Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Belgique (suite)

Les institutions

Il ne faut pas oublier le poids propre des institutions dans le « champ littéraire » de la Belgique francophone.

   Un prix Victor Rossel a été créé en 1938. Au fil des années, il s'est imposé comme la plus importante distinction littéraire attribuée annuellement en Belgique à une œuvre romanesque ou à un recueil de nouvelles. En couronnant par exemple Gaston Compère en 1978, Jean Muno en 1979, Jacques Crickillon en 1980 ou François Weyergans en 1981, il joue son rôle dans le processus de consécration de ces auteurs.

   Il en va de même, à un niveau certes plus haut, de l'Académie royale, lorsqu'elle accueille en son sein, par exemple, un Henry Bauchau octogénaire enfin comblé par la notoriété : c'est en 1920 que le roi Albert Ier, à l'initiative de Jules Destrée, a créé l' Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Elle regroupe depuis non seulement des écrivains et des philosophes belges de langue française, mais réserve un certain nombre de sièges (10 sur 40) aux écrivains et philologues de la francophonie. Ses statuts lui ont permis aussi d'élire des femmes (Émilie Noulet, Suzanne Lilar...), bien avant sa consœur du quai Conti. Parmi les membres étrangers, on relèvera notamment F. Vielé-Griffin, G. D'Annunzio, J. Cocteau, A. de Noailles, Colette, J. Cassou, J. Green, M. Yourcenar. L'une des originalités de cette institution est de faire une place (pour un tiers) aux grammairiens et philologues à côté des littérateurs proprement dits : l'aura d'un académicien comme Joseph Hanse, par exemple, aura tenu autant à la réputation universelle de son Dictionnaire des difficultés de la langue française qu'à ses travaux sur C. De Coster ou Maeterlinck. L'Académie royale fournit par ailleurs un travail d'édition (colloques, thèses, éditions critiques...) de tout premier ordre.

   De leur côté, des maisons d'édition comme De Boeck, Duculot, Jacques Antoine, Labor, Complexe, Mardaga, pour ne citer qu'elles, ont acquis une réputation européenne, voire mondiale, et témoignent de la grande vitalité de l'édition littéraire belge francophone d'aujourd'hui.

« Lettres françaises de Belgique » ... ou « Littérature belge de langue française » ?

Les littérateurs français de Belgique ont longtemps cru pouvoir jouir sans souci ni complexe d'une sorte de prééminence naturelle sur le pays. Mais la situation a évolué rapidement. La législation linguistique, en 1930, partage le pays en deux communautés autonomes ; devant la montée des revendications flamandes, certains écrivains francophones ont alors tendance à se replier sur leur terroir. D'autres n'hésitent pas à se tourner franchement vers Paris, voire quittent leur pays. Le 1er mars 1937, sous la houlette de Franz Hellens, une vingtaine d'écrivains, dont Marie Gevers, Michel de Ghelderode, Charles Plisnier, Marcel Thiry, Robert Vivier (le « Groupe du lundi »), dénoncent dans un manifeste le danger de réduire l'activité littéraire à l'illustration de particularités géographiques et vont jusqu'à prôner une sorte de rattachement à la France : « Il est absurde de concevoir une histoire des lettres belges en dehors du cadre général des lettres françaises. »

   Ce courant tend aujourd'hui à devenir minoritaire. Certes, nombreux sont encore les auteurs à venir chercher la consécration à Paris : après la Seconde Guerre mondiale, une D. Rolin, une F. Mallet-Joris ou un H. Juin, naguère un F. Weyergans ou, plus récemment, une Amélie Nothomb, sont aux yeux des Français des auteurs français. Et on trouverait encore des intellectuels belges pour déclarer, tel M. Piron en 1968, que « ce qui fait une littérature, ce qui lui donne son nom, ce n'est pas la nation, l'État ou le peuple, c'est – ici du moins – la langue ». Il n'empêche que, en ce moment où le royaume de Belgique semble plus que jamais au bord de l'éclatement définitif, renaît paradoxalement une sorte de « patriotisme littéraire », les écrivains français de Belgique (ceux qui ont refusé l'exil) ayant tendance désormais à se réclamer ouvertement de leur « belgitude ». Ce néologisme, calqué par provocation sur la « négritude » chère à Senghor, désigne plus précisément un courant intellectuel et littéraire apparu avec la génération 1970-1980. Rassemblé par P. Mertens en 1976, un dossier spécial des Nouvelles littéraires, intitulé Une autre Belgique, constitue le point de départ explicite de ce regain d'intérêt des écrivains belges pour leur pays, attitude réaffirmée et explicitée en 1980 dans un numéro spécial de la Revue de l'Université libre de Bruxelles (« la Belgique malgré tout ») où 70 écrivains ont répondu sur ce thème à l'invitation de J. Sojcher. Caractérisé par la volonté de « ne plus vivre par Paris interposé », ce courant n'en dénonce pas moins tout repli sur un provincialisme étriqué. Il revendique le droit à une « bâtardise » culturelle, due à la situation marginale qu'occupe le pays, offrant une plus grande porosité à d'autres cultures. Beaucoup ont le sentiment d'appartenir à un « pays de l'impossible identité », selon Marc Quaghebeur dont les Balises pour l'histoire de nos lettres, en 1982, ont opéré une relecture en ce sens de l'histoire littéraire belge. Cette attitude va souvent de pair avec une pratique littéraire où l'écriture souligne plus ce qui déstabilise le sujet et creuse ses contradictions que ce qui constitue son unité d'individu ou de membre d'une communauté.

   Y aurait-il donc quelque chose de spécifiquement « belge » chez tous les écrivains du pays, un dénominateur commun à Verhaeren, à Simenon, à Ghelderode, à Michaux et à Mertens ? Voire... C'est là une conception dangereuse, propre à faire ressortir des oubliettes on ne sait quel « génie de la race ». Au mieux une telle approche ne vaudrait que pour la poésie et le théâtre, tant le style des prosateurs de Belgique apparaît généralement difficile à distinguer de celui de leurs confrères hexagonaux. Ce que l'on peut remarquer, toutefois, c'est la précellence des auteurs belges dans certains genres bien précis : une forme bien à eux de théâtre à la fois baroque, farcesque et onirique, un goût pour l'insolite de type « réalisme magique », une certaine touche de naturalisme mêlé de symbolisme... Cela expliquerait qu'à certaines époques du moins, comme celle qui va des années 1880 à 1914, on ait une plus forte impression d'existence d'une « littérature belge » autonome. Cela permet aussi d'éclairer la tonalité sui generis des écoles proprement belges du symbolisme, voire du naturalisme, puis du surréalisme, qui ne se calquent pas sur leurs sœurs parisiennes, et n'ont du reste parfois rien à leur envier.

Littérature de langue néerlandaise

néerlandaise (littérature)