Lemonnier (Camille)
Écrivain belge de langue française (Ixelles 1844 – Bruxelles 1913).
Ses cadets, les écrivains de la Jeune Belgique, lui décernèrent, en 1883, le titre de « maréchal des lettres belges ». La plupart de ses romans oscillent entre un réalisme parfois brutal et l'exaltation lyrique. Son imagination est puissante et colorée, évoquant les milieux les plus divers : le monde paysan avec le Mort (1881) et surtout Un mâle (1881), histoire des amours malheureuses d'un braconnier et d'une paysanne de famille honorable. Des descriptions lyriques de la nature, notamment la forêt brabançonne, lieu originel encore impollué par la civilisation, ponctuent ce récit qui oppose la sauvagerie de la passion à l'ordre social des campagnes. Happe-Chair (1886) est une sorte de pendant, pour les laminoirs, de la mine du Germinal de Zola, une peinture du monde ouvrier de l'époque, de son labeur et de sa misère. La bourgeoisie apparaît hypocrite et corrompue dans Madame Lupar (1888) ou la Fin des bourgeois (1892). Auteur d'un violent pamphlet contre la guerre (les Charniers, 1881), Lemonnier rêva d'un monde de la nature qui serait pour l'homme un refuge maternel : cette veine naturiste se développa dans une série de proses lyriques (l'Île vierge, 1897 ; Adam et Ève, 1899 ; Au cœur frais de la forêt, 1900). Les dernières œuvres de l'écrivain, comme la Chanson du carillonneur (1911), manifestent une vision plus apaisée de la destinée humaine. Chantre de son pays, Lemonnier a laissé aussi des critiques d'art.
Lenau (Nikolaus Niembsch, baron de Strehlenau, dit Nikolaus)
Écrivain autrichien (Csátad 1802 – Oberdöbling 1850).
Il mena une vie d'errant à l'image des Tziganes dont il glorifiait l'existence. Son goût pour l'aventure l'incita même à émigrer en 1832-1833 en Amérique du Nord. Il terminera sa vie dans un asile psychiatrique. Lenau est devenu lui-même un personnage littéraire (Fatigue d'Amérique de Ferdinand Kürnberger, 1855 ; Niembsch ou l'Immobilité de Peter Härtling, 1964). Lenau est avant tout un lyrique. Comme ses amis, les postromantiques souabes Kerner et Uhland, il a laissé des poèmes qui font partie du patrimoine des chansons populaires et des lieder de Schumann. Il a cruellement souffert du « panthéisme désillusionné » de l'époque postgoethéenne. En témoignent non seulement le pessimisme profond ou le rythme d'un temps définitivement perdu, qui caractérisent ses vers (Chants des joncs, 1832), mais surtout ses tentatives désespérées pour accéder aux genres épique ou dramatique (Faust, 1836 ; Don Juan, 1844).
Lenglet du Fresnoy (Nicolas)
Historien et diplomate français (Beauvais 1674 – Paris 1735).
Il a marqué l'histoire au moment où elle commence à être une discipline scientifique plus qu'un genre littéraire (Méthode pour étudier l'histoire, 1713 ; Tables chronologiques de l'histoire universelle, 1729 ; Histoire de Jeanne d'Arc, 1753). Il s'est aussi intéressé à ses rapports au roman dont il donne un tableau bibliographique dans son De l'usage des romans (1734).
Lenoir (Hélène)
Romancière française (1955).
Ses romans et nouvelles (la Brisure, 1994 ; Elle va partir, 1996 ; Son nom d'avant, 1998) explorent, à partir de situations banales, tout ce que les liens familiaux et amoureux recèlent d'inavouable (dépendances plus ou moins consenties, irréductible opposition des sexes, âpreté du désir de fuite). Son écriture, très cinématographique, respecte souvent les unités de temps, d'action et de lieu et use avec subtilité du tressage des points de vue pour mettre à nu les stratégies intimes des personnages tout en leur conservant une irréductible opacité. Mots de tous les jours, injures ordinaires et gémissements convenus deviennent sous sa plume inquiétants, presque fantastiques, révélant des abîmes de perversité et de détresse.
Lenz (Jakob Michael Reinhold)
Écrivain allemand (Sesswegen, Livonie, 1751 – Moscou 1792).
Fils de pasteur, destiné aux études de théologie et à l'état de précepteur, il est, avec Goethe et Schiller, le personnage clef du Sturm und Drang. Dans le Précepteur (pièce adaptée en 1950 par B. Brecht), il fut le premier à faire de la situation de l'intellectuel petit-bourgeois du XVIIIe siècle le sujet d'une pièce de théâtre. Il sut également saisir les ressorts dramatiques d'une autre catégorie sociale spécifique de son époque, les soldats, interdits de mariage (les Soldats, 1776). Depuis sa rencontre avec Goethe à Strasbourg aux débuts des années 1770, il ne cessa plus de se mesurer à son modèle ; rejeté par son idole, il sombra dans la folie. Sa « dramaturgie du tragi-comique », son sens aigu de la satire littéraire en font un précurseur de Büchner et des expressionnistes. Son destin tragique a inspiré deux nouvelles célèbres : Lenz de Büchner (1836) et Lenz de Peter Schneider (1973), qui en fait le modèle du révolutionnaire déchu de 1968.
Lenz (Siegfried)
Écrivain allemand (Lyck, Masurie, 1926).
L'attachement à la terre natale et la nécessité d'assumer le passé récent de l'Allemagne sont les thèmes de son œuvre (le Temps des innocents, 1962 ; les Yeux bandés, 1970). Son roman la Leçon d'allemand (1968) évoque la vie quotidienne en Allemagne à la fin du nazisme, opposant à l'obéissance aveugle la liberté de la création artistique. Dans Musée de la vie locale (1978), comme dans Si tendre était Suleika (1955), il évoque sa Masurie natale. Ses nouvelles décrivent la lutte de l'individu contre une fatalité qui l'écrase (le Bateau-phare, 1960 ; le Trouble-fête, 1965).
León (Ricardo)
Écrivain espagnol (Barcelone 1877 – Madrid 1943).
Ses romans exaltent la tradition nationale et le sentiment religieux (la Caste des hidalgos, 1908 ; Alcalá de los Zegríes, 1909). Après avoir fait la satire de la psychanalyse (les Sept Vies de Tomas Portoles, 1931), il puisa dans les événements politiques de 1931-1936 la matière de sa trilogie Journées de la révolution espagnole, dont le dernier volet, le Christ aux enfers (1943), reste son chef-d'œuvre.
Léonard de Vinci
Peintre, sculpteur, ingénieur et savant italien (Vinci, Florence, 1452 – château de Cloux, près d'Amboise, 1519).
De ses nombreuses réflexions dispersées dans ses carnets manuscrits, seul son Traité de la peinture, publié pour la première fois en France en 1651, présente une forme organique, malgré son inachèvement et l'étalement de sa rédaction sur une vingtaine d'années (1490-1512). Son savoir encyclopédique, associé à de multiples descriptions de tableaux imaginaires destinées à démontrer la toute-puissance de la peinture, révèle des chefs-d'œuvre d'expressivité littéraire. On lui doit aussi des fables et des aphorismes, où il excelle dans l'art de l'image et de la pointe (Facéties, Mots d'esprit, Prophéties). Vite devenu un personnage semi-légendaire, Léonard est le symbole de l'homme renaissant, partagé entre la « curiosité » païenne et le mystère de la Révélation.