Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Arbeiterliteratur (littérature ouvrière)

La littérature ouvrière fut, dès ses débuts, étroitement liée au mouvement ouvrier et se considéra toujours comme un moyen d'expression au service de la lutte des classes. Par opposition à cette conception, la critique universitaire a développé la notion de Arbeiterdichtung (« poésie ouvrière »), désignant ainsi quelques auteurs de poèmes lyriques et de romans autobiographiques. On peut distinguer les périodes suivantes dans l'histoire de la littérature ouvrière : de 1863 (date de la fondation du Arbeiterbildungsverein par Lassalle) à 1914, se développent une poésie de propagande et un théâtre didactique inspirés de la théorie marxiste. La littérature ouvrière de guerre se partage entre le pacifisme internationaliste et une tendance prônant une « nouvelle communauté nationale ». La scission du mouvement ouvrier (1918-1919) provoque deux courants : l'un social-démocrate, l'autre communiste (Alliance d'écrivains prolétaires et révolutionnaires), d'abord marqué par la Proletkult soviétique. Pendant la période national-socialiste, la plupart des écrivains ouvriers sont contraints à l'exil, mais une partie des « poètes ouvriers » se rallie au IIIe Reich. En R.D.A., les écrivains ouvriers accèdent au rang de classiques. À la conférence de Bitterfeld (1959), l'ouvriérisme littéraire est érigé en doctrine officielle. En R.F.A. la littérature ouvrière se remanifeste en 1961 par la création du Groupe 61, proche de la confédération syndicale DGB. En 1970 se forme le Werkkreis 70, d'inspiration d'extrême gauche. Depuis les années 1980, une littérature de l'immigration prend le relais.

Arbes (Jakub)

Écrivain et journaliste tchèque (Prague, 1840 – id. 1914).

Journaliste démocrate, auteur de courts romans, les romanettos (Saint Xavier, 1873 ; le Cerveau de Newton, 1877, qui préfigure la science-fiction), il est aussi le peintre de la banlieue populaire et industrielle (les Vampires modernes, 1879), des marginaux et des ratés de l'art et de la politique (Natures mystérieuses, 1884).

Arbo (Sebastián Juan)

Écrivain espagnol d'expression castillane et catalane (San Carlos de la Rápita 1902 – Barcelone 1984).

Ses romans peignent la vie rurale de sa région natale (Terres de l'Èbre, 1931 ; Sur les pierres grises, 1946 ; Tino Costa, 1947 ; Entre la terre et le ciel, 1966 ; la Tempête, 1975 ; la Ferme, 1975). On lui doit aussi des nouvelles (Récits du delta, 1965) et des biographies de Cervantès, de Jacinto Verdaguer, d'Oscar Wilde et de Pío Baroja.

Arboleda (Julio)

Écrivain et homme politique colombien (Popayán 1817 – Berruecos 1862).

De retour dans son pays après un voyage en Europe, il commença en 1838 son grand poème historique, Gonzalo de Oyón. Général, parlementaire, puis président de la République colombienne, il sacrifia sa vocation littéraire aux luttes politiques et fut emprisonné en 1851. Dans sa cellule, il écrivit ses deux poèmes, Au congrès de Grenade et Je suis en prison, contre le dictateur López. Surnommé par ses compatriotes « le géant des Andes », il mourut assassiné.

arcadisme

Courant littéraire des pays de langue portugaise, qui s'est développé au XVIIIe s. autour des « arcadies », académies défendant une esthétique néoclassique. Si l'Arcadia lusitana (fondée à Lisbonne en 1757) rejette le baroque au nom de la raison, du naturel et du vraisemblable et préconise l'imitation des Anciens (dithyrambe, odes pindariques et anacréontiques), l'Arcadia ultra-marina de Vila Rica, au Brésil, s'affranchissant de la métropole, opte pour un classicisme rénové dans la lignée de Métastase.

Archipoète (l')

Poète latin actif en Allemagne (seconde moitié du XIIe siècle).

Sous ce nom se cache un poète virtuose, peut-être d'origine française, actif dans la seconde moitié du XIIe siècle en Allemagne où il fut protégé par l'archevêque de Cologne Rainald von Dassen et qui exalta la puissance de Frédéric Barberousse. Ses compositions sur des sujets politiques ou satiriques font de lui un des maîtres de la poésie latine rythmique et portent la tradition poétique des clercs errants à son apogée.

Arden (John)

Auteur dramatique anglais (Barnsley, Yorkshire, 1930).

Architecte, il devient dramaturge à l'heure du renouveau brechtien. Mêlant farce et politique, débats et chansons, son impertinence l'oriente vers un anti-héroïsme sardonique qui n'ignore pas le souffle épique. Fugueurs, déserteurs, révoltés, bourreaux mal repentis disent la haine de l'ordre, mais aussi le dégoût du « socialisme crypto-calviniste » et l'amour de la vie (Vous vivrez comme des porcs, 1958 ; la Danse du sergent Musgrave, 1959 ; l'Âne de l'hospice, 1963). Avec sa femme Margaretta d'Arcy, il conçoit des spectacles pour des communautés populaires (Soldat, Soldat, 1967). Il se tourne également vers la radio et la télévision (Poisson mouillé, 1961 ; Perle, 1978), puis vers le roman (Silence parmi les armes, 1982).

Arétin (Pietro Aretino, dit l')

Écrivain italien (Arezzo 1492 – Venise 1556).

L'Arétin s'est employé toute sa vie à renverser en sa faveur la traditionnelle dépendance des hommes de lettres à l'égard du mécénat des princes. Après avoir séjourné à la cour de Rome, il choisit en 1525 Venise pour sa seconde patrie et parvient à s'assurer un vaste réseau d'appuis. En 1543, il se rallie exclusivement à Charles Quint. La République de Venise ne peut lui épargner, en 1538, un procès pour « blasphème » et « sodomie », mais le protège efficacement contre plusieurs tentatives d'assassinat. Son intelligence critique, sa verve caricaturale et ses dons d'invention linguistique apparaissent surtout dans sa Correspondance. Publiées de 1537 à 1557, les lettres du « fléau des princes » mêlent les billets amoureux ou simplement généreux aux invectives et aux menaces. L'ensemble compose à la fois une chronique scandaleuse de la société courtisane et une déploration morale et esthétique d'une vie fondée sur l'artifice. En revanche, les six « journées » de ses Ragionamenti (1534 et 1536) sont une sorte de somme sociologique de la prostitution romaine au XVIe s., à travers des dialogues d'une grande vigueur caricaturale. Dans la même année que les Ragionamenti, l'Arétin publie les Sept Psaumes de la pénitence de David, première d'une longue série d'hagiographies et d'illustrations en prose des textes sacrés, qui préfigurent l'éloquence religieuse du XVIIes. Suivront l'Humanité du Christ (1535), la Genèse (1538), la Vie de la Vierge Marie (1539), la Vie de sainte Catherine vierge (1540), la Vie de saint Thomas d'Aquin (1543). On lui doit aussi plusieurs comédies dont le Marescalco 1527, publié en 1533, et surtout la Courtisane. Dans cette œuvre publiée en 1525, l'Arétin brosse une caricature virulente de la cour papale, qu'il atténue dans la seconde version de 1534. Il prolonge ainsi la réflexion critique sur l'institution courtisane, conçue comme phénomène typique d'une société en crise, que lui inspira son expérience de la cour de Rome (Dialogue des cours, 1538 ; Dialogue des cartes parlantes, 1543).