Debray (Régis)
Essayiste et romancier français (Paris 1941).
Normalien, philosophe, attiré par la révolution castriste (Révolution dans la révolution ?, 1967), il est emprisonné en Bolivie (1967-1970) pour avoir combattu avec Che Guevara et libéré grâce à un large mouvement de solidarité internationale. Ami du président Allende, compagnon des révolutionnaires sandinistes au Nicaragua, il fut conseiller de F. Mitterrand. Parallèlement à ses romans (l'Indésirable, 1975 ; La neige brûle, 1977, prix Femina) et à son autobiographie amoureuse, politique et intellectuelle (les Masques, 1988 ; Loués soient nos seigneurs, 1996 ; Par amour de l'art, 1998), ses nombreux essais (le Scribe, 1980 ; le Pouvoir intellectuel en France, 1979 ; Critique de la raison politique, 1981 ; Cours de médiologie générale, 1991) analysent le rôle du militant et de l'intellectuel face au politique, interrogent les structures du pouvoir symbolique et la transmission culturelle, ou portent un regard, souvent pessimiste, sur l'histoire contemporaine (Empires contre l'Europe, 1985 ; Que vive la République, 1989 ; À demain de Gaulle, 1990).
décabriste (littérature)
ou littérature décembriste
On désigne sous ce terme les œuvres des membres du mouvement décabriste ou de ceux qui, comme Pouchkine ou Griboïedov, partageaient leurs vues sans avoir pris part à l'insurrection du 14 décembre 1825. Profitant d'une crise de succession dans laquelle ils virent la possibilité d'instaurer une monarchie constitutionnelle, de jeunes nobles, s'inspirant des idéaux de la Révolution française avec lesquels les guerres napoléoniennes les avaient familiarisés, tentèrent un soulèvement qui fut réprimé dans le sang et puni par la déportation. Les poètes décabristes, dont les plus connus sont Alexandre Bestoujev-Marlinski (1797-1837), Fiodor Glinka (1786-1880), Pavel Katénine (1792-1853), Wilhelm Kioukhelbeker (1797-1846), Vladimir Raïevski (1795-1872) et Kondrati Ryleiev (1795-1826), se font les porte parole de la tradition des Lumières européennes : l'orientation patriotique de leur poème va de pair, en effet, avec l'affirmation du développement nécessaire d'une société civile en Russie ; ils recourent souvent à des grandes figures de l'Histoire nationale, voire à des exemples bibliques, pour incarner, au prix de distorsions, leurs propres aspirations, et proposer des modèles dans la lutte pour la liberté. Pour Ryleiev et Kiouchelbeker, le poète est un tribun et un prophète. Les poètes décabristes, suivant la tradition d'un Derjavine et d'un Batiouchkov, pratiquent les genres nobles, l'ode, l'hymne, l'épître, tout en développant une sorte de romantisme révolutionnaire. En prose, l'œuvre de Bestoujev-Marlinski eut une certaine influence sur l'évolution du roman russe. Le mouvement décabriste, et la production littéraire qui s'y rattache, est la première apparition d'un phénomène propre à la culture russe, l'association étroite de l'écriture et de l'engagement civique, particulièrement présent dans les milieux progressistes.
decadentismo
Terme italien d'esthétique littéraire calqué sur le terme décadent, appliqué, à l'origine, à la sensibilité des poètes français présymbolistes des années 1880-1890. Dans la critique littéraire italienne, il a fini par désigner tous les aspects de la modernité auxquels répugnait l'idéalisme de B. Croce, ou que la pensée marxiste associait à la décadence de la civilisation bourgeoise.
décadents
En France ont été regroupés sous cette étiquette des écrivains qui n'avaient en commun que le refus de leur époque et la recherche d'une esthétique raffinée résolument marginale. En 1884, Huysmans publiait À rebours, considéré comme la bible des décadents, bien qu'Anatole Baju se soit attribué la paternité du mot en fondant une revue éphémère, le Décadent (1886-1889). Héritiers des naturalistes et marqués par Schopenhauer, annoncés par Baudelaire et Corbière, précurseurs des symbolistes avec lesquels ils se fondront plus ou moins (Rodenbach, Verhaeren), parodiés par H. Beauclair et G. Vicaire (les Déliquescences d'Adoré Floupette, 1885), les décadents préfèrent l'artificiel au réel et le mot à l'idée, surtout s'il s'agit d'un mot nouveau. Les meilleurs représentants de la décadence (Laforgue, Jarry) transcenderont cette nostalgie par l'ironie et la provocation.
Decorte (Bert)
Poète belge d'expression néerlandaise (Retie 1915).
Traducteur de Villon, de Louise Labé et des Japonais (Yoshiwara, poèmes des courtisanes, 1942), influencé par Rimbaud, Apollinaire et Van Ostaijen, il développe, dans sa poésie, un dynamisme « vitaliste » (Germinal, 1937 ; Une journée plus calme, 1942 ; Bréviaire tellurique, 1947 ; Pile ou Face, 1970).
Decourcelle (Pierre)
Écrivain français (Paris 1856 – id. 1926).
Journaliste (notamment au Gaulois, sous le pseudonyme de Choufleury, puis au Figaro), feuilletoniste à suspens (le Chapeau gris, 1886 ; Brune et Blonde, 1893) et auteur de mélodrames et d'opérettes, il connut le succès avec des romans populaires (Gigolette, 1895 ; les Deux Gosses, 1896 ; les Mystères de New York, 1915) souvent adaptés à la scène.
Defauconpret (Auguste Jean-Baptiste)
Écrivain français (Lille 1767 – Fontainebleau 1843).
Traducteur de Fenimore Cooper et de Walter Scott, il les fit découvrir au public français et exerça ainsi une large influence sur la génération romantique. Il s'essaya lui aussi au roman historique (Masaniello, 1822).
Deffand (Marie de Vichy-Chamrond, marquise du)
Femme de lettres française (château de Chamrond, Bourgogne, 1697 – Paris 1780).
Elle quitte avec fracas son mari, le marquis du Deffand, et mène une vie agitée, sinon scandaleuse. Devenue la maîtresse du président Hénault, elle tint, à partir de 1730, un salon fréquenté par des mondains cultivés (le duc de Nivernois, la duchesse de Choiseul), des intellectuels (Montesquieu, Formont, Morellet, Maupertuis, Turgot, Marivaux, Sedaine, Condorcet, d'Alembert) et des célébrités étrangères, anglaises surtout (Hume, Gibbon). Ayant presque perdu la vue, elle prit comme demoiselle de compagnie Mlle de Lespinasse, fille naturelle de son frère, qu'elle chassa en 1764, ne supportant pas la concurrence. Sa Correspondance (1809), complétée en 1850 puis en 1865, révèle un sens du portrait. On y lit la hantise de l'ennui, vécu comme enlisement de la sensibilité, et transformant le moi en « automate ».