Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Axionov (Vassili Pavlovitch)

Écrivain russe (Kazan 1932).

Fils de déportés politiques, il est révélé par ses romans sur la jeunesse du « dégel » (Confrères, 1960 ; les Oranges du Maroc, 1963). Si ses thèmes dérangent (le conflit de génération « n'existe pas » dans la société soviétique), l'écriture reste réaliste. L'expérimentation stylistique apparaît plus tardivement, dans ses pièces de théâtre (le Héron, 1970), mais aussi dans l'Oiseau d'acier (1965), avec ses éléments de grotesque et de fantastique, la Brûlure (1980), où le passé stalinien est évoqué dans une pluralité des voix narratrices, ou l'Île de Crimée (1981), roman « d'anticipation ». Axionov émigre aux États-Unis en 1980. Une Saga moscovite (1994), qui retrace à travers les destinées de la famille Gradov, l'histoire de l'U.R.S.S. de 1924 à 1953, apparaît, par son ampleur (quatre tomes) et sa maîtrise stylistique, comme un couronnement, avant le Doux Style nouveau (1997), qui renoue avec le mélange des styles et les jeux de structure.

Ayala (Francisco)

Écrivain espagnol (Grenade 1906).

D'abord influencé par Ortega y Gasset (Tragi-comédie d'un homme sans esprit, 1925 ; le Boxeur et un ange, 1929), exilé en Argentine (1939), il traite avec humour de questions éthiques et politiques dans ses romans (Morts de chien, 1958 ; le Fond du verre, 1964 ; le Jardin des délices, 1971 ; le Temps et moi, 1978). Juriste, il publie des études sociologiques (l'Écrivain dans la société de masse, 1955 ; la Structure narrative, 1970) ainsi que des Mémoires (Souvenirs et oublis, 1982).

Ayckbourn (Alan)

Auteur dramatique anglais (Londres 1939).

Directeur de production du Theatre-in-the-Round de Scarborough, dans le Yorkshire, Alan Ayckbourn connaît un immense succès avec quelque cinquante comédies, loin de la violence exacerbée et de l'engagement politique de ses contemporains. Il qualifie de « farces noires » ses pièces grinçantes où il caricature sans pitié les travers de la bourgeoisie, mais en dépassant les stéréotypes du théâtre de boulevard. Absurde personne singulier (1972) mêle ainsi tragique et grotesque : au cours d'un réveillon, la maîtresse de maison tente en vain de se suicider par tous les moyens possibles ; l'essentiel de l'action se déroule en cuisine. Dans Chœur de désapprobation (1984), Ayckbourn a recours au procédé du « théâtre dans le théâtre » pour mettre en évidence les illusions dont la société se berce. Sous le titre Smoking / No smoking, Alain Resnais a porté au cinéma une partie du cycle de huit pièces intitulé Échanges intimes (1985).

Ayguesparse (Albert)

Écrivain belge de langue française (Bruxelles 1900-id. 1996).

Engagé dans la lutte prolétarienne, il signa un essai sur les rapports entre machinisme et culture (1931). Le romancier se situe dans la ligne du néoréalisme de l'entre-deux-guerres (la Main morte, 1938), et ses premiers recueils poétiques (la Mer à boire, 1937) naissent de la rencontre entre lyrisme et idéologie. Le Vin noir de Cahors (1957) inaugure une recherche axée sur « le pouvoir démiurgique du verbe ».

aymara (littérature)

Les Aymaras, qui avec les Quechuas forment le deuxième groupe ethnique des Andes, passèrent sous la domination des Incas, lorsque ceux-ci étendirent leur suzeraineté sur la quasi-totalité de la zone andine. Leurs traditions, croyances et coutumes se fondirent dans la culture inca et subirent le même sort que cette dernière lors de la conquête espagnole. Seuls quelques très rares contes et fables précolombiens ont subsisté comme l'Histoire de Ts'iju et de Urpu (Ts'iju désignant l'Ombre, et Urpu, le Nuage). Le même métissage que chez les Quechuas s'est produit entre mythologie et croyances précolombiennes, d'une part, et traditions chrétiennes, d'autre part. Dans le panthéon aymara, San Felipe côtoie Pachamama, la Terre-Mère. Les rituels sont le plus souvent dirigés par le Yatiri (le magicien) ; il sait les prières, libations et sacrifices appropriés à chaque occasion et à chaque divinité et rend un culte particulier aux Samiri et aux Mal'ku, esprits protecteurs des hommes, des animaux, des maisons.

Aymé (Marcel)

Écrivain français (Joigny 1902 – Paris 1967).

Ses premiers récits, de Brûlebois (1926) à la Table-aux-Crevés (1929), en passant par Aller-retour (1927) et les Jumeaux du Diable (1928), annonçaient une sorte de populisme paysan : souvenirs de son enfance orpheline dans les prés du Jura et des vexations que la jeunesse bien-pensante faisait subir à ce petit-fils de républicain anticlérical. Mais, avec la Jument verte (1933), livre rabelaisien, Marcel Aymé gagne la réputation d'un auteur comique un peu licencieux et sa signature apparaît dans des périodiques politiques et littéraires, plus ou moins satiriques, comme Marianne ou Gringoire. À peine s'est-il montré sous le masque d'un moraliste de la vie urbaine (Maison basse, 1935) qu'il réapparaît en philosophe champêtre (le Moulin de la Sourdine, 1936 ; Gustalin, 1938 ; la Vouivre, 1943). Sur des terrains différents, il poursuit la même entreprise de salubrité mentale dans une tonalité très originale : au plus fort de ses indignations, il reste toujours accessible à la pitié et à l'émerveillement. D'où le désenchantement qui perce sous la critique féroce de tous les snobismes et de toutes les attitudes inauthentiques, qu'il les pourchasse dans les manifestations les plus matérielles de la société bourgeoise (le Bœuf clandestin, 1939) ou dans ses prétentions intellectuelles (Travelingue, 1941). D'où aussi cette évasion permanente vers la fantaisie, voire le fantastique, dans ses nouvelles et ses contes, dont le rythme épouse mieux la sensibilité d'écorché de ce faux impassible (le Nain, 1934 ; le Passe-Muraille, 1943). Rien d'étonnant donc qu'il ait trouvé un sujet sur mesure dans la France de l'Occupation, la génération des dénonciateurs zélés et des patriotes tardifs, des vrais trafics et des faux combats (les Vaches, 1942 ; le Chemin des écoliers, 1946 ; le Vin de Paris, 1947 ; Uranus, 1948). À la Libération, Marcel Aymé, qui a publié des articles dans Je suis partout, Aujourd'hui et les Nouveaux Temps, reçoit un blâme pour avoir vendu à une firme allemande le scénario du Club des soupirants (1941). Mais c'est à lui que Louis Daquin avait demandé les dialogues du film Nous les gosses (1941), qui exaltait l'esprit de résistance. Marcel Aymé en tire la conclusion qu'il est difficile d'être libre (Vogue la galère, 1944) et que l'écrivain doit être la conscience sans complaisance de son époque (le Confort intellectuel, 1949). C'est pour le théâtre qu'il choisit alors de porter sa guérilla contre les conformismes, variant la hargne de ses assauts, de la banderille légère (Lucienne et le boucher, 1948 ; les Oiseaux de lune, 1956 ; les Maxibules, 1961) à la cruauté vengeresse (Clérambard, 1950 ; la Tête des autres, 1952). Il écrivit aussi des contes (les Contes du chat perché, 1934-1958), petites « histoires simples, sans amour et sans argent » de deux petites paysannes imaginaires, où se manifeste son goût pour le merveilleux et dont les « morales » sont souvent amères ; comme ailleurs dans son œuvre, Marcel Aymé y traque la bêtise et la méchanceté.