Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

métaphysiques (poètes)

Désignation traditionnelle (d'après une formule plutôt péjorative de Dryden, l'épithète signifiant alors « excessivement complexe ») du baroquisme anglais de l'école de Donne (XVIe s.-XVIIe s.), partagé entre des registres d'expérience disparates (sensualité, spiritualité, sentiment de fin de monde et parade individualiste) que la poésie conjugue, « tressant en lacs d'amour des tisonniers de fer ». Le bel esprit, la métaphore fantastique opèrent la sacralisation du profane. La fluidité évanescente (Crashaw), la transparence (Marvell), l'expansion mystique (Traherne), la nostalgie (Vaughan) rejoignent l'ingéniosité érudite (Cowley) comme instruments de connaissance de soi et de révélation.

Métastase (Pietro Trapassi, dit Metastasio, en fr. Pierre)

Poète italien (Rome 1698 – Vienne 1782).

Issu d'une famille très pauvre, il fut adopté à 10 ans par Vincenzo Gravina. Entré à l'Arcadie en 1718, sa carrière poétique ne débute vraiment qu'en 1719 à Naples. Introduit dans les milieux musicaux par la cantatrice Marianna Bulgarelli, qui s'éprend de lui, il écrit pour elle Didon abandonnée (1724) : s'ensuivent alors d'autres triomphes (Caton, 1728 ; Sémiramis, 1729 ; Artaserse, 1730, mélodrame en 3 actes qui ne connaîtra pas moins de 107 transpositions musicales). Appelé à succéder en 1730 à Apostolo Zeno dans la charge de poète impérial, il passe le reste de sa vie à la cour de Vienne où il compose alors nombre d'oratorios et de cantates ainsi que 26 mélodrames. Ses chefs-d'œuvre de la maturité abandonnent progressivement le goût de la virtuosité au profit d'un art d'émouvoir (l'Olympiade, 1733 ; la Clémence de Titus, 1734 ; Attilius Regulus, 1740). De Gravina, Métastase a appris le style net, de Gregorio Caloprese, son maître de Calabre, l'art de la psychologie, et son sentimentalisme spontané se nourrit de l'exemple du Tasse. Les motifs héroïques de ses drames ne sont qu'un prétexte au « bel canto » et aux effusions passionnelles : c'est l'amour et la femme qui triomphent, dans une forme toutefois retenue et délicate. L'Ariette, brève poésie faite pour la mélodie et le chant, pleine de grâce et de malice, est la création caractéristique de Métastase. Par ses drames profanes et sacrés, il participe à la réforme du théâtre lyrique, préconise l'usage du récitatif accompagné et du chœur à l'antique et réduit de 5 à 3 actes la structure du livret.

Metellus (Jean)

Poète, romancier et dramaturge haïtien (Jacmel 1937).

Contraint de s'exiler sous la dictature de François Duvalier, neurologue à Paris (la Parole prisonnière, 1986), patriote humaniste, il a chanté les splendeurs et les misères de son pays (Au Pipirite chantant, 1978 ; Haïti, une nation pathétique, 1987 ; l'Année Dessalines, 1986), une princesse indienne (Anacaona, 1987), ainsi que les leaders noirs Martin Luther King et Malcolm X. Ses romans au réalisme méticuleux sont pour la plupart centrés sur l'histoire d'une famille frappée par l'exil : Jacmel au crépuscule (1981), la Famille Vortex (1982), Louis Vortex (1992).

Metge (Bernat)

Écrivain catalan (Barcelone entre 1340 et 1346 – id. 1413).

Il apparaît d'abord très proche du Moyen Âge dans des poèmes allégoriques comme le Livre de Fortune et Prudence (1381) ou Médecine appropriée à tout mal, parodie des « remèdes à l'amour » chers aux poètes du temps. Sa première œuvre en prose (Histoire de Walter et Griselda, 1388) est la traduction de l'histoire de Grisélidis, contée par Boccace à partir de la version latine qu'en avait donné Pétrarque. Elle fournit un premier exemple du style élégant et neuf que l'on retrouvera dans un ouvrage scolastique marquant l'achèvement stylistique de la prose catalane, Lo Somni (1399), où se manifestent en outre une conception du monde et des références culturelles déjà caractéristiques de la Renaissance.

Metz (Thierry)

Poète français (Paris 1956 – 1998).

Vivant dans une grande précarité, Thierry Metz a gagné sa vie comme manœuvre (le Journal d'un manœuvre, 1990). Dernier homme sur le chantier, il peut en trouver la perspective, en décanter l'essence (« J'ai vécu en maçon dans ma langue »). Cette vie difficile est éclairée par l'amour (Lettres à la bien-aimée, 1995). Découvert par Jean Grosjean, qui souligne « la part respirable » de ses textes, il est l'auteur d'une poésie directe, douloureuse et limpide, ainsi que de notes travaillées par le manque. Des nombreuses plaquettes (L'homme qui penche, 1997 ; Terre, 1997), des inédits aussi, complètent une démarche tournée vers l'essentiel mais qui s'achève sur le suicide : « Je ne serai jamais ailleurs qu'ici / dans une poussière de voix de possessions / parlant d'une vie qui est à mourir / et malgré tout / d'une abeille ou d'une ombre. »

Meurice (Paul)

Écrivain français (Paris 1820 – id. 1905).

Ami intime d'A. Vacquerie, fidèle disciple de Victor Hugo qui le désigna comme exécuteur testamentaire, rédacteur en chef de l'Événement (1848), il a laissé des pièces de théâtre de ton romantique (Fanfan la Tulipe, 1858 ; Notre-Dame de Paris, 1879), écrites parfois en collaboration (Falstaff, avec Th. Gautier et A. Vacquerie, 1842 ; Hamlet, avec Dumas, 1847 ; les Beaux Messieurs du Bois-Doré, avec George Sand, 1862) et appartint à l'atelier de Dumas pour des romans comme les Deux Diane.

Mexique

La période coloniale de la vice-royauté est marquée, comme au Pérou, par une activité littéraire non négligeable, où se distinguent quelques très grands noms. En 1539, le premier livre est édité au Mexique, où une imprimerie a été installée quelques années plus tôt, tandis que l'Université y est fondée en 1551. Les premiers écrivains notables sont des chroniqueurs (J. Suárez de Peralta, Alvarado Tozozomoc, F. de Alba Ixtlilxochitl). La poésie a ses représentants dès la fin du XVIe siècle (A. de Saavedra Guzmán). Dans le même temps, la vie théâtrale est active, qu'il s'agisse de théâtre religieux ou récréatif. On conserve divers autos sacramentels et les mœurs coloniales sont peintes dans les pièces de F. González de Eslava (1534-1601). Si ce dernier est né en Espagne, l'un des grands dramaturges du Siècle d'or espagnol, J. Ruiz de Alarcón, est originaire de Mexico. Le premier « phare » de la littérature mexicaine est sœur Juana Inés de la Cruz, avec une œuvre à la fois sensuelle et mystique. La prose de ce temps ne se distingue guère de celle de la Péninsule, sauf celle de C. Sigüenza y Góngora, polygraphe de talent.

Émergence d'une littérature nationale

Le XVIIIe siècle n'est représenté que par des poètes ou écrivains qui suivent les modèles espagnols (Manuel de Navarrete). Il faut attendre la publication d'El periquillo sarniento (1816) de J. J. Fernández de Lizardi pour trouver une œuvre spécifiquement mexicaine. Lizardi est d'ailleurs considéré comme le père du roman en Amérique latine, où la fiction en prose ne prendra son essor qu'après la proclamation de l'indépendance (1821). C'est à partir de cet événement que se forge une véritable littérature nationale. La poésie, encore néoclassique, est illustrée par A. M. de Ochoa y Acuña et, surtout, par A. Quintana Roo et F. M. Sánchez de Tagle. Mais c'est le dramaturge M. E. Gorostiza qui est, avec Lizardi, le grand nom de cette période. Le romantisme pénètre tard au Mexique et n'y produit pas de poètes comparables à ceux d'autres pays. On peut néanmoins citer I. M. Altamirano, I. Rodríguez Galván (1816-1842), M. Acuña ou M. M. Flores. Le roman romantique mexicain est marqué par l'étude de mœurs ou par l'histoire, cette dernière en général axée sur le passé récent. Le genre est lancé par Manuel Payno (1810-1894), que suivent, pour le roman de mœurs, F. Orozco Berra (1822-1851) ou J. Díaz Covarrubias (1837-1859). La tendance sociale est représentée par le catholique F. M. del Castillo (1828-1863) ou encore par J. Rivera Río. Le plus important est Altamirano, qui écrit d'excellentes nouvelles et de bons romans. Le roman historique est cultivé par J. A. Mateos, Justo Sierra O'Reilly, Vicente Riva Palacio (1832-1896). Il en va de même pour quantité de dramaturges, quelque peu oubliés de nos jours, mais qui témoignent de la vivacité du théâtre romantique au Mexique (J. Peón y Contreras, J. J. Gamboa).