Labid ibn Rabia (Abu Aqil)
Poète arabe (vers 560 – Kufa v. 661).
Réputé pour sa sagesse, synonyme probable de sa longévité, il est resté célèbre grâce à sa Mu'allaqa, qui rime sur le pronom féminin ha, et débute par un magnifique exorde d'inspiration naturaliste.
Labou Tansi (Sony)
Écrivain congolais (Kimwanza, ex-Congo belge, 1947 – Brazzaville 1995).
Professeur et directeur de théâtre, il est l'auteur de nombreuses pièces, aux titres énigmatiques et dont les personnages utilisent « une parole de tapage » (Conscience de tracteur, 1979 ; la Parenthèse de sang, 1981 ; les Enfants du champignon, 1983 ; Qui a mangé madame d'Avoine Bergotha ? 1995). Il publie aussi des nouvelles et des poèmes (la Terre intérieure, 1983 ; Poèmes et vents lisses, 1995). Comme son théâtre, ses romans dénoncent violemment les maux (dans son vocabulaire, les « mochetés » ou les « fatigues ») de l'Afrique contemporaine (la Vie et demie, 1979 ; l'État honteux, 1981 ; l'Anté-peuple, 1983 ; les Sept Solitudes de Lorsa Lopez, 1984 ; les Yeux du volcan, 1988 ; le Commencement des douleurs, 1995). Ils évoquent, par bien des aspects, la littérature hispano-américaine, même s'il n'y a aucune influence directe. Par la dérision, le grotesque, l'exagération et par un style mâtiné de « tropicalités », Sony Labou Tansi a été l'initiateur d'une véritable explosion et d'une transformation profonde du roman africain.
Lacarrière (Jacques)
Écrivain français (Limoges 1925 – Paris 2005).
Son œuvre se déroule au gré de la fantaisie et du rêve (le Pays sous l'écorce, 1980) et au rythme de la marche, qu'il suive les traces de Pausanias ou d'Hérodote (Promenades dans la Grèce antique, 1978 ; En cheminant avec Hérodote, 1981) dans son pays de prédilection (l'Été grec, 1976 ; l'Aurige, 1977), qu'il rêve sur l'aube fabuleuse de notre ère (Marie d'Égypte, 1983) ou qu'il vagabonde en France (Chemin faisant, 1974), attentif aux paysages, aux êtres rencontrés et à leur résonance dans son être intime (Sourates, 1982 ; Chemins d'écriture, 1988 ; la Poussière du monde, 1997). Dictionnaire amoureux de la Grèce (2001) mêle les mythes et l'histoire d'une civilisation dont il est un spécialiste.
Lacenaire (Pierre François)
Aventurier français (Francheville, Rhône, 1800 – Paris 1836).
Ne pouvant vivre de sa plume, il s'engagea, déserta, fabriqua de fausses traites et multiplia les assassinats, résolu à « devenir le fléau de la société », dans une tonalité très balzacienne. Arrêté à Nevers (1835), jugé à Paris, il manifesta devant la cour d'assises un cynisme et un esprit qui lui valurent la célébrité. Outre ses Mémoires, révélations et poésies (1836), son personnage a hanté la mythologie littéraire, des romantiques aux surréalistes.
Lacheraf (Mostefa)
Écrivain algérien d'expression française (Sidi Aïssa 1917 – Alger 2007).
Membre du M.T.L.D., militant nationaliste capturé en 1956 avec Ahmed Ben Bella, corédacteur du Programme de Tripoli, il collabora à de nombreuses revues littéraires (Mithra, Fontaine, Simoun, etc.). Ministre de l'Éducation nationale (1977-1979), poète, traducteur des Chansons des jeunes filles arabes (1953), c'est aussi un analyste de la culture algérienne (l'Algérie, nation et société, 1965).
Lachin (Mahmud Tahir)
Romancier égyptien (1897 – 1955).
Ingénieur au ministère des Travaux publics, il est l'un des principaux artisans du roman naturaliste arabe (Ève sans Adam, 1934). Mais son œuvre, influencée par Tchekhov, privilégie le genre de la nouvelle brève, richement documentée, fixant sur le vif des scènes de la vie citadine et rurale, souvenirs d'un monde bouleversé par l'irruption de la modernité (l'Ironie de la flûte, 1926 ; On raconte que..., 1929). Autour de lui s'est créé en 1924 le groupe littéraire d'al-madrasat al-hadîtha, véritable école littéraire réaliste et non conformiste, qui a fondé l'hebdomadaire al-Fajr (1925-27).
Laclavetine (Jean-Marie)
Romancier français (Bordeaux 1954).
Il aime donner à ses romans, qui ont en commun un style classique caractérisé par la distance ironique, des sujets et des tonalités très différents : politique fiction (Loin d'Aswerda, 1982), roman familial (la Maison des absences, 1984), psychodrame (Donna fugata, 1987), humour noir (En douceur, 1991) ou dialogue avec une inquiétante muse (Conciliabule avec la reine, 1989). Membre du comité de lecture de Gallimard, il brosse dans Première Ligne (1999), où un éditeur crée un club de désintoxication de l'écriture après le suicide d'un écrivain dont il vient de refuser le manuscrit, un tableau féroce mais jubilatoire du petit monde de la littérature et de la critique.
Laclos (Pierre Ambroise François Choderlos de)
Écrivain français (Amiens 1741 – Tarente 1803).
Rien ne semblait destiner à la littérature ce fils d'un fonctionnaire de l'intendance de Picardie et d'Artois anobli. Après des études à l'école d'artillerie de La Fère, puis au Corps royal d'artillerie, il fut nommé sous-lieutenant (1761), séjourna dans diverses garnisons (La Rochelle, Strasbourg, Grenoble, Besançon) et gravit les échelons de la hiérarchie, tout en publiant dans des revues des petites pièces galantes et des contes érotiques (le Bon Choix) et en tirant d'une nouvelle de Mme Riccoboni, Ernestine, un opéra-comique qui ne fut joué qu'une seule fois (1777). C'est alors qu'il était chargé de la fortification de l'île d'Aix qu'il commença à rédiger les Liaisons dangereuses, qu'il acheva durant un congé à Paris : le livre parut au printemps de 1782 et connut un immense succès. À cette époque, Laclos entreprit, pour répondre à un concours de l'académie de Châlons-sur-Marne sur l'éducation des femmes, un essai théorique où il affirme sa dette à l'égard de Rousseau et où il développe des vues féministes sur l'égalité des sexes : ces pages inachevées peuvent éclairer le roman. Cependant, sa Lettre à Messieurs de l'Académie française sur l'éloge de Vauban, qui attaquait la mémoire de Vauban et mettait en cause ses méthodes de fortification, lui valut une sanction administrative. Lorsque éclata la Révolution, il fréquenta plusieurs clubs et se trouva au centre des entreprises du duc d'Orléans, qu'il accompagna à Londres (Exposé de la conduite de M. le duc d'Orléans, 1790). Journaliste, membre du club des Jacobins, il reprit en 1792 des fonctions militaires, puis fut incarcéré en 1793. Thermidor le libéra. Après avoir tenté d'entrer dans la diplomatie et de fonder une banque, il fut nommé par Bonaparte général de brigade (1800). Il publia cependant un compte rendu du voyage de La Pérouse et rédigea des Observations sur le Fils naturel, où il envisage un pendant vertueux aux Liaisons dangereuses. Il rencontra peut-être Stendhal à Milan en 1801 et mourut d'épidémie à Tarente.
L'homme d'un seul livre : les Liaisons dangereuses
Le succès de scandale qu'eurent dès leur parution les Liaisons dangereuses a conduit à regarder le roman comme un chef-d'œuvre de libertinage et d'immoralisme, et à imaginer l'auteur à l'instar de son personnage principal, le séducteur Valmont : les lecteurs de 1782 cherchèrent les « clefs » du roman et des recherches érudites ont été entreprises pour retrouver dans les garnisons fréquentées par Laclos les intrigues qui lui auraient servi de modèle. Le caractère unique d'un livre dont la réussite n'a rien de commun avec les autres textes en vers ou en prose sortis de la plume de son auteur rend son interprétation difficile. Mais rien n'autorise à imaginer une part directement autobiographique dans un roman où le poids de la tradition romanesque est grand. Laclos s'inscrit dans le sillage de Crébillon, de Richardson et, surtout, de l'auteur de la Nouvelle Héloïse. La volonté de dénoncer le libertinage mondain et aristocratique va de pair avec un sens du scandale et une recherche de l'effet. Laclos reprend à la littérature de son temps des personnages et des situations connus : Valmont est un séducteur à la manière de Lovelace ; Mme de Merteuil, une femme de tête sans préjugés ; Cécile, une jeune fille naïve qui sort de son couvent ; Danceny, son équivalent masculin ; la présidente de Tourvel, une épouse religieuse et vertueuse, capable d'héroïsme amoureux. Le mérite des Liaisons dangereuses est d'utiliser le genre épistolaire dans toutes ses ressources et d'avoir imaginé une double et paradoxale revanche de l'amour sur les principes libertins et religieux. Le roman reste en équilibre entre les deux figures féminines de Merteuil et de Tourvel, entre le machiavélisme féministe de l'une et le dévouement amoureux de la seconde. L'ironie du texte l'empêche de s'achever sur un dénouement univoque, et l'ironie constante qui plane sur l'intrigue explique la puissance du mythe qu'il a suscité.