Erben (Karel Jaromír)
Ethnographe, historien et poète tchèque (Miletín 1811 – Prague 1870).
Occupant une place importante dans l'ethnographie tchèque par ses études, ses recueils de chansons populaires et de contes, c'est en tant que créateur d'une poésie novatrice qu'il atteint à la célébrité, avec son Bouquet de légendes nationales (1853) : composée de douze ballades inspirées de sources populaires, cette œuvre, de tonalité romantique, inspirera des musiciens comme Dvořák et des écrivains comme Neruda, Wolker et Durych.
Erbil (Leylâ)
Écrivain turc (Istanbul 1931).
Nouvelliste et romancière très novatrice à l'aube des années 1960, elle aborde des sujets intimes et violents qui, tout en reflétant les contradictions de l'individu, traduisent le désarroi de la Turquie contemporaine (De nuit, 1968 ; Une femme étrange, 1971 ; Jour d'obscurité, 1985).
Ercilla (Alonso de)
Poète espagnol (Madrid 1533 – id. 1594).
Composé de 37 chants écrits en octaves, son grand poème épique La Araucana, publié en trois parties (1569-1578-1589), réédité une vingtaine de fois jusqu'en 1600, intègre dans l'épopée nationale contemporaine la geste des Araucans du Chili qui s'étaient révoltés contre les Espagnols, et, participant au projet de glorification du peuple espagnol, de son roi et de sa langue, évoque les grands exploits européens du règne de Philippe II.
Erckmann-Chatrian
Signature de deux écrivains français d'Alsace, Émile Erckmann (Phalsbourg 1822 – Lunéville 1899) et Alexandre Chatrian (Abreschviller 1826 – Villemomble 1890).
De 1848 à 1887, leur abondante production leur valut nombre de succès de librairie. Ils ont eux-mêmes regroupé leurs romans en plusieurs recueils. Les Romans nationaux forment une vaste fresque retraçant les campagnes de la République et de l'Empire vues par le petit peuple alsacien : l'Invasion ou le Fou Yegof (1862), Madame Thérèse (1863), Histoire d'un conscrit de 1813 (1864), Waterloo (1865), Histoire d'un paysan (1868-1870), qui surprennent par leur antimilitarisme et leur refus du mythe napoléonien, mêlé cependant à un patriotisme très sensible. L'Ami Fritz (1864) est le plus connu des Contes et Romans populaires (1867) : racontant l'amour naissant de Fritz Kobus, célibataire endurci, pour une jeune paysanne, le roman repose sur un habile mélange – peinture réaliste de la vieille Alsace et naïveté du conte – qui fit son succès. Après l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne (1871), la popularité des deux hommes s'accrut encore avec les adaptations théâtrales de leurs œuvres par Chatrian (l'Ami Fritz, 1876 ; les Rantzau, 1882), malgré l'interdiction par J. Ferry des Fiancés d'Alsace (1880). En 1887, les deux écrivains, séparés par leurs divergences politiques (Chatrian, « revanchard », s'oriente vers les partis conservateurs) et par des questions d'argent, cessèrent toute collaboration.
Erdrich (Louise)
Romancière américaine (Little Falls, Minnesota, 1954).
La trilogie Médecine d'amour (1984), la Reine des betteraves (1986) et Voies (1988) ouvre la saga des Indiens Chippewa du Dakota du Nord, racontée à travers plusieurs familles d'une même réserve. Les questions d'identité collective et individuelle sont soulignées par la multiplication des voix narratives, alors que l'importance de la tradition orale dans la permanence de la mémoire est constamment rappelée. Dans une subversion habile des personnages emblématiques de l'Indien qui émaillent la littérature américaine, Erdrich évoque avec humour les particularismes d'une communauté encore peu connue (le Palais du loto, 1994 ; la Danse du geai, 1995).
Eristavi (Giorgi Davitis dze)
Dramaturge géorgien (Odzisi, rég. de Ducheti, 1813 – Gori 1864).
Exilé pour avoir pris part à la conspiration de 1832 contre le tsar, il apprend à Vilno le polonais, y découvre la littérature occidentale, compose des vers empreints de nostalgie et ne rentre en Géorgie qu'en 1842. Il y fonde en 1853 la première revue littéraire, Tsisk'ari (l'Aube), et un théâtre pour lequel il écrit en langue populaire des comédies sur le déclin de la société patriarcale (le Partage, 1849 ; l'Avare, 1850).
Eristavi (Rapiel Davitis dze)
Écrivain géorgien (Kvemo Tch'ala, rég. de K'asp'i, 1824 – Telavi 1901).
Descendant d'une famille princière, il passe son enfance dans la montagne. Lexicographe et folkloriste, il recueille les traditions de Xevsurétie, de Pchavie, de Tuchétie et de Svanétie, d'Imérétie et de K'axétie et fonde un Musée historique et ethnographique du Caucase. Sa poésie, lyrique, exalte le passé géorgien (la Bataille d'Asp'indza, 1880 ; la Langue maternelle) et la vie des montagnards (la Patrie du Xevsur, 1881). Sous l'influence des tergdaleulebi, il s'ouvre aussi à une thématique sociale (le Mendiant, 1859 ; les Pensées de Sesia ; la Tristesse de Tandila, 1882).
Ernaux (Annie)
Romancière française (Lillebonne 1940).
Des Armoires vides (1974) à la Honte (1997) en passant par Ce qu'ils disent ou rien (1977), la Femme gelée (1981), la Place (prix Renaudot 1984), Une femme (1988) et l'Événement (2000), elle décrit, sans déploration mais avec une précision chirurgicale, la banalité d'une expérience commune : au fond du café-épicerie de ses parents, une adolescente échappe, avec une culpabilité douloureuse, aux déterminismes familiaux en accédant à la culture littéraire grâce à l'école. Sa langue toute en litotes et en ellipses explore et superpose les différents registres de l'oralité, populaire et distinguée. Dans ses derniers textes (Passion simple, 1992 ; Se perdre, 2001), Annie Ernaux se fait la diariste de plus en plus minimaliste et impudique de son expérience amoureuse, dans des « récits-vrais » sans concession, dont le style épuré se veut sans détours ni dérision protectrice au plus près des émotions et des sensations douloureuses.
Erofeïev (Victor)
Écrivain russe (Moscou 1947).
Dans sa jeunesse, il appartient aux cercles littéraires dissidents et proclame en 1990, dans un article qui fit date, la fin de la littérature soviétique. Son thème de prédilection est l'érotisme, considéré sous des angles différents, celui du sadisme par exemple dans les Perroquets (1988) ou la Vie avec un idiot (1991). Dans la Belle de Moscou (1990), une jeune provinciale, à la suite d'expériences sexuelles diverses, met au monde un enfant qu'elle a conçu d'un revenant : le sujet véritable du roman est la beauté, sa place dans le monde contemporain, sa force de salut. Considéré comme le chef de file du « post-modernisme » russe, Erofeïev a édité en 1995 une anthologie des Fleurs du mal russes consacrée à ses contemporains.