Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Java (suite)

La littérature islamo-javanaise (XVe-XVIIIe s.)

C'est sur la « côte » (Pasisir) du nord de Java qu'elle se développe, dans ces centres urbains cosmopolites que sont les principautés islamiques de Gresik, Demak, Cirebon, Banten. Une de ses œuvres les plus significatives est l'adaptation des aventures d'Amir Hamzah (ou Menak), l'oncle du Prophète. Les nombreux recueils de connaissances religieuses (primbon) sont souvent marqués par le soufisme et incorporent des « chants mystiques » (suluk), attribués aux propagateurs semi-légendaires de l'islam à Java (les Wali Sanga, « Neuf Saints »). La morale islamique inspire aussi diverses adaptations de codes de conduite individuelle. On rassemble, en outre, les traditions locales dans les « livres d'histoires » (serat kandha) et des chroniques (babad) où le merveilleux le dispute à la reconstitution historique.

La « renaissance » des principautés du centre

À partir de 1755, deux « centres culturels », Surakarta et Jogjakarta, se partagent l'héritage du sultanat de Mataram ; les poètes de cour ou pujangga (Yasadipura père et fils, Ranggawarsita) et parfois les souverains eux-mêmes (Mangkunegara IV) remettent à l'honneur les grands textes de la tradition indo-javanaise dans des versions modernisées (style poétique appelé kawi miring). Cette renaissance participe notamment d'intentions encyclopédiques (tableau d'ensemble des connaissances javanaises, comme dans le Serat Centhini), mystico-religieuses (synthèse originale des mystiques indienne et islamique) et moralisatrices (éthique « chevaleresque » et modèle social strictement hiérarchisé). La cour réglemente toutes les formes d'expression artistique : le wayang (théâtre d'ombres) et ses formes dérivées font notamment l'objet d'une codification toujours en vigueur de nos jours.

La littérature contemporaine

Les progrès de l'école au début du XXe s., joints au développement de la presse et à la diffusion du livre, ont engendré un besoin important en textes de lecture courante : les auteurs (à partir de Padmasusastra) abandonnent les formes d'expression traditionnelles, surtout destinées à la lecture à haute voix, pour le récit en prose ; la latinisation de l'écriture rapproche le roman javanais de son modèle malais influencé par l'Occident. Mais l'essor littéraire de la fin de la période coloniale est considérablement freiné aux lendemains de l'indépendance (1945), précisément par les progrès du malais (indonésien). Si l'on publie peu en javanais de nos jours, en revanche, la tradition orale, souvent transposée à la télévision (mise en scène de légendes et surtout théâtre wayang et kethoprak), demeure bien vivante.

Javorov (Peju Kracolov, dit Peju)

Poète bulgare (Cirpan 1878 – Sofia 1914).

Peu d'œuvres littéraires ont aussi fidèlement reflété la vie d'une personnalité puissante, mais destinée à une fin tragique. « J'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies », dit un des protagonistes de sa pièce autobiographique Au pied de la Vitosa (1911). Six années plus tôt, Javorov avait rencontré Mina Todorova et avait écrit pour elle des recueils passionnés (Insomnies, 1907 ; Derrière les ombres des nuages, 1910). Après la mort prématurée de Mina, le poète se lie à Lora Karavelova, femme brillante et cultivée. Ils se marient, mais, pour des raisons obscures, Lora met fin à ses jours en 1913. Un an plus tard, Javorov se suicide à son tour. Dans tous les actes de sa vie, le poète n'aura pas connu de demi-mesures : lorsque la Macédoine s'était soulevée pour rejeter le joug turc, il avait combattu dans les rangs des insurgés (Chants des Hajduk, 1903). Son baptême de poète lui avait été donné par Penco Slavejkov, le chef spirituel du cercle de la revue la Pensée, l'avant-garde littéraire de l'époque : avec Chant à ma chanson (1903), Javorov avait inauguré le symbolisme bulgare, dont il resta un des représentants les plus brillants, ne cessant d'exprimer, dans des vers plastiques et musicaux, la vision d'une âme tourmentée par la souffrance et déchirée par le désespoir.

Jawahiri (Muhammad Mahdi al-)

Poète irakien (Najaf 1900 – 1997).

La poésie de ce militant de gauche, journaliste à Bagdad, est de facture traditionnelle, néoclassique. Elle dit la misère de son peuple, refuse le compromis et chante les valeurs de la solidarité humaine (Dîwân al-Jawâhirî, 1928-1935).

Jay (Antoine)

Journaliste et écrivain français (Guîtres, Guyenne, 1770 – Chabreville, Gironde, 1854).

Il fonde l'Indépendant (1815), qui deviendra le Constitutionnel puis la Minerve (1818). De là une prédilection pour les écrits à caractère informatif et satirique – il participa à la saga de l'Hermite de Jouy avec les Hermites en prison (1823) et les Hermites en liberté (1829) – en prise sur le réel et qui en firent un ennemi de la nouvelle école, qu'il ridiculisa dans un pamphlet dirigé contre le Joseph Delorme de Sainte-Beuve (Conversion d'un romantique, 1830).

Jayadeva

Poète indien de langue sanskrite (XIIe-XIIIe s.).

Originaire de Kindubilva, au Bengale, il composa la Gita Govinda (Chant du bouvier), qui célèbre les amours du dieu Krisna et de la bergère Radha et influença toute la littérature médiévale du nord de l'Inde.

Jean (Raymond)

Écrivain français (Marseille 1925).

Professeur d'université, collaborateur du Monde, de la Quinzaine littéraire et d'Europe, il a publié des essais critiques (la Littérature et le Réel, 1965 ; la Poétique du désir, 1974 ; Un portrait de Sade, 1989 ; le Dessus et le Dessous ou l'Érotique de Mirabeau, 1997), mais aussi des récits politiques, s'intéressant aux États-Unis (les Ruines de New York, 1959), au Maroc postcolonial (la Conférence, 1961), aux pays de l'Est (les Deux Printemps, 1971), au tiers-monde, au Proche-Orient, aux banlieues (la Ligne 12, 1973). Ses romans mettent en scène le pouvoir érotique de la lecture (la Lectrice, 1986) et la jouissance de l'écriture (Mademoiselle Bovary, 1991). Derniers titres : l'Attachée (1993), la Cafetière (1995).

Jean Bodel

Poète picard (vers 1165 – v. 1210).

Trouvère de la confrérie des jongleurs d'Arras, il fut vraisemblablement attaché comme sergent à l'échevinage. Au moment de s'engager pour la quatrième croisade, il fut atteint de la lèpre et mourut dans une léproserie près d'Arras. Auteur d'une œuvre composite, il a marqué de son talent original plusieurs genres littéraires : la chanson de geste avec la Chanson des Saisnes (fin XIIe s.) en 7 000 alexandrins, où il mêle au sujet épique (la guerre de Charlemagne contre les Saxons) une thématique amoureuse d'allure romanesque (les amours des Saxonnes et des Français) et le réalisme bourgeois ; le jeu dramatique, avec le Jeu de saint Nicolas (vers 1200), alliant un thème épique et un thème hagiographique. Reprenant une légende déjà mise en scène en latin par Hilarius, la pièce a pour originalité d'inverser l'image de la croisade, en faisant d'Arras une ville sarrasine. En trois « actes », un émir païen va se convertir grâce à une statuette miraculeuse qui le remet en possession de son trésor volé. Merveilleux (apparitions des anges et de saint Nicolas), mouvement épique (qui fait écho à la préparation de la quatrième croisade) et scènes de taverne font de cette pièce une œuvre complexe qui « met en jeu » toutes les valeurs de l'époque. Jean Bodel est aussi l'auteur de 9 fabliaux caractérisés par un mélange de satire et de réalisme. Il a renouvelé en outre le genre de la pastourelle, sans s'éloigner pourtant du cadre habituel des échanges galants entre une bergère et un pâtre, mais en privilégiant le type du bourgeois-paysan au détriment du type aristocratique, et en insérant dans l'une d'elles une intention politique. Il est enfin à l'origine des Congés, composés de 45 strophes en douzains d'octosyllabes, qu'il a écrits au moment de se retirer dans une léproserie. Il y fait ses adieux à son entourage, déplore sa vie passée, adresse des prières. Ce genre poétique fut imité par Baude Fastoul, par Adam de la Halle et même par Villon.