Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
T

Thovez (Enrico)

Écrivain et peintre italien (Turin 1869 – id. 1925).

Journaliste et critique, il publie des recueils poétiques, d'inspiration romantique, qui aspirent à une poésie mêlant sentiments éternels et réalité contemporaine (le Poème de l'adolescence, 1901 ; Poèmes d'amour et de mort, 1922 ; l'Arc d'Ulysse, 1921 ; le Passant et son empreinte, 1923 ; le Fil d'Ariane, 1924 ; la Roue d'Ixion, 1925).

Thucydide

Historien grec (Attique v. 460 – 399 av. J.-C. ?).

Thucydide appartient à une famille athénienne aristocratique, liée aux rois de Thrace. Il est l'auteur de l'Histoire de la guerre du Péloponnèse, ouvrage en 8 livres, inachevé, relatant un conflit qui a touché tout le monde grec en mettant aux prises Sparte et Athènes, auquel l'historien participa. Stratège en 424, il fut exilé pour vingt ans après la prise d'Amphipolis par les Spartiates. Écarté de la guerre, Thucydide en fait le récit depuis son début jusqu'en 411, dans une œuvre remaniée qui connaît des faits postérieurs. L'auteur entend faire une analyse rationnelle des événements et de leurs causes, en renonçant au merveilleux et à l'agrément du récit, pour donner le moyen de comprendre dans l'avenir les ressorts de l'action humaine qu'il met au centre de l'histoire, dans la permanence de la nature. L'examen des faits, la reconstitution des discours tels qu'ils ont dû être tenus, souvent opposés comme dans l'antilogique des sophistes, sont les outils de la recherche et de l'exposition de la vérité que veut livrer Thucydide. Historien de la raison, il témoigne des modes de pensée du Ve siècle av. J.-C., et l'on a remarqué combien il était proche des modèles d'analyse de la médecine hippocratique. Peignant l'impérialisme athénien et ses conséquences, l'auteur suggère encore un idéal politique et moral qu'illustre Périclès. Dans l'Histoire de la guerre du Péloponnèse, l'Archéologie (I, 1-19) donne une vision de l'avancée du monde qui a suscité des débats ; l'Oraison funèbre prêtée à Périclès (II, 35-46) est une célébration de la grandeur d'Athènes autant qu'une leçon à retenir ; le tableau de la peste d'Athènes (II, 47-54), les analyses de la guerre civile qui gagne les cités grecques (III, 82-4), le discours de Diodote sur la peine de mort (III, 42-48), qui répond à celui de Cléon (37-40), lors de l'affaire de Mytilène, le récit de l'expédition de Sicile (VI, 42-VII) sont autant de pages célèbres.

Thurber (James)

Écrivain et dessinateur américain (Colombus, Ohio, 1894 – New York 1961).

Secrétaire de rédaction du New Yorker de 1927 à 1933 et collaborateur de la revue jusqu'à la fin des années 1950, il y publie des articles humoristiques, aux frontières de l'absurde, qu'il illustre lui-même. De la Chouette dans le grenier et autres perplexités (1931) à Alarmes et Diversions (1957), ses personnages masculins, désemparés devant les complexités de la vie, aux prises avec des épouses dominatrices, cherchent refuge dans un univers imaginaire dont ils sont les héros.

Tian Han

Dramaturge chinois (1898 – 1968).

Romantique dans les années 1920 (Mort d'une star, la Tragédie du lac), il rejoint la Ligue de gauche et le P.C.C., et se convertit au réalisme et au théâtre engagé (le Pont Marco Polo, 1937), sous la forme du huaju. Pendant la Révolution culturelle, ses différends passés avec Lu Xun lui valent la prison, où il meurt.

Tibet

La littérature tibétaine s'inscrit dans une tradition millénaire. Les premiers textes remontent au VIIe s. apr. J.-C., époque présumée de l'invention de l'écriture selon la tradition tibétaine. Par sa qualité, son originalité et son volume, la littérature du Pays des neiges compte parmi les plus importantes littératures d'Asie. Orale ou écrite, en prose ou en vers, elle aborde tous les domaines du savoir (religion, médecine, histoire, philosophie, etc.). La grande diversité des genres tout comme l'ampleur des œuvres (qui ont souvent un caractère encyclopédique) témoignent de l'éclectisme et de la prolixité des auteurs tibétains. Maîtres religieux hautement reconnus, ils sont également des grands érudits polyvalents. Les nombreux volumes de leurs œuvres complètes (gsung-'bum) comportent souvent plusieurs centaines de titres. Les aphorismes de Sa-skya pan-di-ta (XIIe s.), les chants de Mi-la ras-pa (XIVe s.), les poèmes du VIe dalaï-lama ou, encore, l'épopée de Gesar de Gling font déjà partie du patrimoine littéraire mondial.

   D'un point de vue diachronique, les étapes majeures de la littérature tibétaine coïncident avec les grandes périodes de l'histoire tibétaine. Selon la tradition, ces périodes sont les suivantes :

La période mythique ou prélittéraire (? – VIe s. apr. J.-C.)

On ne possède aucune information historique précise sur la période comprise entre l'origine mythique du Tibet et le VIe  s. apr. J.-C. Aucun document écrit ne nous est parvenu. Tout ce qu'on peut dire sur l'histoire de cette période prélittéraire repose sur des sources tardives. Selon ces sources, aucun système d'écriture n'existe au Tibet avant le VIIe s. En 632, l'empereur Srong-btsan sgam-po envoie en Inde Thon-mi Sam-bho-ta afin d'y apprendre une écriture pour la langue tibétaine. Le modèle adopté est l'écriture du Cachemire. Les sources tardives abondent en mythes et en légendes qui narrent les grands événements de la période prélittéraire au Tibet. On y retrouve le mythe de la naissance de la race tibétaine par l'union d'un singe avec une démone des rochers, la narration de l'origine du premier roi mythique gNya'-khri btsan-po tombé du ciel sur une montagne au sud-est du Tibet, etc. Les sources tardives attestent également l'importance socio-politique de la littérature orale au Tibet prélittéraire. Elles nous apprennent qu'à l'époque mythique les monarques tibétains gouvernaient par les sgrung (contes), les lde'u (énigmes) et le bon (un type de rituel), la narration rituelle des contes (mythes d'origines) et des énigmes (expression du pouvoir divinatoire du roi), et la pratique de rituels bon assurant l'harmonie cosmique et sociale du pays.

La littérature ancienne (VIIe IXe  s.)

Les premières sources écrites tibétaines remontent au VIIIe s., environ un siècle après la « création » de l'écriture et de la grammaire, et l'introduction du bouddhisme au Tibet sous le règne de l'empereur Srong-btsan sgam-po (629-650). Une faible partie de ces sources est épigraphique : édits, traités de paix, inscriptions politiques et militaires gravées sur des stèles tout d'abord, mais aussi sur des cloches et des rochers. Leur distribution géographique est assez circonscrite. Elles sont localisées au Tibet central, notamment entre la région de Lhassa et la vallée de Yar-lung, le centre du pouvoir politique pendant la période ancienne. L'inscription sur la stèle de Zhol, aux pieds du Potala, datée de l'année 767 (764, selon certaines sources), est l'écrit tibétain ancien le plus connu pour le moment. La stèle de bSams-yas (780 environ) est le document le plus ancien sur le bouddhisme au Tibet. L'inscription bilingue (tibétain-chinois) de 822 sur la stèle située hors du Jo-khang (la cathédrale de Lhassa) valide le traité de paix signé entre l'empire tibétain et la Chine des Tang après plus de 200 ans de relations conflictuelles. Outre les sources épigraphiques, une très grande partie des sources écrites tibétaines anciennes consiste en des manuscrits – du nom du site où ils ont été retrouvés – qui sont connus en Occident, tels les manuscrits tibétains de Dunhuang (MTD ; tib. yig rnying, « textes anciens »). On date l'ensemble de ces manuscrits entre le VIIIe et le Xe s. Les MTD sont les premiers documents authentiques que nous possédions.

Les manuscrits tibétains de Dunhuang (MTD)

Enfermés dans une des grottes du sanctuaire rupestre de Qian fo dong à Dunhuang (province chinoise du Gansu) depuis le début du XIe s., les manuscrits de Dunhuang sont découverts par hasard, à la fin du XIXe, pendant la restauration des peintures murales de l'ancien site religieux. Un moine taoïste découvre alors une bibliothèque murée contenant des milliers de manuscrits plurilingues (chinois, tibétain, khotanais, sogdiane, ouïgour) qu'il vend à des délégations étrangères (la mission sir Aurel Stein et la mission Paul Pelliot). Des portions moindres des manuscrits sont conservées à Leningrad, à Pékin et à Taibei. L'état de conservation des manuscrits est mauvais. Il s'agit souvent de fragments, ce qui rend le travail d'interprétation et de traduction très ardu. La question de savoir pourquoi et comment ces manuscrits ont été enfermés à Dunhuang reste irrésolue. Pour ce qui est des manuscrits en tibétain, on notera que le site de Dunhuang est très éloigné par rapport au centre du pouvoir tibétain, qui, à l'époque ancienne, siège dans la région de Lhassa. Pourquoi enfermer un tel trésor littéraire aux frontières de l'empire tibétain ? Les sources historiques à notre disposition ne répondent guère à cette question. On sait simplement que Dunhuang (garnison chinoise et étape fondamentale sur la Route de la soie à l'époque de l'empire tibétain ancien) tombe aux mains des Tibétains entre 787 et 851. Aucune mention des MTD n'est faite dans les sources tibétaines tardives. Parmi les MTD, on trouve des textes religieux aussi bien que laïques. La nervure bouddhiste (qui deviendra un trait spécifique de la littérature classique tibétaine) n'est pas une caractéristique déterminante de la littérature tibétaine ancienne. Le bouddhisme (qui vient d'être introduit au Tibet) est adopté et soutenu par une partie de la noblesse et de la cour, mais pas encore enraciné dans la population. Les MTD comportent des chants, des mythes et des légendes ancestrales, des textes de rituels bon, des textes divinatoires, des traités et dessins de médecine humaine et animale, des textes administratifs, commerciaux et juridiques, des aphorismes moraux en vers ou sous forme de proverbes. Certains textes sont bi-trilingues (par exemple chinois-tibétain). D'autres sont la transcription phonétique en écriture tibétaine de textes étrangers (le Livre des mille mots, par exemple, écrit en chinois avec une transcription phonétique tibétaine). On possède des adaptations de contes indiens (le Ramayana, le Roman de Rama) et chinois, des traductions ou des adaptations des textes canoniques indiens (de nombreux fragments du Sutra de la perfection de la sagesse) et des classiques chinois (le Livre des Shang ; le Classique de l'histoire, etc.). Des glossaires bilingues sino-tibétains et sanscrit-tibétains (le Mahavyuttpatti) nous sont également parvenus, tout comme des catalogues détaillés des textes bouddhistes traduits (le Dan-kar-ma). Ces textes, au XIIIe s., seront réunis pour former le canon du bouddhisme tibétain. Pour ce qui est de la littérature bouddhiste dans les MTD, on notera que les textes tantriques sont peu nombreux. En revanche, on trouve une certaine quantité d'écrits doctrinaux sur le bouddhisme chan chinois, qui joue un rôle important au Tibet ancien. Le travail de traduction a une grande importance dans le processus d'évolution de la littérature tibétaine ancienne (mais aussi classique et moderne). En effet, cette activité contribue énormément à enrichir le substrat culturel indigène tibétain. Elle témoigne également de l'ampleur des contacts que les Tibétains ont toujours eus avec les cultures voisines (Inde, Chine, Mongolie, peuples turcs et arabes). Les sources nous parlent de l'école de traducteurs dirigée par l'empereur Khri-srong lde-btsan (755-797) et des ateliers de traduction sous Sad-na-legs (804-815). Parmi les MTD, on a trouvé également deux manuscrits historiques : les Annales impériales du Tibet et la Chronique tibétaine ancienne. Un nombre très important de chants ont été trouvés parmi les MTD. Accompagnés par de la musique et par des danses, ces chants traitent un contenu laïque (chants de célébration, commémoration, confrontations verbales) ou moral (à la manière des dictons). Les vers sont organisés en strophes de deux ou trois lignes de cinq ou six syllabes. Le mètre employé est le dactyle. Le rythme est rapide et concis, la rime n'est point utilisée. L'emploi des métaphores, des parallélismes, des épithètes, des mots trisyllabiques et des syllabes redoublées qui n'ont pas un sens lexical précis et qui servent d'onomatopées (kyi-li-li, me-re-re, spu-ru-ru) est fréquent.