Coëffeteau (Nicolas)
Évêque et écrivain français (1574 – 1623).
Dominicain, prédicateur ordinaire d'Henri IV en 1608, il prononça l'oraison funèbre du roi en 1610. Nommé évêque, il se consacra à la controverse contre le ministre de Charenton, Pierre du Moulin. Il contribua aussi, par sa traduction de l'Histoire romaine de Florus, puis par sa propre Histoire romaine, à la connaissance des historiens de l'Antiquité. Il fit partie des auteurs chez lesquels l'Académie puisait ses exemples et devint ainsi l'un des maîtres de la prose française pour toute une génération.
Coetzee (John)
Écrivain sud-africain de langue anglaise (Le Cap 1940).
Il a vécu l'essentiel de ses années de formation en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où il a fait des études d'informatique. De retour en Afrique du Sud, il s'est engagé dans une carrière d'universitaire et de romancier (Terres de crépuscule, 1974 ; Au cœur de ce pays, 1977 ; En attendant les Barbares, 1980 ; Foe, 1986) qui témoigne de la désagrégation de deux cultures affrontées à travers l'évocation des fantasmes et des violences exacerbées des maîtres et des esclaves (Michael K., sa vie, son temps, 1983). L'Âge de fer (1990) est suivi de le Maître de Pétersbourg (1994). Il a reçu le prix Booker pour Disgrace (1999), où il donne de la condition humaine post-apartheid une description aux dimensions politiques et métaphysiques. Il poursuit en même temps une œuvre de critique et d'éditorialiste.
Cohen (Albert)
Écrivain suisse de langue française (Corfou 1895 – Genève 1981).
Plusieurs livres de ce Juif ottoman, naturalisé suisse, haut fonctionnaire international à la SDN, puis à l'ONU, raillent l'univers clos des fonctionnaires internationaux, leur carriérisme et leur jalousie (les Valeureux, 1969). Mais les « valeureux », ce sont aussi ces Juifs qui, comme les personnages de Cohen, la famille Solal, les cinq compatriotes de Solal, ou Mangeclous, combattent avec courage et humour les injustices sociales et bravent la fatalité. À l'instar des personnages, récurrents, l'essentiel de cette œuvre, solidement ancrée dans le réel, s'organise autour de quelques sujets développés d'un livre à l'autre – amour d'un sacré qui se perd, fascination de la mort, Éros solaire volontiers destructeur – que l'écriture, par définition interminable, soutenue par une verve comique et une franche truculence, met constamment en échec. Fin observateur des cultures et des systèmes de valeurs, Cohen essaie de réconcilier l'Orient et l'Occident. De Solal (1930) à Ô vous, frères humains (1972), son œuvre affiche une unité indéniable. Il est également connu pour ses récits autobiographiques d'une grande justesse de ton (Livre de ma mère, 1954 ; Carnets, 1978).
Belle du Seigneur (1968) a consacré la gloire de Cohen. Effusion lyrique et critique sociale ajoutent, dans cette histoire d'amour absolu, une nouvelle touche au portrait de Solal, héros protéiforme et favori de l'auteur qui dévoile, au sein du roman, les antagonismes opposant Orient et Occident, non seulement géographiquement, mais par rapport aux valeurs qui régissent les sociétés, une tradition qui a ses racines dans la morale et parfois dans le sacerdoce. Les considérations purement théologiques passent cependant au second rang, comme le montre une langue débridée, burlesque à souhait, sans signes de ponctuation, parodiant la litanie, souvent jubilatoire, mais où l'exultation sait éviter, dans son ironie contrôlée, l'écueil de l'exaltation ou du pathétique.
Cohen (Leonard)
Écrivain et chanteur canadien d'expression anglaise (Montréal 1934).
Romans (le Jeu préféré, 1963 ; les Perdants magnifiques, 1970), pièces (le Prochain Pas, 1972 ; Sœurs de pitié, 1973), recueils poétiques (Comparons nos mythologies, 1956 ; la Boîte à épices de la terre, 1965 ; Des fleurs pour Hitler, 1964 ; Des parasites aux cieux, 1966 ; Recueil de chanson, 1969 ; l'Énergie des esclaves, 1972 ; Mort d'un séducteur, 1978), toute son œuvre s'attache à la tension douloureuse de l'existence. Dans l'agonie quotidienne du monde, reprise des agonies de la Shoah, subsiste, grâce au poète, l'espoir d'entendre « l'harmonie du vent dans le jardin ».
Cola di Rienzo
Chef populaire italien (Rome 1313 ou 1314 – id. 1354).
La vie du « dernier tribun de Rome », qui, féru de l'Antiquité, tenta par deux fois (1347 et 1354) de restaurer la grandeur de l'État romain, est racontée dans une chronique anonyme (Vie de Cola di Rienzo) du XIVe siècle en dialecte romain.
Coleridge (Samuel Taylor)
Poète et philosophe anglais (Ottery Saint Mary, Devonshire, 1772 – Londres 1834).
Treizième et dernier enfant d'un pasteur, marqué par l'absence maternelle et la rivalité fraternelle, il s'enthousiasme pour la Révolution française, dont il intériorise l'échec. Son projet de communauté utopique (la « pantisocratie ») ayant avorté, il s'engage dans les dragons, est renvoyé pour folie, épouse sans l'aimer la belle-sœur du poète Southey. Il tente une percée théâtrale (la Chute de Robespierre, 1794), puis journalistique (le Guetteur, 1796) et découvre son « vrai frère » en Wordsworth. Surveillés par la police dans la région des Lacs, tous deux pansent par la poésie leurs blessures : Poèmes (1797), Ode à la France (1797). Christabel, narration « gothique » inachevée, et Kubla Khan, prétendue transcription d'un rêve sous l'effet de l'opium, où s'accumulent toutes les métaphores romantiques de la création, ne seront publiés qu'en 1816. Avec Wordsworth, il publie en 1798 un recueil de Ballades lyriques, qui s'ouvre sur le Dit du vieux marin, imitation de ballade populaire, voyage spirituel et surnaturel au bout de l'angoisse. Coleridge dit son désespoir de survivant, partagé entre Vie dans la Mort et Mort dans la Vie, et le mystère des culpabilités sans faute, des expiations sans fin : c'est l'âme qui est « étrangère » dans la « civilisation ». À cette période heureuse de confiance dans son génie succèdent le désespoir et la paralysie spirituelle des âmes sans vouloir (Désespoir, 1802). Déçu dans son mariage, froissé par le conformisme croissant de Wordsworth, il veut, contre l'opium, prendre sa vie en main. Secrétaire du gouverneur de Malte (1804), journaliste (The Friend, 1809), traducteur de Schiller et de Kant, il prêche de ville en ville la naissance d'une raison organique qui ne soit plus l'intellect desséché des Lumières. Évitant à peine l'internement, il maintiendra jusqu'à sa mort une réputation méritée d'oracle. Littérature, Église, État, nation, tout peut se rénover si naît une vision qui guérira l'humanité blessée : l'inconscient, le symbole, la croissance sont commandés par l'image d'une totalité absente qui les informe. Contre l'utilitarisme « réaliste » (la civilisation), il faut construire la culture, dont les institutions seront le reflet. Le salut collectif passe donc, comme chez Blake, par l'imagination vraie, où l'âme entre tout entière (à ne pas confondre avec le simple jeu de l'imaginaire, fancy). L'imagination seule assure l'individuation des consciences : c'est en modifiant les images de son désir que l'humanité invente son destin. Newman, Jaspers, Emerson, Melville reprendront cette exigence d'unité : l'angoisse, le désir d'être aimé, le refus des règles au profit des lois du vivant établissent le pont entre le subjectif et le collectif. C'est l'avenir qui travaille les choses. Biographia Literaria (1817), Aides à la réflexion (1825), Constitution de l'Église et de l'État (1830), les Lettres (posthume, 1956-1968) et les Carnets (1957) appliquent à tout ce qui vit, dans le gel et le morcellement, l'aspiration à l'unité dont Coleridge fut – dans l'imagination fantastique, la confidence lyrique ou la réflexion théorique – le plus malheureux et le plus tenace des témoins.