Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
Y

Yi I, dit aussi Yulgok

Écrivain coréen (Kangnung 1536 – Séoul 1584).

Surnommé le « Confucius de Corée », il a laissé en chinois des traités sur le néoconfucianisme, mais il a également écrit des sijo en coréen (Kosan ku kok ka). Plus avide d'évasion et plus sentimental que Yi Hwang, il a incité les lettrés à s'intéresser davantage à la littérature écrite dans la langue de leur pays.

Yi Kwang-Su

Écrivain coréen (Chongju 1892 – 1951 ?).

L'un des créateurs, avec le poète Ch'oe Nam-son, de la littérature coréenne moderne, il rédigea aussi la déclaration d'indépendance lors du soulèvement de son pays contre les Japonais en 1919. Il est surtout l'auteur de nouvelles célèbres pour l'élégance de leur langue : Insensibilité (1918), la Terre (1932), l'Amour (1936), Ignorance (1938). Il disparut durant la guerre de Corée.

Yi Sang (Kim Hae-gyong, dit)

Écrivain coréen (Séoul 1912 – Tokyo 1937).

C'est le représentant typique de l'évasion des écrivains vers l'intellectualisme après l'échec de la littérature prolétarienne. Les œuvres les plus représentatives de son « réalisme psychologique » teinté de cynisme sont les Ailes (1936), la Fin d'une vie (1937) et les Cheveux coupés (publié en 1939).

yiddish (littérature)

Née sur les bords du Rhin, la littérature d'expression yiddish s'est répandue non seulement dans l'Europe entière, mais aussi dans les cinq continents. Elle a connu son apogée en Europe orientale entre 1860 et 1939. Son histoire se caractérise par une double progression : celle de la dignité de la langue yiddish et celle, proprement littéraire, des œuvres.

La langue

Le mot « yiddish » apparaît pour la première fois au milieu du XVIIe s. Jusque-là on l'appelait Ioshn ashkenaz (langue d'Allemagne), ivre-taytsh (hébreu-allemand) ou yidish-taytsh (judéo-allemand). Le yiddish résulte de la fusion du bagage linguistique apporté par les Juifs installés dès le IXe s. en Rhénanie (parlers judéo-romans, hébreu-araméen véhiculé par la liturgie et les études talmudiques) avec le moyen-haut allemand. À partir du XVe s. cette fusion s'enrichit d'un apport slave croissant. La grande dispersion géographique des yiddishophones détermina plusieurs clivages dialectaux, mais dans l'ensemble, malgré les différences de prononciation et de vocabulaire, tous les utilisateurs du yiddish se comprennent.

   On peut distinguer un yiddish occidental et un yiddish oriental. Le premier, en déclin depuis la fin du XIXe s., fut parlé en Hollande, en Alsace-Lorraine, en Suisse et dans la plus grande partie de l'Allemagne. En bordure de ces zones (Bohême, Moravie, Slovaquie et Hongrie occidentales) ont existé des variétés intermédiaires. Le yiddish oriental, très affaibli après le génocide de 1939-1945 mais ayant essaimé partout dans le monde et notamment aux États-Unis, se divise en yiddish du Sud-Est (Ukraine, Roumanie et Galicie orientale), du Nord-Est (Biélorussie, Lituanie, Lettonie) et du centre (Pologne et Galicie occidentale). Les différences entre ces variétés portent essentiellement sur la prononciation.

   Le yiddish s'écrit à l'aide de l'alphabet hébreu. Les mots provenant de l'hébreu et de l'araméen y conservent leur orthographe d'origine. L'orthographe des mots d'une autre origine est fondée sur certaines conventions et a été normalisée en Pologne en 1936 à l'initiative du YIVO.

   Bien que parlé jusqu'à la fin du XVIIIe s. par toutes les couches de la société juive en Europe, le yiddish fut longtemps relégué, surtout en tant que langue d'écriture, à un rôle subalterne lié à la culture des femmes et des gens moins instruits. Ce préjugé défavorable s'est encore accentué parmi des modernisateurs comme Moses Mendelssohn (1729-1786) et ses disciples, convaincus que l'abandon du yiddish était le préalable de l'émancipation des Juifs dans la société moderne. Au XXe s. il s'est propagé à travers une bonne partie du mouvement sioniste qui voyait dans cette langue de l'exil une marque infamante. Or d'autres tenants de la modernisation, comme Mendl Lefin (1749-1826) et Yehoshue Mordkhe Lifshitz (1829-1878), ont revendiqué la dignité du yiddish en tant que levier de l'éducation populaire. Les mouvements populistes et socialistes, y compris une partie du sionisme ouvrier, en ont fait le drapeau de la culture des masses, qu'ils se sont attelés à construire. En dehors même de ces facteurs idéologiques, la fécondité de la littérature moderne surgie à partir des années 1860 œuvra puissamment en faveur du prestige du yiddish, que la conférence de Tchernovtsy en 1908 reconnut comme l'une des langues nationales du peuple juif. La période entre les deux guerres mondiales vit l'apogée de cette ascension. Parlé par plus de dix millions de personnes, le yiddish disposait alors de résaux d'écoles modernes en Pologne, U.R.S.S., États-Unis, Canada, Argentine, etc. ; il était l'objet d'études linguistiques dans des instituts spécialisés en Pologne et Union soviétique et servait en même temps de langue de travail et de diffusion pour des chercheurs en histoire, littérature et sciences sociales ; sa presse quotidienne, publiée aux quatre coins du monde, atteignait un tirage global, tous pays confondus, de plus d'un million d'exemplaires ; le théâtre yiddish et les revues littéraires où politiques fleurissaient partout. Malgré le génocide nazi et la repression en U.R.S.S. à partir de 1937, ce puissant élan s'est prolongé jusqu'aux années 1960. L'affaiblissement général de la langue constaté depuis lors est compensé, dans une certaine mesure, par l'essor de cercles yiddishistes militants dans toutes les communautés ashkénazes, et par la place centrale que la langue occupe toujours dans des milieux ultra-orthodoxes en pleine expansion démographique.

La littérature en yiddish ancien

Deux types d'œuvres coexistent en elle : celles où est forte l'influence des cultures et littératures européennes voisines (récits de chevalerie et autres récits d'aventures, fables et contes populaires), et celles où prime l'inspiration religieuse (traductions du Pentateuque, rituels de prières, traités de morale à l'intention des gens moins instruits). Jusqu'à la deuxième moitié du XVIe s. c'est le premier qui prédomine. La littérature chevaleresque s'inspire souvent de récits bien connus en allemand. C'est le cas du Artus-roman, sur les chevaliers de la Table ronde. Elle atteint ses sommets en Italie avec Elie Bokher ou Elia Levita (1468 ou 1469-1549), plus connu comme grammairien de l'hébreu que comme poète : son chef-d'œuvre est le poème Bove Bukh (1541), adaptation d'un roman de chevalerie, Bevis of Hampton, italianisé en Buovo d'Antona. D'autres œuvres du même genre sont tissées avec de la matière biblique : Shmuel-bukh et Melokhim-bukh, inspirés respectivement du livre de Samuel et du premier livre des Rois, présentent en chevalier le roi David, dont les exploits guerriers et amoureux se prêtent à ravir à cette transposition. La littérature narrative populaire puise dans les mêmes deux sources : extérieure, avec des adaptations d'histoires appartenant au fonds commun de la littérature populaire européenne, et juive ancienne, avec des contes basés sur des légendes talmudiques ou post-talmudiques. Mais elle produit aussi des nouveaux récits ayant pour héros Rachi, Rabbi Juda le Pieux et d'autres figures légendaires des communautées ashkénazes du Moyen Âge. Le Mayse-bukh (première version imprimée connue : Bâle 1602) est un recueil de textes de ces sortes.

   Du côté des ouvrages religieux et didactiques, des traductions du Pentateuque voient le jour dès 1544 à Augsbourg et à Constance. La Bible entière sera traduite à la fin du XVIIe s. à Amsterdam. Puis apparaîtront des traductions du rituel. La paraphrase biblique atteint sa perfection dans la Tseene u Reene (Lublin, 1622). Les commentaires et paraboles qui agrémentent ce « livre d'heures de la femme juive » expriment l'esprit du genre prédominant dans la production yiddish des XVIIe et XVIIIe s. : le muser, ou littérature édifiante. Le destinataire officiel en est la femme, à qui son éducation ne donne pas généralement accès aux sources en hébreu. Inspirée de modèles séfarades, la littérature du muser englobe nombre de traductions et adaptations de l'hébreu, mais ses principaux ouvrages furent écrits directement en yiddish : le Miroir luisant (Brantshpigl, 1602), le Bon Cœur (Lev-tov, 1620), la Joie de l'âme (Simkhes-hanefesh, 1707).

   On trouve aussi dans la littérature en yiddish ancien des récits de voyage plus ou moins fantastiques, des chroniques, des livres de médecine populaire et des chansons pieuses ou profanes, ainsi que des Purim-shpiln, saynètes à sujet biblique que des comédiens presque toujours improvisés jouaient à l'occasion de la fête de Pourim. L'autobiographie y occupe une place à part grâce aux Mémoires de Glückel von Hameln (1743). Cette chronique familiale d'une grande dame ayant vécu entre 1645 et 1724 constitue, tout comme les Supplications (prières en yiddish) de sa contemporaine Sore bas-Toyvim, un exemple du rôle primordial joué par la femme en tant que destinataire mais aussi créatrice de la littérature yiddish de cette époque.