considérable : livrets, écrits théoriques et autobiographiques. Lui-même insistait sur l'union du poète et du musicien. Toutefois, sans sa musique, les seuls écrits de Wagner n'auraient guère d'intérêt : dépouillés de la magie musicale, les vers allitérés de ses drames sonnent creux ; quant aux écrits théoriques, où « les analyses les plus justes » côtoient « un bavardage consternant, dénué de tout esprit critique » (Hans Mayer), ils témoignent d'une pensée qui, dans ses contradictions, est représentative du XIXe siècle allemand. Wagner a en effet assimilé tous les courants de son époque. Il a été profondément influencé par les idées libérales, révolutionnaires, voire anarchistes ; il a été l'héritier du romantisme, à qui il a emprunté sa conception du rôle de la musique, son idéal de l'œuvre d'art totale, l'amour des légendes germaniques et du Moyen Âge. Il a été aussi l'ami des rois et des puissants, a pris des positions violemment antisémites, antilibérales et chauvines. Son œuvre a servi à illustrer et légitimer l'Allemagne nouvelle, assoiffée de puissance militaire et industrielle.