Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Russie (suite)

La perestroïka

Au tout début de la perestroïka, trois romans marquent un élargissement dans les limites de la censure : Triste Polar (1986) d'Astafiev, l'Incendie (1985) de Raspoutine et les Rêves de louve (1986) d'Aïtmatov. L'allègement de la censure donne une nouvelle vie aux revues littéraires, au premier rang desquelles Novyï mir, Znamia, Droujba narodov, Oktiabr luttent pour imposer des auteurs oubliés ou censurés. L'axe principal de la littérature va devenir pendant plusieurs années la publication d'œuvres de plus en plus critiques à l'égard du stalinisme, puis du système socialiste en général, dues à des écrivains ayant vécu à différentes époques de l'histoire soviétique. Platonov, Boulgakov, Grossman sont enfin publiés sans coupures. La dénonciation des crimes de l'époque soviétique atteint son apogée en 1989 avec la publication des œuvres de Soljenitsyne. Cependant, c'est le roman les Enfants de l'Arbat (1987) de Rybakov qui a remporté le plus grand succès populaire de cette période. L'Union soviétique redécouvre également toute la littérature russe émigrée ; d'abord l'ancienne génération (notamment Nabokov) puis les émigrés récents (Siniavski, Aksionov, Maksimov, Soljenitsyne). Les penseurs occultés depuis des décennies comme les philosophes religieux du début du siècle, Berdiaev, Chestov,  Boulgakov, sont publiés, lus, discutés.

   Dans toute cette activité de redécouverte, les nouveaux noms passent plus ou moins inaperçus. Il faut noter cependant l'apparition d'auteurs « noirs » décrivant un monde sans espoir ni lumière, comme Petrouchevskaïa ou Sergeï Kaledine (né en 1949).

Littérature contemporaine

Avec la chute de l'U.R.S.S., la littérature russe est entrée dans une phase « post-moderne ». Ses sources remontent à l'underground, poétique essentiellement, des années 1970, la génération des « conceptualistes ». D. Prigov, V. Eremenko, A. Parchtchikov, L. Rubinstein cherchent un « degré zéro » de l'écriture poétique, ouvrant sur la vacuité du réel. Les recherches sur le langage (marquées par un intérêt renouvelé pour les expérimentations de Khlebnikov ou de Karms) et les jeux parodiques sont essentiels dans la formation du postmodernisme. Parmi les écrivains les plus représentatifs de ce courant, on peut citer, pour la prose, A. Siniavski, V. Sorokin ou V. Pelevine. Ce courant, pris dans un sens assez large, génère depuis plus de deux décennies en poésie (Aïgui, Brodski, S. Gandlievski, K. Kedrov, I. Kholin, T. Kibirov, V. Krivouline, E. Rein, G. Sapguir, O. Sedakova, E. Shvarts, V. Sosnora) comme en prose (Aksyonov, P. Alechkovsky, Iou. Alechkovsky, A. Bitov, Iou. Buida, S. Dovlatov, Venedikt Erofeïev, Viktor Erofeïev, M. Fedotov, A. Kabakov, M. Kharitonov, A. Kim, E. Limonov, V. Makanine, I. Mamleïev, V. Maramzine, V. Narbikova, E. Popov, N. Sadour, V. Sharkov, T. Tolstaïa) des œuvres très inégales, et parfois uniformes, mais qui témoignent d'une activité créatrice soutenue.

Russo (Ferdinando)

Écrivain italien (Naples 1866 – id. 1927).

Journaliste, auteur dramatique (Luciella Catana, 1920), il est surtout connu pour ses poèmes en dialecte napolitain, évocation réaliste et polémique des bas-fonds de Naples (Sonate, 1887 ; Au paradis, 1891). Son reportage journalistique Mémoires d'un voleur (1907) s'insère dans la même lignée.

Rustam Effendi

Écrivain indonésien (Padang 1902 – Jakarta 1979).

Après avoir suivi des cours à Bukittinggi et à Bandung, il occupe un poste d'enseignant et s'engage dans diverses activités culturelles et politiques. À la suite des événements de 1925-1926 (soulèvement communiste), il doit quitter l'Indonésie pour les Pays-Bas, où, de 1933 à 1945, il est membre du Parlement, puis rentre dans son pays au début de la révolution. Il est l'auteur de poèmes réunis dans Jaillissements de pensées (1925) et qui ont pour thème principal l'amour (de la nation, de la terre natale, de la famille, de la bien-aimée, de la nature, de Dieu). Il a également publié un drame allégorique en vers Bebasari (1926) inspiré de l'épopée du Ramayana : le héros, Bujangga (Rama), serait le symbole de la nation indonésienne luttant pour la délivrance de Bebasari (Sita) enchaînée par les liens du colonisateur (Rawana).

Rustaveli (Chota) (Dignitaire du pays de Rustavi)

Poète géorgien (dernier quart du XIIe-premier quart du XIIIe siècle environ).

Considéré comme le plus grand poète géorgien, il est l'auteur de Peau de panthère. Paradoxalement, on ignore à peu près tout de lui. La légende populaire veut que ce grand du royaume, probablement originaire de Mesxétie, ait nourri un amour insensé pour la reine Tamar. Il aurait alors été banni de la cour et serait mort en exil, peut-être à Jérusalem, où une inscription et un portrait mis à jour dans les années 1960 sur un pilier de l'église Sainte-Croix pourraient laisser supposer qu'il est inhumé.

Rutebeuf

Poète français (XIIIe s.).

Peut-être d'origine champenoise, mais étroitement lié à la vie littéraire et universitaire de Paris entre 1250 et 1277, Rutebeuf a laissé une œuvre poétique et dramatique diversifiée. Auteur de fabliaux plutôt lestes, d'un monologue, le Dit de l'Herberie, mimant les boniments d'un vendeur d'herbes médicinales, il a composé un Miracle de Théophile, version pour la scène d'une légende très célèbre et dont certains passages (la Prière de Théophile, par exemple) font écho aux poèmes les plus connus, dans lesquels « je » (Rutebeuf) se représente en jongleur miséreux, borgne, ruiné par le jeu de dés (Griesche d'hiver, Griesche d'Eté), conte ses déboires familiaux (le Mariage, la Complainte de Rutebeuf), dit sa crainte de n'avoir pas œuvré pour son salut (la Repentance de Rutebeuf), lui qui n'est pas « ouvrier de ses mains ». D'autres pièces, de tonalité souvent satirique et qui relèvent de la poésie de circonstance et de commande, mettent en scène un poète très engagé au service des maîtres séculiers de l'Université de Paris (Complainte de Guillaume de Saint Amour) dans leur conflit avec les ordres mendiants. Enfin, une part importante de l'œuvre est composée de textes narratifs pieux (Vie de sainte Marie l'Egyptienne, Vie d'Elizabeth de Hongrie), d'exhortations véhémentes à la croisade, de prières, de poèmes allégoriques dans lesquels le poète adopte à l'intention des différentes classes de la société le ton du sermonnaire, du satiriste, voire de l'imprécateur. La présence d'un « je » diversifiant ses postures, ses cibles, ses attaques, mais s'identifiant avec la même passion aux causes successives qu'il défend, fonde ainsi l'unité de cette œuvre éclatée. D'où l'impression de sincérité et d'authenticité qui se dégage d'une œuvre simultanément fondée sur une grande diversité de structures formelles et sur l'exercice d'une virtuosité flamboyante.