Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Stefanyk (Vasyl Semenovytch)

Écrivain ukrainien (Roussov 1871 – id. 1936).

Fils de paysan galicien, il subit l'influence des démocrates ukrainiens et russes, se lia en Pologne aux cercles marxistes, et fut député au Parlement autrichien (1908-1918). Il se fit largement connaître par des nouvelles psychologiques réalistes, où ses dons de styliste s'affirment dans la peinture des paysans d'Ukraine occidentale et de leur rude existence (le Carnet bleu, 1899 ; la Croix de pierre, 1900 ; la Route, 1901), comme dans l'analyse de leur éveil révolutionnaire (la Terre, 1926).

Steffens (Henrich)

Philosophe et écrivain allemand d'origine norvégienne (Stavanger 1773 – Berlin 1845).

Après des études de sciences et de philosophie (Kant, Fichte, Schelling), il revint d'Allemagne en représentant de la « philosophie de la nature » et en introducteur de Goethe et du romantisme. Ses conférences à Copenhague (Introduction à l'étude de la philosophie, 1802-1803) marquent un tournant décisif dans la littérature danoise, influençant Oehlenschläger et Grundtvig. Nommé professeur à Halle, Steffens écrivit le reste de son œuvre littéraire en allemand (les Familles Walseth et Leyth, 1826-1827 ; les Quatre Norvégiens, 1827-1828 ; Nouvelles, 1837-1838).

Stehr (Hermann)

Écrivain allemand (Habelschwerdt, Silésie, 1864 – Oberschreiberhau, dans les Riesengebirge, 1940).

Instituteur, ses opinions libérales le mettent en conflit avec les autorités. À partir de 1915, il se consacre à la littérature, écrivant des romans où le réalisme dans la description des mœurs s'anime de son idéal mystique (le Dernier Enfant, 1903 ; Trois Nuits, 1909 ; la Ferme des saints, 1918 ; Peter Brindeisener, 1924 ; la Famille Maechler, 1929-1944). Le national-socialisme a prôné en lui le représentant de la Heimatkunst, négligeant les aspects de son œuvre qui la rattachent à la tradition du mysticisme silésien.

Stein (Gertrude)

Femme de lettres américaine (Allegheny, Pennsylvanie, 1874 – Neuilly-sur-Seine 1946).

L'œuvre de Gertrude Stein, relativement méconnue, est le grand fondement du modernisme américain. Très diversifiée – romans, poèmes, pièces de théâtre, livrets d'opéra, essais, conférences, autobiographies, récits –, elle se définit comme une œuvre souterraine, souvent cryptique et hermétique, composée pendant quarante ans, nourrie de données biographiques, commandée par une réflexion sur le langage et sur le modernisme, inséparable des mouvements esthétiques contemporains. Les textes les plus connus – Trois Vies (1909), l'Autobiographie d'Alice B. Toklas (1933) – marquent la tentation initiale du réalisme et l'effort pour offrir un portrait public de l'écrivain. Ils peuvent être tenus pour atypiques et Gertrude Stein n'a cessé de noter que l'Autobiographie d'Alice B. Toklas lui a posé, par son succès, des problèmes d'identité : si les mots de l'écrivain doivent devenir publics, sont-ils encore des mots que l'écrivain possède, qui le définissent et assurent la continuité de sa création ? Cette interrogation sur le partage et le rapport entre public et privé définit la problématique de l'œuvre et même de la vie de Gertrude Stein. Expatriée, elle s'installe à Paris avec son frère Leo en 1903, se lie avec les grands artistes de trois générations, Picasso, Matisse, Braque, Juan Gris, connaît Apollinaire et accueille les écrivains américains de la « génération perdue » (Hemingway notamment). Gertrude Stein réunit les créateurs et se constitue ainsi un univers autarcique dans le monde parisien, dont on ne sort que pour rencontrer les grandes problématiques du modernisme, dans la confrontation violente à l'histoire contemporaine, l'interrogation sur la propriété du mot et sur le lieu du moi. Or cette interrogation trouve écho chez les peintres cubistes. L'essai sur Picasso (1939) montre que l'écrivain doit se défaire de toute égologie et approcher le pouvoir du peintre : le cubisme n'est pas rupture de la perception, mais rétablissement de la perception la plus fidèle à l'objet. L'œuvre témoigne de la coalescence du regard et du monde et inscrit l'objet dans une représentation toujours pertinente. Gertrude Stein transpose cette théorie au langage en assimilant l'écriture aux mots de l'alphabet et au compte des anniversaires, en identifiant son entreprise créatrice à un effort pour échapper à la loi de la médiation, pour faire de l'écriture une nomination du visible, qui fait appartenir l'écrivain à ce visible. Les récits et romans Trois Vies, les Américains d'Amérique (composé en 1906, publié en 1925) et Ida (1941) notent cette prégnance du perceptible et cette proéccupation grammaticale du langage : dire l'histoire de la femme revient à constater le défaut de lieu et de perception ; lire l'histoire de l'Amérique contre les lois de la tabulation caractérologique revient à dessiner l'insularité des temps et du visible ; placer le personnage d'Ida sous le signe de la gémellité et dans la fiction de la naissance avortée et de la seconde naissance équivaut à dessiner l'économie d'un monde fermé, qui comprend le continent américain entier, et à définir l'héroïne par sa visibilité, par son aptitude à être en tout lieu et à ne s'asservir à aucun domaine. L'intention romanesque est « monstrative », comme la peinture cubiste, et encyclopédique. La rénovation littéraire de Gertrude Stein participe des acquis picturaux non par le décalque de la technique picturale en littérature, mais par la conviction que le mot appartient à la fois au monde et au sujet et qu'il est ainsi simultanément regard du sujet sur le monde et inscription du sujet dans le monde. Tendres Boutons (1914) ou Géographie et autres pièces (1922) jouent constamment sur l'accord du regard et du mot, sur l'immédiateté du langage et aux limites de l'hermétisme et de l'abstraction. Cette stratégie marque toute la logique créatrice (l'Art d'écrire, 1931) et la métaphysique de l'œuvre (l'Histoire géographique de l'Amérique, 1936). Il y a ainsi une généralité du langage qui ne cesse de poser des équivalences et de noter des singularités : grâce à quoi l'écriture est indéfinie et toujours pertinente, constamment à elle-même son propre événement. Les essais (Une rencontre avec la description, 1929), les conférences (Lectures en Amérique, 1935), la seconde autobiographie (Autobiographie de tout le monde, 1937) font du sujet un sujet anonyme, qui n'existe que par et dans le langage. Gertrude Stein offre aussi son expérience de la France (Paris, France, 1939), de la guerre (les Guerres que j'ai vues, 1944) en une façon quasi réaliste, qui ne rompt pas cependant l'imaginaire grammatical. L'écrivain, contre toute loi de la lisibilité, devient le garant d'un il y a polysémique et omniprésent.