Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

Kjellgren (Josef)

Écrivain suédois (Mörkö 1907 – Stockholm 1948).

Dans la mouvance du courant dit « prolétaire », il ne voulut pas, d'abord, dissocier l'action (il fut marin) de l'écriture. Dans ses nombreux romans (Des hommes et un pont, 1935 ; la tétralogie de l'Émeraude, 1933-1940), il ne sépare pas la description pathétique du monde du travail, l'exaltation de la nature, dépeinte avec réalisme, et la réflexion souvent courageuse sur les grandes options politiques de notre siècle.

K'ldiachvili (Davit Samsonis dze)

Écrivain géorgien (Simoneti, rég. de Terdjola, 1862 – id. 1931).

Fils de nobles imérétiens désargentés, il sert dans l'armée russe et se lie aux milieux progressistes (1882-1907). Ses nouvelles dépeignent le déclin des « princes de l'automne », « chemodgomis aznaurebi » (Solomon Morbeladze, 1894 ; la Marâtre de Samanichvili, 1897 ; le Malheur de K'amuchadze, 1900), l'arriération et la misère des paysans (la Victime, 1894), thèmes repris dans ses pièces de théâtre (le Bonheur d'Irène, 1897 ; les Malheurs de Darisp'an(i), 1903).

K'ldiachvili (Sergo Davitis dze)

Écrivain géorgien (Simoneti 1893 – Tbilisi 1986), fils de Davit Samsonis dze K'ldiachvili.

Il délaisse le symbolisme des Tsisperi q'ants'ebi, dont il a été l'un des fondateurs, pour célébrer dans des romans réalistes le bouleversement des campagnes et la révolution intellectuelle (perpli Cendres, 1932). Il est aussi l'auteur de nouvelles historiques (Récits svanes, 1935), et de drames patriotiques (le Défilé du cerf, 1944).

Klein (Abraham Moses)

Écrivain canadien d'expression anglaise (Montréal 1909 – id. 1972).

Bilingue, nourri de culture judaïque, diplômé de McGill University et de l'université de Montréal, il incarne la rencontre des civilisations et des traditions, dès ses premiers poèmes publiés dans l'anthologie Nouvelles Provinces (1936), puis dans ses recueils N'eût un juif (1940), l'Hitlériade (1944), le Fauteuil à bascule (1948). Son roman le Deuxième Rouleau (1951) expose une symbolique judaïque. L'ensemble de l'œuvre (Poèmes complets, 1974) est une célébration érudite de la création.

Klein (Gérard)

Écrivain français (Neuilly-sur-Seine 1937).

Parallèlement à ses études en sciences politiques, en psychologie et en économie, il écrit un premier roman, le Gambit des étoiles (1958), et publie un recueil de nouvelles, les Perles du temps (1958), où se décèle l'influence de Ray Bradbury. La guerre d'Algérie, qui l'a profondément marqué, lui inspire Le temps n'a pas d'odeur (1963) et les Seigneurs de la guerre (1971). En 1969, il lance chez Robert Laffont l'ambitieuse collection « Ailleurs et Demain » destinée à toucher un public cultivé jusqu'alors peu sensible à la science-fiction. Économiste, anthologiste, scénariste et traducteur, Klein est également l'auteur de romans populaires, d'abord parus sous le pseudonyme de Gilles d'Argyre (les Tueurs de temps, 1965 ; le Sceptre du hasard, 1968).

Kleist (Ewald Christian von)

Poète allemand (Zeblin, Poméranie, 1715 – Francfort-sur-l'Oder 1759).

Officier dans l'armée danoise puis dans l'armée prussienne, il fut mortellement blessé à Kunersdorf. Lessing le représenta sous les traits du major Tellheim dans Minna von Barnhelm. Auteur de pièces anacréontiques, il eut un grand succès avec un poème descriptif en hexamètres iambiques, le Printemps (1749), inspiré de Thomson et de Klopstock : à travers une multitude de scènes idylliques y perce un sentiment préromantique de la nature. E. C. von Kleist est également l'auteur de chants patriotiques et d'une épopée, Cissides et Paches (1759).

Kleist (Heinrich von)

Écrivain allemand (Francfort-sur-l'Oder 1777 – Wannsee, près de Berlin, 1811).

Issu d'une vieille famille de gentilshommes prussiens, il entre dans l'armée à 15 ans, mais la quitte en 1799 pour entreprendre des études de sciences et de droit, bientôt abandonnées pour des velléités de vie professionnelle et d'incessants voyages à travers une Europe bouleversée par les guerres napoléoniennes. Il a tragiquement accumulé les contradictions et les bizarreries, et mis fin à une vie jalonnée de ruptures, de fuites et d'échecs par un double suicide, entraînant avec lui son amie Henriette Vogel. Kleist n'a publié qu'au cours des trois dernières années de sa vie des manuscrits sans cesse corrigés, abandonnés, repris et remaniés. Son premier drame, la Famille Schroffenstein, est réécrit trois fois entre 1800 et 1803 ; son Robert Guiscard, duc des Normands, entrepris en 1801, brûlé, puis réécrit, est publié en 1808 sous forme de fragment, comme le plus célèbre de ses récits, Michael Kohlhaas, commencé en 1805, achevé et publié en 1810. Cette nouvelle, inspirée d'événements du XVIe s., montre, avec un détachement et une minutie qui faisaient l'admiration de Kafka, l'engrenage de l'injustice et de la violence à travers l'histoire d'un marchand de chevaux. Ne pouvant obtenir réparation du tort que lui a infligé un hobereau saxon, celui-ci prend la tête d'une bande de hors-la-loi et dévaste toute une région. Il sera arrêté et décapité après restitution de ses chevaux, prétexte dérisoire de malheurs incommensurables dont on ne sait plus pour finir à qui imputer la faute. Entre 1806 et 1811, Kleist achève six pièces de théâtre que le public de son temps a méconnues ou ignorées, mais qui se sont progressivement imposées depuis la publication des œuvres posthumes, en 1821, par Tieck, comme des œuvres majeures de la littérature allemande. La Cruche cassée, retraçant les tribulations d'un juge chargé d'enquêter sur un délit dont il est lui-même coupable, transpose sur le mode burlesque le motif d'Œdipe roi, tandis qu'Amphitryon reprend sur le mode dramatique celui de la comédie de Molière. La Petite Catherine de Heilbronn, tirée d'une légende médiévale, et Penthésilée, adaptée du mythe des Amazones, représentent les rêves et les cauchemars qui hantent l'âme aveuglée par la passion. La Bataille d'Arminius, pièce engagée dans la lutte contre l'envahisseur français, assimilée à celle des Germains contre Rome, est animée d'un patriotisme à la fois ardent et lucide, comme le Prince de Hombourg, un des drames les plus riches et les plus complexes du répertoire classique allemand. Après s'être vu en songe couronné de gloire, Frédéric de Hombourg improvise, sans respecter les plans de l'Électeur de Brandebourg, l'assaut grâce auquel son camp remporte en 1675 la victoire de Fehrbellin. Condamné à mort pour désobéissance, le prince échappe à son châtiment après une dramatique prise de conscience déclenchée par la vue de son tombeau. Longtemps considérée comme une apologie de l'esprit de discipline, cette pièce apparaît aujourd'hui comme une illustration de la dialectique unissant faute et rédemption, rêve et conscience, réflexion et action. Kleist est aussi l'auteur de nouvelles remarquables par leur concision et leur tension dramatique : le Tremblement de terre du Chili (1807), Fiançailles à Saint-Domingue (1811), l'Enfant trouvé (1811) évoquent des situations limites où l'ironie du sort et l'aveuglement des hommes tissent d'inextricables pièges. L'ingénieux récit imaginé par Kleist à partir d'une anecdote de Montaigne dans la Marquise d'O... (1808) invite au réexamen des notions de culpabilité, d'honneur et de bienséance. La marquise, jeune veuve « d'excellente réputation », échappe à une tentative de viol grâce à l'intervention d'un officier russe ; mais celui-ci profite d'un évanouissement de celle qu'il a sauvée pour abuser d'elle. Son curieux empressement à vouloir l'épouser, puis l'inexplicable grossesse de la marquise précipitent la jeune femme et sa famille dans une confusion que le coupable ne dissipera qu'en reconnaissant sa paternité, en épousant la marquise et en gagnant peu à peu son pardon par la sincérité de son amour et de son repentir. Les problèmes moraux exposés dans ces drames et dans ces nouvelles procèdent à la fois d'une interprétation pessimiste de Kant, des spéculations théosophiques de G. H. Schubert et d'une vision personnelle du monde qui, tout en s'inscrivant dans le courant romantique, devance de très loin la sensibilité du début du XIXe s.

   Le prix Kleist, créé en 1911 pour récompenser et promouvoir de jeunes écrivains de langue allemande, a distingué de 1912 à 1932 quelques-uns des meilleurs auteurs du XXe s. : B. Brecht, R. Musil, A. Seghers, Ö. von Horváth. Recréé en 1985, il fut attribué à A. Kluge, T. Brasch, H. Müller, M. Maron.