Jarrell (Randall)
Écrivain américain (Nashville, Tennessee, 1914 – Chapel Hill, Caroline du Nord, 1965).
Dans une forme elliptique, marquée par la Nouvelle Critique, il dit la condition humaine dans une histoire en rupture. Outre ses recueils poétiques, de Du sang pour l'étranger (1942) à Monde perdu (1965), il a donné des essais (la Poésie et notre époque, 1953 ; Un cœur triste au supermarché, 1962) et un roman (Images d'une institution, 1954).
Jarry (Alfred)
Écrivain français (Laval 1873 - Paris 1907).
Dans sa diversité et ses contradictions, son œuvre déborde le symbolisme où elle s'enracine en partie : savante et primitive, ésotérique et farcesque, elle est essentiellement subversive, et ouvre des voies multiples à l'art du XXe siècle (surréalisme, théâtre de l'absurde, Oulipo, etc.).
Après une enfance bretonne à Laval et à Saint-Brieuc, Jarry fait ses études au lycée de Rennes (1888-1891), rencontrant la figure déjà mythique du professeur de physique, Monsieur Félix Hébert, dit le Père Hébé, cible privilégiée de plusieurs générations de potaches. Le goût du théâtre habitant déjà le jeune Jarry, il crée sur le théâtre de marionnettes familial (dit théâtre des Phynances) les Polonais, un texte composé par ses condisciples, les frères Morin, qui avaient eux-mêmes contribué à l'élaboration d'une épopée collective, aux multiples épisodes, caricaturant leur professeur sous divers noms. Coulée dans le moule de la tragédie shakespearienne, la pièce parodie les scènes obligées du théâtre classique, témoignant plaisamment des détournement potachiques de la culture scolaire de l'époque. Dès ce moment s'opère le phénomène curieux d'une captation et d'une identification, et le personnage d'Ubu hantera désormais l'œuvre et la vie de Jarry.
Le premier dévoiement du destin promis à l'élève surdoué est son échec à l'École normale supérieure en 1891. Préférant satisfaire son désir de dépassement dans la littérature, il se rapproche des milieux symbolistes, se liant tout particulièrement à l'équipe du Mercure de France : l'écrivain Rachilde et son mari Vallette, qui deviendront des amis fidèles ; Remy de Gourmont, dont l'influence sera grande sur le jeune poète, et avec qui il fondera la revue l'Ymagier, avant de se brouiller avec celui qui constituait peut-être un modèle trop écrasant. De cette période datent les Minutes de sable mémorial (publiées aux éditions du Mercure de France, en 1894), recueil de poèmes en prose subtils et savants, d'un symbolisme décadent – parmi lesquels contraste cependant un premier morceau d'Ubu intitulé « Guignol » – ainsi que César-Antéchrist (1895). En juin 1896, Jarry fait publier Ubu Roi, dans lequel il reprend presque intégralement le texte des Polonais (l'invention essentielle, mais elle est de taille, résidant dans le nom du personnage). Devenu secrétaire de Lugné-Poe au Théâtre de l'Œuvre, il parvient alors à faire représenter sa pièce, dont le « merdre » initial et le joyeux chaos burlesque créent un véritable scandale : dans sa majorité, le public, qu'il soit acquis ou non au symbolisme, ne peut accepter cette irruption incongrue sur la scène d'une telle dérision et d'une telle violence ; marquant d'une certaine façon l'avènement de l'enfance et du primitivisme au théâtre, Ubu Roi ouvre la voie d'une nouvelle esthétique dramatique, rejetant aussi bien le réalisme que le symbolisme, refusant la psychologie, accouchant d'un comique qui renoue avec la tradition populaire médiévale.
De ce moment, Jarry se met en quelque sorte en marge, jouant notamment à être le père Ubu, et s'exhibant en tenue de cycliste, au lieu de se conformer au personnage d'homme de lettres qu'il refuse d'être ; il écrit cependant d'arrache-pied, publiant à la Revue Blanche puis à la Plume des chroniques drolatiques (réunies sous le titre de la Chandelle verte). En 1898, il compose le livre curieux des Gestes et opinions du Docteur Faustroll (publication posthume en 1911), relatant un périple immobile à travers les univers artistiques nés de l'imagination symboliste, d'Henri de Régnier à Mallarmé. Par la vertu de sa « science pataphysique », ou « science des solutions imaginaires », le héros possède la connaissance absolue et se compare à Dieu, dont il parvient à « mesurer la surface » grâce à la rigueur du langage mathématique. Jarry est ainsi déjà surréaliste par sa vision du monde et non seulement, comme le voulait Breton, par l'absinthe qui le ronge ou le cure-dent qu'il réclame à son lit de mort. Tout aussi énigmatique suit l'Amour absolu, que Vallette ne publie pas non plus. Jarry s'attèle alors à deux romans plus susceptibles de lui attirer le succès, mais qui s'avèrent curieusement déceptifs et énigmatiques : un roman antique (Messaline, 1901) et un roman d'anticipation fantaisiste (le Surmâle, 1902). Il s'occupe aussi beaucoup de théâtre, ayant fondé avec le musicien Claude Terrasse, depuis 1897, le Théâtre des Pantins pour lequel il rêve son « théâtre mirlitonesque ». Ubu continue de s'épanouir en type, se prolongeant dans Ubu enchaîné (1900), dans l'Almanach illustré du Père Ubu (1901) et dans Ubu sur la Butte (1901), version pour marionnettes d'Ubu Roi créé au Cabaret des Quat'zarts. De plus en plus marginal et malade, le Jarry de la fin (il meurt à 34 ans !) est celui des projets inachevés (un Pantagruel, pour le Théâtre des Pantins ; un roman, la Dragonne ; une traduction : la Papesse Jeanne). Pour les jeunes gens, comme Apollinaire, Picasso, Marinetti, qu'il fréquenta durant ses dernières années, il était un précurseur. Il aura imposé un nouveau mot à la langue, ubuesque, qui renvoie à l'univers singulier de son héros (la gidouille verte, le voiturin à phynances, le crochet à nobles, le bâton à physique, le petit balai qu'on ne saurait dire, etc.), mais qui qualifie par extension un monde absurde, grotesque, dominé par la bureaucratie et le bon plaisir des tyranneaux à la fois odieux et ridicules.
Jasimuddin
Poète du Bangladesh de langue bengalie (Tambul-khana, près de Faridpur, 1903 – Dacca, 1976).
Auteur de ballades populaires (Chant de la natte brodée, 1929 ; l'Embarcadère de Sojan le vagabond, 1933), il évoque dans son unique roman, Histoire sans paroles (1961), la vie des villages du Bengale-Oriental.