Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Ghéon (Henri Vangeon, dit Henri)

Écrivain français (Bray-sur-Marne 1875 – Paris 1944).

Poète, dramaturge, romancier, critique, et même peintre à ses heures (il lui arriva d'exposer au Salon d'automne), il publie ses premiers vers (Chansons d'aube, 1897) dans les années de « crise du symbolisme ». Proche du poète Viélé-Griffin, il est partisan du « vers libre intégral », collaborant comme critique au Mercure de France, à l'Ermitage, à la Revue blanche. Sa lecture enthousiaste des Nourritures terrestres le lie durablement à Gide, qu'il accompagne dans ses voyages en Algérie, et avec qui il fonde la Nouvelle Revue française en 1909. Défenseur du théâtre poétique et d'un nouveau classicisme (Nos directions, 1911), il se rapproche de Jacques Copeau, qui a créé ses premières pièces (le Pain, 1911 ; l'Eau de vie, 1913) au Vieux-Colombier. Sa conversion au catholicisme durant la Première Guerre mondiale (l'Homme né de la guerre, 1915) marque le début d'une nouvelle carrière (qui va progressivement l'éloigner de Gide et de ses amis), celle de dramaturge catholique militant. Copeau monte encore une belle pièce inspirée de la légende de saint Alexis dans la Légende dorée (le Pauvre sous l'escalier, 1920). Rêvant au théâtre médiéval, Ghéon fonde « les Compagnons de Notre-Dame » pour jouer ses œuvres (les Trois Miracles de sainte Cécile, 1922 ; le Comédien et la Grâce, 1925 ; le Mystère du feu vivant sur les Apôtres, 1937) et faire découvrir la tradition du théâtre religieux. Il publie parallèlement des romans (les Jeux du ciel et de l'enfer, 1929 ; les Détours imprévus, 1937) et des essais (Promenades avec Mozart, 1932 ; Sainte Thérèse de Lisieux, 1934).

Gheorghiu (Constant Virgil)

Écrivain d'expression roumaine et française (Rasboieni 1916 – Paris 1992).

Exilé en France (1948), il est ordonné prêtre dans l'Église orthodoxe. En 1950, il obtient un succès inattendu avec son roman la Vingt-Cinquième Heure, histoire rocambolesque d'un paysan roumain de Transylvanie qui parcourt une double expérience concentrationnaire dans les camps allemand et soviétique.

Ghil (René)

Poète français d'origine belge (Tourcoing 1862 – Niort 1925).

Théoricien du symbolisme autant que poète (Légende d'âmes et de sang, 1885), il lie aux sons des instruments et des couleurs, définissant une « langue-musique » attentive au Tout de l'univers. Poseur d'accents, de notes, un poète, au sens si haut qu'il prête à ce terme, a d'abord affaire à la musique et au timbre. Proche de Mallarmé, qui donne un « avant-dire » au Traité du verbe (1888), repris dans Crise de vers, il évolue solitaire dans la définition d'une poésie scientifique (1909), parfois voilée d'un didactisme jargonnant, et attentive au plus moderne de la vie (Zola, Verhaeren), qui sera mal comprise. Ses Œuvres complètes sont publiées à Paris en 1938.

Ghiorogly
(le Fils du tombeau)

Épopée populaire turkmène, en prose mêlée de vers.

Branche orientale du Kior-ogly, le poème se constitue à partir du XVIIe s., autour des exploits d'un chef populaire, né d'une femme morte. Maître de la forteresse de Tchandybil, il combat, à la tête de ses compagnons (Ovez, fils de boucher, Hassan, fils de forgeron), le sultan Arab-Reïkhan, ravisseur de sa tutrice Gül-Endam. Certaines versions associent à l'utopie sociale et aux motifs antiféodaux des épisodes romanesques et fabuleux (le mariage du héros et d'une péri, son cheval ailé Guyr-at, etc.).

Ghitani (Gamal al-)

Écrivain égyptien (Le Caire 1945).

Autodidacte devenu journaliste et correspondant de guerre du journal Akhbâr al-yawm (1969-1976), il est l'un des chefs de file de la « génération des années 1960 » qui, fortement politisée et rebelle, imposa en Égypte un renouvellement profond de l'écriture. Son œuvre puise au patrimoine ancien (Ibn Iyyâs, mystiques, voyageurs...), pour révéler le présent, maniant le pastiche et l'ironie. Il dénonce le despotisme d'aujourd'hui dans un roman pseudo-historique sur les Mamelouks, Zaynî Barakât (1974). Ses nouvelles (Papiers d'un homme qui vécut il y a mille ans, 1969 ; Terre-terre, 1972 ; Mention des faits, 1976) et ses romans (les Événements de la ruelle de Za'farânî, 1976 ; al-Rifâ'î, 1977 ; Risâla fî l-sabâba wa l-wajd, 1978 ; les Plans d'al-Ghîtânî, 1981 ; Kitâb al-tajalliyât, 1983 ; Risâlat al-basâ'ir fî l-masâ'ir, 1989 ; Hâtif al-maghîb, 1992) l'ont imposé comme l'un des écrivains les plus puissants et les plus novateurs de la littérature arabe contemporaine.

giallo

Ce genre littéraire s'est développé en Italie seulement après la Seconde Guerre mondiale, grâce surtout à l'œuvre de Giorgio Scerbanesco (dont À tous les râteliers, 1966, fut un succès mondial). Mais, hormis quelques rares expériences (comme celle de Fruttero & Lucentini), il faudra attendre la dernière décennie du siècle pour assister à une véritable explosion du « giallo » italien, qui retrouvera un large public grâce à Andrea Camilleri, mais aussi grâce à un groupe d'écrivains de la région de l'Émilie : Marcello Fois, Carlo Lucarelli, Loriano Macchiavelli, Giampiero Rigosi, Simona Vinci. Certains d'entre eux se sont regroupés au sein du « Groupe 13 », dont on peut lire une anthologie : les Crimes du groupe 13, 1992. Mais le renouveau du « polar » trouve aussi d'autres centres : Milan avec Andrea G. Pinketts, Naples avec G. Ferrandino. Cesare Battisti, qui mêle écriture de genre et expérience autobiographique (la lutte armée italienne des années 1970), est un autre « cas » issu de ces années.

Giannone (Pietro)

Écrivain italien (Ischitella, Foggia, 1676 – Turin 1748).

Philosophe illuministe, il dénonça les abus de l'Église dans l'Histoire civile du Royaume de Naples (1723), ce qui lui valut la prison. Il y écrivit son autobiographie, Vie de Pietro Giannone, chef-d'œuvre littéraire publié en 1905. Dans le Trirègne (publié en 1895), il alla jusqu'à condamner les dogmes de l'Église.

Giauque (Francis)

Poète suisse d'expression française (Prêle 1934 – Neuchâtel 1965).

Victime d'une angoisse insurmontable paralysant toutes ses activités, souvent interné, l'ami de Georges Haldas et de Hughes Richard fut un écorché vif qui se sentait proche de Nerval, de Crevel, d'Artaud. Passant le plus clair de son temps dans une chambre aux volets clos, enragé contre son sort qui ne lui permettait pas de vivre comme les autres ni, surtout, d'écrire l'œuvre qu'il portait en lui, il a laissé des poésies et des proses réunies en plaquettes (Parler seul, 1959, l'Ombre et la nuit, 1962, Terre de dénuement, 1968 et 1980, Journal d'enfer et autres poèmes inédits, 1984) qui disent sa souffrance avec une grande authenticité : « sentir passer chaque heure / comme un supplicié sent passer / le fouet dans sa chair » (Terre de dénuement).