Augier (Émile)
Auteur dramatique français (Valence, Drôme, 1820 – Paris 1889).
Ses premières pièces (la Ciguë, 1844) le situent dans la mouvance de l'« école du bon sens » de Ponsard. Mais il se tourne rapidement vers la comédie de mœurs, qui restera sa veine propre, tout au long de sa carrière fertile et jalonnée de succès (il est élu à l'Académie en 1857). Reprenant la formule de la « pièce bien faite » élaborée par Scribe, il s'efforce de la renouveler en dotant ses pièces d'une portée politique et sociale : le Gendre de M. Poirier (en collaboration avec Jules Sandeau, 1854) est une sorte de Bourgeois gentilhomme du XIXe siècle ; le Mariage d'Olympe (1855) répond aux thèses de réhabilitation de la femme « perdue » développées par A. Dumas dans la Dame aux camélias ; le fils de Giboyer (1862) est une charge contre le cléricalisme des légitimistes. Mais l'audace reste limitée et si certaines pièces firent scandale (les Lionnes pauvres, 1858, mise en scène de la prostitution bourgeoise), Augier reste le porte-parole de la bourgeoisie toute-puissante et l'apologiste de ses valeurs. À défaut d'avoir été, comme il l'ambitionnait, le Molière du XIXe siècle, il a ouvert la voie au théâtre plus corrosif d'Henri Becque et d'Octave Mirbeau.
Augiéras (François)
Écrivain et peintre (Rochester 1925 – Domme 1971).
Grand voyageur, mystique, provocateur et rebelle, il publie sous le pseudonyme de A. Chaamba le Vieillard et l'Enfant (1954), puis, sous son vrai nom, Zirara (1958), le Voyage des morts (1959), l'Apprenti sorcier (1964), Une adolescence au temps du maréchal (1968). On lui doit aussi, posthume, Domme ou l'esprit d'occupation (1982). Son œuvre est traversée par la recherche de l'union de l'homme au cosmos.
Augustin (saint)
Père de l'Église latine (Thagaste, Numidie, 354 – Hippone 430).
Ce Berbère romanisé devint, après de brillantes études à Carthage, professeur d'éloquence dans cette ville, qu'il devait quitter plus tard pour Rome, puis pour Milan. Intellectuel passionné de théâtre et d'esthétique (il écrivit plusieurs pièces, malheureusement disparues tout comme son traité sur le Beau), il découvrit la philosophie en lisant l'Hortensius de Cicéron, puis devint un adepte du manichéisme et un membre actif de cette Église, qui finit par le décevoir. Il connut alors une profonde crise spirituelle et, sous l'influence de saint Ambroise, évêque de Milan, qui proposait une séduisante lecture néoplatonicienne de la Bible, il se convertit intellectuellement au christianisme ; en août 386, il décida de renoncer au monde pour « se convertir », c'est-à-dire « se tourner » vers Dieu seul. Retourné dans sa ville natale, il y mena de 388 à 391 une vie monastique, puis, lors d'une visite à l'évêché d'Hippone (aujourd'hui Annaba), il fut ordonné prêtre par la volonté populaire et, à son corps défendant, élu évêque en 396. Tout en s'occupant activement du diocèse d'Hippone, il mena une lutte incessante contre les hérésies, avant de mourir en 430 dans sa ville assiégée par les Vandales.
L'œuvre littéraire de saint Augustin, enracinée dans l'Écriture sainte (on a pu y relever 13 276 citations explicites de l'Ancien Testament et 29 540 du Nouveau) et rompue à toutes les subtilités de la rhétorique latine, est d'une ampleur qu'on a pu qualifier de « démesurée ». Plus de 100 traités (comprenant le plus souvent plusieurs livres) de théologie (De doctrina christiana, De Trinitate...), de polémique (contre les manichéens, les pélagiens, les donatistes...) et d'exégèse répondent aux multiples questions doctrinales qui divisaient les chrétiens, et cet enseignement dogmatique se retrouve dans ses Sermons (plus de 700), à la langue volontairement très simple et proche du latin parlé, et dans sa Correspondance (300 lettres environ), le tout comptant plusieurs milliers de pages. Il a emprunté à Cicéron la forme du dialogue philosophique dans ses Dialogues, composés peu avant son baptême, et complétés par les Soliloques où il renouvelle le genre en dialoguant avec lui-même. De cette œuvre gigantesque, dominée par un thème récurrent qui est celui de la « prédestination » (dont Augustin fut le théoricien le plus accompli), se détachent deux ouvrages fondamentaux, qui suffiraient à faire de lui l'un des plus grands écrivains latins.
Dans les Confessions, ouvrage en 13 livres écrit de 397 à 401, Augustin tout à la fois confesse (au sens de « avoue ») ses erreurs de jeunesse et confesse (au sens de « proclame ») la grandeur de Dieu – notamment dans les trois derniers livres, qui sont en fait un commentaire de la Genèse. Génériquement inclassable (c'est une autobiographie, la première de l'histoire littéraire, mais ce n'est pas seulement cela) et stylistiquement très composite, cet ouvrage conjointement narratif, lyrique et philosophique relate le cheminement intellectuel et moral d'Augustin vers la « conversion », qu'il faut entendre au sens latin de « retournement » vers Dieu. Les Confessions sont donc avant tout le récit d'une aventure spirituelle et la description des cheminements de la Grâce divine, sans laquelle, montre Augustin, jamais il n'aurait pu s'arracher au monde et à ses séductions. La personnalité passionnée d'Augustin, l'analyse sans concessions de ses faiblesses, la finesse de ses notations psychologiques confèrent à ce livre, unique en son genre dans la littérature antique, une étonnante modernité.
La Cité de Dieu, ouvrage en 22 livres rédigés dans un latin très classique de 413 à 427, a pour but de répondre aux païens qui accusaient les chrétiens d'être responsables de la prise de Rome par les Barbares en 410. Dans cet ouvrage à la fois historique, philosophique et métaphysique, Augustin place l'existence humaine dans la perspective de l'éternité. Après une condamnation du polythéisme qui, montre-t-il, n'est pour rien dans la grandeur antérieure de Rome, et une analyse critique de la philosophie profane (I-X), Augustin construit un système chrétien du monde à travers une réflexion sur le temps lié à la création et sur l'éclatement primitif de la cité céleste (anges/démons), qui contient en germe les caractéristiques de la cité terrestre fondée sur le mal, la mort et le péché (XI-XIV). Il brosse ensuite une histoire du monde (XV-XVIII) qui introduit à une réflexion sur le bonheur (impossible ici-bas) et à une évocation de la fin des temps, où le Christ condamnera la cité terrestre au néant et offrira aux justes la béatitude de la cité céleste (XIX-XXII). Jouant pour l'humanité tout entière le rôle que les Confessions tiennent au plan de l'individu (dans les deux cas, la Grâce divine est toute-puissante), cette œuvre monumentale a influencé profondément la réflexion théologique, historique et politique des siècles suivants.