Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Segrais (Jean Regnault de)

Poète français (Caen 1624 – id. 1701).

Parent éloigné de Malherbe, il entra au service de Mlle de Montpensier. Ses Nouvelles françaises (1656-1657), qui mettent celle-ci en scène dans le récit cadre sous le nom de la princesse Aurélie, ressortissent du goût galant et théorisent les exigences nouvelles de vraisemblance, de naturel et de brièveté qui sont celles de la nouvelle, sans véritablement les illustrer. Il lança la mode du portrait mondain avec Divers Portraits (1659). Il passa ensuite au service de Mme de La Fayette et travailla avec elle à la Princesse de Montpensier (1662) et à Zaïde (1670-1671), qu'il signa. Ses Églogues (1660) lui valurent également, avec Athys, poème pastoral (1653), une grande renommée de poète bucolique.

Ségur (Sophie Rostopchine, comtesse de)

Femme de lettres française d'origine russe (Saint-Pétersbourg 1799 – Paris 1874).

Fille du comte Rostopchine (qui, gouverneur de Moscou lors de l'attaque napoléonienne, se défendit d'avoir incendié la ville), elle arriva à Paris en 1816 et épousa le comte Eugène de Ségur en 1819. Sa vocation littéraire découle de son art d'être grand-mère. Après les Nouveaux Contes de fées (1856), publiés par Hachette avec des illustrations de Gustave Doré, parurent 19 romans de 1857 à 1871, tous illustrés par de grands artistes (les Petites Filles modèles, 1858 ; les Vacances, 1859 ; les Mémoires d'un âne, 1860 ; Pauvre Blaise ! 1861 ; l'Auberge de l'Ange-Gardien, 1863 ; les Malheurs de Sophie, 1864 ; la Fortune de Gaspard, 1864 ; Un bon petit diable, 1865 ; le Général Dourakine, 1866 ; Diloy le chemineau, 1867 ; Après la pluie, le beau temps, 1869). De leur succès naquit la « Bibliothèque rose ».

   Les romans de la comtesse sont des romans de la vie quotidienne, vie de hobereaux ou de bourgeois campagnards, décrite avec une telle abondance de détails qu'ils sont un document sur la vie française et sur l'histoire des mentalités au XIXe siècle. Mélange de récits, de contes, de saynètes, ils témoignent dans leurs dialogues d'une solide connaissance de la psychologie et du parler des enfants. La comtesse se pose en pédagogue moderne, fondant l'autorité sur la tendresse et non sur la crainte. « Bonne » et « mauvaise » éducation sont ainsi souvent mises en parallèle (les Petites Filles modèles, le Général Dourakine), parfois de manière ouvertement démonstrative (Comédies et proverbes). Autant que sur le respect de l'ordre établi, la morale repose sur un sentiment religieux très fort qui peut aller jusqu'au mysticisme (Pauvre Blaise !). Cela dit, les héros enfants – garçons et filles – sont dépeints avec beaucoup de naturel ; ce ne sont pas des stéréotypes, mais des personnages vivants et parfois ambigus, en qui le bien et le mal luttent constamment. Prise entre les feux croisés de la critique marxiste et psychanalytique, la comtesse s'est vue accusée au XXe siècle de manichéisme, de conservatisme social et même de sadisme. Cela ne l'empêche nullement de conserver aujourd'hui encore un large succès dans le jeune public.

Sei Shonagon

Femme de lettres et poétesse japonaise (vers 966 – ?).

Fille du poète Kiyohara no Motosuke (908-990), elle était issue d'une famille de fonctionnaires lettrés et, comme sa contemporaine Murasaki Shikibu, reçut une éducation – fait exceptionnel pour une femme à l'époque – dans les lettres chinoises. Elle entra vers 993 au service de l'impératrice Teishi, et c'est sans doute pendant cette période qu'elle reçut le surnom de Sei Shonagon. Fameuse à la cour pour l'étendue de son savoir, elle rivalisa d'esprit avec de grands lettrés de son temps, mais c'est surtout grâce au chef-d'œuvre qu'elle rédigea à cette époque, le Makura no soshi (Notes de chevet), que la personnalité de cette femme brillante, à l'esprit mordant, se révèle avec le plus de netteté.

Notes de chevet [Makura no soshi]. Composé au début du XIe s., cet ouvrage constitue le premier zuihitsu, ou « essai », de la littérature japonaise : il se présente sous la forme d'un recueil d'environ 300 notes éparses, jetées sur le papier sans ordre thématique apparent, et sans le déroulement chronologique propre aux nikki (« notes journalières »). La liberté dans le choix des sujets et des traitements (descriptions, anecdotes ou listes), la pureté de la langue et la puissance du style permettent l'élaboration de véritables poèmes en prose, où au don du raccourci et à l'humour incisif se mêle parfois un lyrisme glacé, révélant ainsi toutes les facettes d'une personnalité littéraire exceptionnelle.

Seidel (Ina)

Femme de lettres allemande (Halle a. d. Saale, 1885 – Ebenhausen 1974).

Son œuvre est placée sous le signe de la tradition et de la piété luthérienne. Auteur de poèmes néoromantiques (Poèmes, 1914 ; Nouveaux Poèmes, 1927), elle a connu le succès avec des romans où elle exalte le sacrifice, la maternité, la fidélité aux valeurs ancestrales : le Labyrinthe (1922), Brömershof (1927), l'Enfant du miracle (1930), Lenacker (1938), l'Héritage impérissable (1954), Michaela (1959). Auteur de nouvelles (Quartett, 1963) et d'essais (la Femme et la Parole, 1965), elle a laissé une autobiographie inachevée (Histoire d'une vie, 1935-1970).

Seifert (Jaroslav)

Poète tchèque (Prague 1901 – id. 1986).

Débutant avec une poésie prolétarienne (la Ville en larmes, 1921), il évolue vers la joie de vivre du poétisme (Sur les ondes de la T.S.F., 1925 ; Le rossignol chante mal, 1926), puis traite avec mélancolie du temps qui passe, de l'amour, de l'attachement à la mère et au pays (le Pigeon voyageur, 1929 ; Une pomme tombée du giron, 1933 ; les Mains de Vénus, 1936 ; Adieu printemps, 1937). Pendant la tourmente des années 1940, ces thèmes intimistes prennent une dimension collective (Huit Jours, 1937 ; Éteignez les lumières, 1937 ; l'Éventail de Božena Němcová, 1940 ; Vêtue de lumière, 1940 ; le Pont de pierre, 1944 ; le Casque plein d'argile, 1945 ; Le peintre s'en alla pauvrement dans le monde, 1949 ; Chanson de Vitorka, 1950 ; Mozart à Prague, 1952 ; Maman, 1954 ; le Garçon et les Étoiles, 1956 ; Prague, 1958), tandis que l'épreuve de la maladie, le face-à-face avec le vide de la mort approfondissent sa méditation sur l'existence et décantent son écriture (Concert sur l'île, 1965 ; le Moulage des cloches, 1967 ; la Comète de Halley, 1968). Dénonçant les méfaits du stalinisme, signataire de la Charte 77, il est le symbole d'une littérature dramatiquement dispersée : ses derniers recueils de poèmes (la Colonne de peste, 1973 ; le Parapluie de Piccadilly, 1977), ses souvenirs (Toutes les beautés du monde, 1981) paraissent à l'étranger. Le prix Nobel couronne son œuvre en 1984.