Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Rancé (Armand Jean Le Bouthillier de)

Religieux français (Paris 1626 – Trappe de Soligny, près de Mortagne, 1700).

Filleul de Richelieu, brillant élève en théologie, il partagea ses premières années entre les plaisirs de la cour et ceux de la chasse. La mort (1657) de sa maîtresse la duchesse de Montbazon, puis celle de Gaston d'Orléans (1660) l'amenèrent à se convertir. Dès ce moment, sa vie devenue d'une extrême austérité frappa tous les esprits. Entré chez les Oratoriens, il se retira dans son abbaye cistercienne de Notre-Dame-de-la-Trappe. Soutenu par Bossuet, il polémiqua avec les bénédictins au sujet des études monastiques, qu'il condamnait, faisant du moine le spécialiste de l'ascétisme et de la méditation. Son influence spirituelle fut immense, soit qu'elle s'exerçât directement (Retz, Saint-Simon), soit qu'elle passât par une correspondance assidue et de multiples opuscules. Son portrait le plus célèbre est celui que Chateaubriand traça à la demande de son directeur de conscience, l'abbé Seguin (Vie de Rancé, 1844).

Ranelid (Björn)

Écrivain suédois (Malmö 1949).

La Nostalgie du paon vaut à l'auteur le Grand Prix de l'Académie suédoise en 1991. Il y a dépeint des destinées entrecroisées, des personnages baroques hauts en couleurs. D'une tout autre veine est Mon nom sera Stig Dagerman (1993), autobiographie imaginaire de l'écrivain suédois qui devait se suicider en 1954. Par une approche subjective et mimétique, Ranelid cherche à comprendre pourquoi cette voix s'est muée en silence.

Rangavis (Alexandre Rizos)

Écrivain grec (Constantinople 1809 – Athènes 1892).

Cosmopolite, polygraphe, ce représentant du romantisme phanariote est l'auteur du premier roman historique grec moderne, le Prince de Morée (1850), fortement influencé par Walter Scott.

Ranieri (Antonio)

Écrivain italien (Naples 1806 – id. 1888).

Contraint à l'exil pour ses idées libérales, il a contribué à diffuser en Italie les idées de Leopardi. On lui doit aussi un roman populiste (Geneviève ou l'orpheline de la Nunziata, 1839) et un roman éducatif (Frère Rocco, 1842).

Ransmayr (Christoph)

Écrivain autrichien (Wels 1954).

Dans une langue baroque, il déploye son obsession du déclin et conjure la nostalgie d'une terre inconnue dès ses premiers romans (Déclin rayonnant, 1982 ; les Effrois de la glace et des ténèbres, 1984). Dans le Dernier des mondes (1988), un périple de la raison au chaos, il pervertit les Métamorphoses d'Ovide. Le Syndrome de Kithara (1995), imagination fantasmatique d'une rééducation vengeresse, met en œuvre le plan Morgenthau et transforme un paysage alpin en inquiétante pré-civilisation.

Ransom (John Crowe)

Écrivain américain (Pulaski, Tennessee, 1888 – Gambier, Ohio, 1974).

Membre du groupe des Fugitives et du mouvement agrarien, il récuse l'idée que l'industrialisation est la seule issue pour le Sud. Son œuvre de critique (le Corps du monde, 1938), où se lit l'influence de Kant et de Bergson, et son activité à la direction de la Kenyon Review publiée de 1939 à 1959) font de lui une figure dominante de la Nouvelle Critique. Sa poésie (Poèmes choisis, 1945) joue sur l'esprit et l'ironie, sur la notation de la fragilité des choses et sur une alliance de la complexité intellectuelle et de la note émotionnelle.

Raoul de Cambrai

Chanson de geste de la fin du XIIe siècle, qui a conservé la trace d'événements du Xe siècle rapportés dans les Annales de Flodoard et dont une première forme a sans doute été élaborée autour des monastères de Saint-Geri et de Waulsort, est un témoin important des relations entre chansons de geste et histoire. Sa structure – une première partie rimée, de tonalité épique, une deuxième partie assonancée, tendant vers la chanson d'aventure – est aussi un excellent exemple de l'évolution de l'écriture épique. Située dans des lieux bien précis (et notamment l'abbaye d'Origny), cette histoire de vendetta entre deux lignages pour la possession du Vermandois, qui brise l'amitié entre Raoul de Cambrai et son écuyer Bernier, le fils bâtard d'Hugues de Vermandois, célèbre dans la violence les exigences antagonistes de l'amitié et du lignage, exalte et justifie le droit à la révolte des barons contre un pouvoir royal trop faible, et perpétue, d'une génération à l'autre, les mises à mort et les vengeances inassouvies.

Raoul de Houdenc

Poète français (début du XIIIe s.).

Auteur d'un roman à la manière de Chrétien de Troyes (Méraugis de Portlesguez), il composa aussi deux poèmes allégoriques (avant 1234), le Roman des Ailes, sur les devoirs de la chevalerie courtoise, et le Songe d'Enfer, qui passe en revue les vices.

Rapin (Nicolas)

Magistrat et écrivain français (Fontenay-le-Comte v. 1540 – Poitiers 1608).

Avocat de 1562 à 1569, vice-sénéchal de Fontenay de 1576 à 1585, nommé lieutenant-criminel à Paris en 1584, Rapin prit le parti des « politiques » (loyalistes ennemis de la Ligue). Après la victoire d'Henri IV, il rentra à Paris avec l'armée royale et reçut la charge de rétablir l'ordre dans la capitale, puis dans plusieurs provinces. En 1605, il se retira pour se consacrer à l'activité littéraire. Constituée de pièces écrites les unes en latin, les autres en français, l'œuvre de Rapin comporte, outre des traductions d'auteurs anciens (Ovide, Martial et surtout Horace), d'Italiens (l'Arioste) et de la Bible (Sept Psaumes pénitentiels traduits en 1588), un ensemble assez varié de pièces personnelles. C'est aux Plaisirs du gentilhomme champestre (1575), poème inspiré par les Plaisirs de la vie rustique de Pibrac, que le poète dut sa célébrité (quarante rééditions de 1575 à 1700). Outre des pièces amoureuses, les unes de veine gaillarde (la Douche, 1598), les autres d'inspiration néoplatonicienne (l'Amour philosophe, 1599) ou pétrarquiste comme les trois groupes de sonnets publiés en 1572, 1581 et dans l'édition posthume de ses œuvres, sa production poétique comporte essentiellement des pièces de circonstance. Ce poète est demeuré étranger aux courants baroque et maniériste, et sa véritable originalité consiste à avoir tenté, sans succès, de reprendre le projet de Baïf d'imposer dans la poésie française la pratique des vers mesurés à l'antique.