Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Meyerhold (Vsevolod Emilievitch)

Metteur en scène russe (Penza 1874 – Moscou 1940).

Il débuta en 1898 au Théâtre d'art de Moscou, auprès de Stanislavski, dont il se sépara parce qu'il ne partageait plus ses conceptions esthétiques (1902). Après la révolution d'Octobre, il adhéra au nouveau régime, organisa de grands spectacles populaires et proclama en 1920 l'« Octobre théâtral ». Il donna, entre 1922 et 1927, ses meilleures réalisations (le Mystère Bouffe de Maïakovski, le Cocu magnifique de Crommelynck), prenant souvent de grandes libertés avec les textes et refusant l'illusionnisme scénique : le décor, inspiré des théories constructivistes, est signifiant comme élément théâtral et non comme duplication du réel ; il doit servir l'expression « biomécanique » (les mouvements du corps remplacent la psychologie) des acteurs. Meyerhold est à l'origine de la théorie de la « distanciation ». Il fut arrêté en 1939.

Meyrink (Gustav)

Écrivain autrichien (Vienne 1868 – Starnberg 1932).

Il trouve à Prague la matière à son inspiration occultiste et fantastique. Par réaction contre l'ordre social et les esthétiques naturalistes, il choisit d'approcher la condition humaine à partir du grotesque et du symbolique, de l'alliance du destin terrestre et des lois cosmiques et hermétiques (le Cabinet des figures de cire, 1907 ; le Cor enchanté du petit-bourgeois allemand, 1913). Meyrink a recours à la kabbale dans le Golem (1915), aux pratiques du yoga dans le Visage vert (1916), aux phénomènes de médiumnité dans la Nuit de Walpurgis (1917), à la sagesse initiatique dans le Dominicain blanc (1921), aux figures du jeu de tarot dans l'Ange à la fenêtre d'Occident (1927). C'est encore le cas dans la représentation de l'univers pragois, qui devient un symbole en lui-même : là se résument les traditions spirituelles et apparaît une actualité à la fois réelle, folle et animée par l'esprit. Le fantastique reste ainsi la figure de l'attente de la rédemption et l'indication qu'aucune symbolique spiritualiste ou occultiste ne fait preuve : toute certitude relative aux médiations de l'au-delà revient inévitablement à l'étrange.

Mézeray (François Eudes de)

Historien et écrivain français (Rye, près d'Argentan, 1610 – Paris 1683).

Son frère aîné, entré dans les ordres, fonda la congrégation des Eudistes. Il préféra une carrière de commissaire des guerres (1635), qu'il abandonna pour une œuvre d'historien (Histoire de la France, 1643-1651). Devenu frondeur, il écrivit de nombreuses mazarinades souvent écrites sous un pseudonyme. Il entra à l'Académie française en 1647 et fut pensionné par le roi. Son Abrégé de l'histoire de France, paru en 1668, ne plut ni à Colbert ni au roi, qui diminua sa pension. Esprit volontiers libertin, indépendant, il se fit connaître aussi pour son impertinence durant les réunions académiques.

Mezzetin (Angelo Costantini, dit)

Acteur italien (Vérone 1654 – id. 1729).

Ayant débuté à l'Hôtel de Bourgogne en 1681, il créa un nouveau type comique, Mezzetin, sorte d'Arlequin sentimental et musicien qui a inspiré à Watteau plusieurs tableaux. On lui a attribué une Vie de Scaramouche (1695).

Michael (Ib)

Écrivain danois (Roskilde 1945).

Le troubadour et la fille du vent (1988) décrit l'obstination d'un troubadour qui, dans l'Europe médiévale, poursuit du Sud au Nord le parcours de la peste. Son itinéraire n'est pas seulement prétexte à la rédaction d'un roman historique, mais il constitue une sorte de complainte, méditation sur la peur et les mythes. Kilroy, Kilroy (1993) présente une structure complexe, liant la résistance tibétaine aux errements d'un pilote américain. La Fille vanille (1996) évoque les rêves qui peuvent surgir d'une simple estampille sur un sac de thé.

Michael (Samir)

Romancier israélien (Bagdad 1926).

Engagé très jeune dans les rangs du parti communiste irakien, il s'enfuit en Iran (1948), puis en Israël (1949). Jusqu'en 1956, Michael a publié des nouvelles en arabe. Son premier roman en hébreu, Tous sont égaux mais certains le sont plus, a paru en 1974 : ce livre a pour thème l'immigration des juifs irakiens en Israël et leur difficile intégration dans la société israélienne. Dans Refuge (1977), il évoque les rapports ambigus entre Juifs et Arabes, ainsi que les relations difficiles entre les Arabes d'Israël et ceux des pays voisins. Une poignée de brouillard (1979) a pour cadre Bagdad après la Seconde Guerre mondiale. Dans Victoria (1993), il décrit sa jeunesse en Iraq, tandis que son dernier roman (2001) traite de nouveau de la vie en Israël. Écrivain engagé au début de sa carrière, il se consacre de plus en plus à l'écriture.

Michaux (Henri)

Peintre et poète français d'origine belge (Namur 1899 – Paris 1984).

Soucieux avant tout de préserver sa solitude et de « ne pas laisser de trace », Michaux a fui toute publicité : jamais il n'accorda de véritable entretien, ses portraits photographiques sont rares et sa voix n'a jamais été enregistrée. Il s'est toujours efforcé d'offrir peu de prise aux biographes mais a tout de même livré Quelques renseignements sur cinquante-neuf années d'existence (1958).

   Né le 24 mai 1899 dans une famille bourgeoise ardennaise et wallonne, c'est un enfant solitaire et maladif, qui « boude la vie, les jeux » et s'évade par la lecture. Il interrompt en 1920 des études de médecine commencées un an plus tôt pour embarquer comme simple matelot et voyager un an jusqu'en Amérique du Sud. Au retour, à la lecture de Lautréamont (1922), l'écriture s'impose comme un besoin « longtemps oublié ». Soutenu par Franz Hellens, il publie un premier texte en revue (Cas de folie circulaire) puis deux plaquettes. En 1924, il s'installe à Paris où, encouragé par Supervielle et Paulhan, il publie chez Gallimard Qui je fus (1927), un premier recueil d'inspiration surréaliste.

   Parallèlement, il se met à dessiner et à peindre pour se « libér[er] des mots, ces collants partenaires » : les deux registres pictural et verbal deviendront vite inséparables, souvent réunis dans les mêmes livres. Ses dessins à l'encre de Chine, aquarelles, lavis, gouaches, acryliques se déroulent sur la page en trajets idéogrammatiques et autobiographiques qui esquissent des « gestes intérieurs » (Mouvements, 1951), des réseaux de neurones, des têtes sans visages, les silhouettes évanescentes d'êtres filiformes (Meidosems, 1948).

   Si, dans Ecuador (1929) et Un barbare en Asie (1933), il rend compte de nouveaux voyages (Équateur, Asie, Espagne et Portugal), Michaux réduit toutefois peu à peu le champ de ses pérégrinations à son aventure intérieure. Durant cette période féconde, il publie ses premiers chefs-d'œuvre : Mes propriétés (1929), La nuit remue (1935), Lointain intérieur (1938), Plume (1938). Le personnage de Plume, double inadapté et comique, étranger au monde et à lui-même, en proie à une angoisse et à une culpabilité ontologiques, peine à maintenir son intégrité morale et physique face aux agressions du dehors, et sa situation se dégrade jusqu'à l'absurde. Dans les récits de voyages imaginaires écrits avant la guerre et réunis dans Ailleurs (1948), le poète s'avère un grand inventeur d'êtres et surtout de manières d'être, se fait l'ethnologue de peuples fantastiques d'une altérité radicale et qui pourtant nous ressemblent.

   En 1941, il se voit reconnu par ses pairs lorsqu'André Gide publie Découvrons Henri Michaux. Mais la guerre, l'exode, l'Occupation exacerbent les tensions entre lui et le monde (Épreuves, exorcismes, 1945). La Vie dans les plis (1949) rend compte avec violence d'une catastrophe biographique survenue en 1948 : la mort accidentelle, des suites d'atroces brûlures, de Marie-Louise Termet, qu'il aime depuis 1934 et a épousée en 1943 après son divorce.

   Après Face aux verrous (1954), autre recueil majeur, s'ouvre une nouvelle période. À partir de 1956, Michaux expérimente diverses substances hallucinogènes (éther, mescaline...) non pour fuir la réalité, mais pour élargir le champ de sa conscience et en retranscrire des états inexplorés (Misérable Miracle, 1956 ; l'Infini turbulent, 1957 ; Connaissance par les gouffres, 1961). Mais le voyage mental est un moyen dont il découvre aussi les limites : « il existe une banalité du monde visionnaire ».

   Durant l'été 1961, Michaux rencontre Micheline Phankim-Koupernik, qui sera sa compagne jusqu'à la fin de sa vie. À partir des années 1960, il est l'objet d'une large reconnaissance publique : en 1965, il refuse le grand prix national des lettres ; en 1966 paraît un Cahier de l'Herne sur son œuvre. Il poursuit son expérience intérieure à travers des « interventions » sur les rêves (Façons d'endormi Façons d'éveillé, 1969), formule ses réflexions sur les religions orientales qui le fascinent depuis son voyage de 1931 (Poteaux d'angle, 1981). Durant ses dernières années, il semble accéder, dans une voie proche de celle du Tao, à l'apaisement et à l'équilibre (Chemins cherchés Chemins perdus Transgressions, 1981 ; Déplacements Dégagements, 1985).

   Henri Michaux est le contemporain des surréalistes, mais sa révolte est apolitique et individuelle : son « impuissance à se conformer » le tient à l'écart des mouvements. L'écriture est pour lui exploration de soi : « J'écris pour me parcourir [...] Là est l'aventure d'être en vie. » En témoignent les titres de ses recueils (Qui je fus, Lointain intérieur, Ailleurs, Face aux verrous, Face à ce qui se dérobe), qui soulignent l'élan exploratoire par l'absence d'article (Passages, Épreuves, exorcismes, Émergences, Résurgences, Affrontements, Déplacements, Dégagements) et la singularité de l'expérience par celle de certains articles définis (La nuit remue, l'Espace du dedans, la Vie dans les plis, l'Infini turbulent).

   De fait, il est l'un des écrivains qui ont su le mieux restituer l'expérience humaine dans ses dimensions psychologique, spirituelle et corporelle, et ses deux faces tragique et comique. La souffrance est au cœur de son œuvre, nourrie par une impression de manque (« Je suis né troué », Ecuador), la perception du corps comme un obstacle, une angoisse métaphysique que les voyages extérieurs comme intérieurs ne parviennent à apaiser, et la recherche insatiable d'un moyen de s'échapper, de desserrer l'étau de l'appartenance.

   Son écriture, à la fois tendue et désinvolte, abstraite et somatique, lyrique et logique, conjugue l'intensité de l'émotion et la distance de l'humour. Ses poèmes, en vers libres ou en prose, passent de la concision de l'aphorisme à l'ampleur lyrique, et multiplient les registres : imprécation, murmure, sarcasme, plainte, extravagance. La seule constante est une défiance radicale à l'égard du langage, dont il désarticule avec exaltation la cohérence fallacieuse pour « donner à voir la phrase intérieure, la phrase sans mots » : un rythme sec, nerveux, haletant, vibrant, une syntaxe inventive et répétitive, des créations lexicales et des onomatopées, recréent (par la violence) mais aussi récréent (par l'humour) la langue.