Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Marnix (Philippe de) , baron de Sainte-Aldegonde, en néerl. Filips Van Marnix Van Sint-Aldegonde

Écrivain et diplomate flamand (Bruxelles 1540 – Leyde 1598).

L'auteur présumé de l'hymne national des Pays-Bas, le Wilhelmus Van Nassouwe, fit ses études à Louvain, Paris et Genève (où il embrasse le calvinisme en 1562) et se rangea du côté du prince d'Orange (1571) : il fut chargé d'importantes missions par Guillaume le Taciturne et devint bourgmestre d'Anvers (1583), qu'il défendit vainement contre Alexandre Farnèse (1585). Auteur, en néerlandais, d'un pamphlet anticatholique la Ruche de la Sainte Église romaine (1569), signé du pseudonyme d'Isaac Rabbotenu, il traduit les Psaumes de David (1580). Il meurt alors qu'il prépare la traduction officielle de la Bible et sans voir la parution de son Tableau des différends de la religion (1599), satire du catholicisme, écrite en français, et qui rappelle Rabelais par sa truculence et sa verve populaire.

Maroc

Littérature de langue arabe

Maghreb

Littérature arabe moderne

On crédite généralement de l'inauguration de la littérature moderne 'Allâl al-Fâsî, qui s'attaqua dès 1933 aux règles du lyrisme traditionnel et qui, dans ses essais, chercha à définir un renouveau intellectuel et social du monde arabe qui ne serait pas une copie de l'Occident, et Ahmed Bennâni, tous deux nés au début du siècle. Mais la naissance effective du roman marocain a lieu avec 'Abd al-Majîd Benjelloun (né en 1919), qui commence à écrire pendant la Seconde Guerre mondiale et qui évalue les chemins de rencontre entre l'Occident et l'Orient islamique dans une œuvre autobiographique (Pendant l'enfance, 1957). De la même génération, Abd al-Karîm Ghallâb, dans ses récits, reflète l'idéologie nationaliste et réformiste du parti de l'Istiqlâl. Les jeunes écrivains optent le plus souvent pour l'œuvre brève, conte ou nouvelle, pour traduire les luttes pour la démocratie et la liberté, si l'on excepte Mohammed Zefzaf  et Ahmad al-Madîni, romanciers engagés ; Rabî' Moubarak est, lui, témoin consciencieux du quotidien et de l'imaginaire religieux. Plusieurs romans autobiographiques marquants sont publiés : celui de Muhammad Choukrî (le Pain nu, 1982), qui fait scandale, et le Jeu de l'oubli (1987) de Muhammad Barrâda, d'une remarquable maîtrise. Ahmad Tawfîq, lui, ancre son écriture dans l'épaisseur socio-historique du Maroc (Lune et Henné, 1998).

   Par la poésie, les écrivains marocains ont cherché à être les témoins de leur époque, à participer à la fois à sa réalité et à son imaginaire. Muhammad al-Sulaymânî (1862-1926) retrouve dans sa poésie la pure tradition andalouse. Après la Seconde Guerre mondiale se développe un courant romantique auquel succèdent dans les années 1950 des œuvres mobilisées politiquement pour l'indépendance et où apparaît le vers libre. C'est à partir de 1964 que la poésie moderne prend forme au Maroc, exploitant des thèmes ancrés dans la réalité quotidienne du pays, utilisant un rythme neuf dégagé du sentimentalisme et de la nostalgie, avec Mohamed Seghini (né en 1930), symboliste et mystique, Ahmed Mejati (né en 1938), Allal el Hajjam (né en 1948), Mohammed al-Achaari (né en 1950). Mais demeure néanmoins un courant de contestation, particulièrement représenté par Mohammed Bennis (né en 1948).

La littérature de langue française

Des voyageurs, des administrateurs, des militaires écrivant sur le Maroc l'ont souvent vu avec sympathie, mais ont aussi laissé de lui une image stéréotypée. Pierre Loti verse dans l'exotisme. A. Chevrillon voit Fès comme un Crépuscule d'Islam (1905). Cependant, les frères Tharaud tentent de caractériser Fès ou les Bourgeois de l'Islam (1930), Rabat ou les Heures marocaines (1921), Marrakech ou les Seigneurs de l'Atlas (1920). Maurice Le Glay est à l'écoute du pays berbérophone (Récits marocains de la plaine et des monts, 1921 ; les Sentiers de la guerre et de l'amour, 1930). François Bonjean surtout pénètre à l'intérieur de la vie de la famille (Confidences d'une fille de la nuit, 1941), et peut avec le recul actuel être considéré comme le plus important des écrivains français du Maroc de cette époque.

   Comme en Algérie, on trouve déjà au Maroc des écrivains autochtones de langue française avant la Seconde Guerre mondiale. Kaddour Ben Ghabrit écrivit ainsi des pièces de théâtre (la Ruse de l'homme, 1920 ; le Chérif ou la Polygamie sentimentale, 1936) et des contes (Abou Nouas, 1930). Mais il faut attendre les années 1950 pour voir l'émergence véritable de cette littérature. Ahmed Sefrioui l'inaugure avec des contes (le Chapelet d'ambre, 1949) et un roman (la Boîte à merveilles, 1954). Driss Chraïbi, avec le Passé simple (1954), ébranle l'image idyllique du « Maroc enchanté », en développant une critique virulente de l'hypocrisie de la société traditionnelle, mais aussi d'un humanisme français qui tolère le colonialisme, ou l'exploitation des immigrés dénoncée l'année suivante dans les Boucs. Ce drame de la double culture restera le centre, en 1962, de Succession ouverte, du même auteur, qui restera longtemps la voix majeure, mis à part le poète Muhammad Aziz Lahbabi (les Chants d'espérance, 1952). Ce ne sera pourtant que dix ans après l'accession du pays à l'indépendance (1956) qu'une génération se lèvera, décidée à refuser les conformismes et à remettre en question l'écriture d'hier. Abdellatif Laâbi fonde la revue Souffles (1966-1971), ouverte aussi aux jeunes poètes algériens, qui fut le creuset de toute la création à venir, dans un contexte d'engagement à l'extrême gauche politique qui lui valut d'être interdite en 1971, et à Laâbi d'être emprisonné pour plus de huit ans. En 1966 également, le premier numéro de la revue Lamalif affirmait : « Nous n'avons pas de témoins, d'auteurs qui aient su assumer et exprimer notre drame actuel. » Ces auteurs allaient se faire entendre. Ainsi Mohammed Khaïr-Eddine, publiant les poèmes de Nausée noire (1964) et de Faune détériorée (1966), montrait le chemin de la démythification et donnait dans son roman Agadir (1967) la double image d'un séisme historique et psychologique. Par sa violence formelle, son œuvre sera certainement une des plus caractéristiques de la modernité de ces années : Moi, l'aigre (1970), le Déterreur (1973), Une odeur de mantèque (1976), Légende et vie d'Agoun'chich (1984). Abdellatif Laâbi, après son poème Race (1967), s'interrogeait dans l'Œil de la nuit (1969) : « Nous sommes exténués du passé... Mais qui sommes-nous ? », et encore : « Comment sortir de la caverne ? », c'est-à-dire des scléroses, des « vieilles cryptes de barbarie ». Abdelkébir Khatibi (la Mémoire tatouée, 1971) réfléchissait sur l'identité et la différence. Tahar Ben Jelloun, poète (Hommes sous linceul de silence, 1971 ; Cicatrices du soleil, 1972), montre avec ses romans (Harrouda, 1973 ; la Réclusion solitaire, 1976) que la saisie de la réalité sociale, politique ou simplement humaine peut passer par une écriture maîtrisée, voire travaillée et raffinée. Si cette génération qui conserve souvent une tonalité très engagée – ainsi avec les poètes Zaghloul Morsy (D'un soleil réticent, 1969) et Aherdan Mahjoubi (Cela reste cela, 1968) – garde toute sa fécondité, de nouvelles perspectives apparaissent avec Mohammed Loakira (Chants superposés, 1977 ; l'Œil ébréché, 1980), Mostefa Nissaboury (la Mille et Deuxième Nuit, 1975), Noureddine Bousfiha (Safari au sud d'une mémoire, 1980), Abdallah Bounfour (Atlassiques, 1980), Rachidia Madani (Femme je suis, 1981), ou encore Mohammed Alaoui Belrhiti, Kamel Zebdi, Mohammed Bouharrate, Ahmed Boulahfa. Le théâtre en français, limité à quelques pièces d'Ahmed Belhachemi ou de Khatibi (le Prophète voilé, 1979), semble moins vivant que l'essai, illustré par Abdallah Laroui, Abdeljlil Lahjomri.

   Le prix Goncourt obtenu par Tahar Ben Jelloun pour la Nuit sacrée en 1987, couronnement d'une œuvre féconde dans laquelle il faut signaler particulièrement la Prière de l'absent en 1981, marque à la fois une consécration de cette littérature et la fin d'une lecture par trop idéologique qui caractérisait sa modernité dans les années 1970, et qu'Abdellatif Laâbi lui-même, sorti de prison en 1980, mettait quelque peu à distance dans son roman les Rides du lion (1989) ou ses poèmes le Spleen de Casablanca (1996). Les genres et les points de vue se diversifient, et de nouveaux écrivains surgissent, comme Fouad Laroui (les Dents du topographe, 1997 ; Méfiez-vous des parachutistes, 1999 ; le Maboul, 2001), à l'humour revigorant et acéré. Tahar Ben Jelloun cependant s'essaie à de nombreux registres, dont celui du reportage (l'Ange aveugle, 1992) ou de l'essai pédagogique (le Racisme expliqué à ma fille, 1998), cependant que Driss Chraïbi produit sans aucun doute ses meilleures œuvres avec la trilogie Une enquête au pays (1981), la Mère du printemps (1982), Naissance à l'aube (1986), mais laisse aussi libre cours, dans une série parodique du roman policier, à la truculence de son Inspecteur Ali (4 volumes, de 1991 à 1997). Abdelhak Serhane développe quant à lui une description souvent très dure de l'hypocrisie sexuelle de la société traditionnelle, dans Messaouda (1983) ou le Deuil des chiens (1998), que reprendra avec une écriture beaucoup plus poétique et maîtrisée Mahi Binebine (le Sommeil de l'esclave, 1992 ; les Funérailles du lait, 1994 ; l'Ombre du poète, 1997), par ailleurs aussi peintre de talent. La rencontre des cultures enfin semble le lieu de prédilection des essais que multiplie Abdelkebir Khatibi, ou des textes plus littéraires d'Edmond-Amran El Maleh (Parcours immobile, 1980 ; Aïlen ou la nuit du récit, 1983 ; Mille Ans, un jour, 1986).