Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Proverbes (livre des)

Avec l'Ecclésiaste et le livre de Job, il appartient à la littérature sapientiale, genre répandu dans tout le Proche-Orient ancien. Le titre hébraïque des Proverbes est Mishlé (pluriel de mashal). Ce terme désigne un genre littéraire très souple ; il est appliqué à des poèmes, à des pièces satiriques, à des comparaisons, à des dictons. Il est l'œuvre d'une activité culturelle qui dut commencer au temps du roi Salomon et ne prit fin qu'au IVe s. av. J.-C. L'ouvrage représente donc quelque cinq siècles du courant de sagesse en Israël. Le Livre des Proverbes comprend neuf collections précédées d'un Prologue (I, 1-7) : « Invitation à la Sagesse ». La troisième collection (XXII, 17-XXIV, 22) illustre l'aspect international de la sagesse. Elle a été organisée autour de onze proverbes provenant de la Sagesse d'Aménémopé d'Égypte (XIIe s. av. J.-C.) et d'un aphorisme tiré du texte araméen d'Ahikar (Ve s. av. J.-C.). L'élément de base du Livre des Proverbes est constitué par les deux recueils de sentences attribués au roi Salomon (970-931) : les collections II (X, 1-XXII, 16) et V (XXV, 1-XXIX, 27). Cette attribution à Salomon, que la tradition considère comme le roi sage (cf. I Rois, III, 11-12, 16-28 ; V, 9-14 ; X, 1-9), ne saurait surprendre : on était porté à le regarder comme étant l'auteur de toutes les œuvres de la littérature sapientiale. Il est difficile d'avancer une date pour la formation du premier recueil. Une morale se dégage du Livre des Proverbes. Elle assure la solidité de la famille et la paix du foyer, l'accord entre les individus, l'ordre dans l'État. Son but essentiel est de rendre l'être humain heureux par une vie conforme à la volonté de Dieu.

Prudence, en lat. Aurelius Prudentius Clemens

Poète latin (Calahorra 348 – v. 410).

Haut fonctionnaire de l'Empire, il décida, à 59 ans, de consacrer à Dieu ses années de retraite : c'est ainsi qu'il composa, avec une impressionnante fécondité, plus de 20 000 vers à la gloire de la religion chrétienne. Ses poèmes lyriques (Cathemerinon, Peristephanon), épiques (Psychomachia), didactiques (Apotheosis, Hamartigenia – sur l'origine du mal), polémiques (Contre Symmaque), ont pour ambition de doter la communauté chrétienne d'un corpus poétique susceptible de rivaliser avec les œuvres d'Horace, de Lucrèce, de Virgile et de Juvénal, voire de les supplanter dans les programmes scolaires et la vie culturelle. Si son œuvre didactique est un peu lourde, et sa Psychomachia (« Les batailles de l'âme ») passablement monotone, le Contre Symmaque ne manque pas de verve, et les deux premiers recueils cités, qui rassemblent, l'un des « hymnes pour chaque heure du jour », l'autre des « hymnes sur les couronnes » (science des martyrs), font de lui le plus grand poète lyrique latin après Horace.

Prus (Aleksander Głowacki, dit Bolesław)

Écrivain polonais (Hrubieszów 1847 – Varsovie 1912).

Né dans une famille de la noblesse polonaise, très tôt orphelin, il prit part à 16 ans à l'insurrection de 1863 dirigée contre les Russes ; blessé, il est fait prisonnier et une décision de justice de l'occupant le prive de son titre de noblesse. Il poursuit des études de mathématiques à l'École centrale de Varsovie (1866-1868) qu'il ne termine pas. Il publie ses premiers articles de vulgarisation scientifique, puis des textes humoristiques qu'il signe du pseudonyme Bolesław Prus, « j'ai honte d'écrire pareilles bêtises », confie-t-il (1873). Dans ses Chroniques publiées dans le Courrier de Varsovie à partir de 1875, il exprime sa confiance dans le progrès et dans la prise de conscience des problèmes sociaux par les Polonais. Il a foi dans le Positivisme qui préconise « le travail à la base » pour améliorer l'organisme social. Trois ans plus tard, il devient un auteur positiviste reconnu grâce aux nouvelles qu'il publie (le Retour de la vague, 1880 ; l'Orgue de Barbarie, 1881 ; le Gilet, 1882). Avec réalisme et émotion, il dépeint la misère des classes populaires, dénonce l'injustice sociale, sensibilise les lecteurs au sort des enfants. Son court roman Anielka reste l'un des meilleurs portraits d'enfant de la littérature polonaise. Un de ses romans majeurs, l'Avant-poste (1886), célèbre la ténacité du paysan polonais dans sa résistance à la colonisation allemande. Son chef-d'œuvre est le roman intitulé  la Poupée (1887-1889). L'intrigue pourrait être banale : Stanisław Wokulski, un noble qui croit à la modernisation, devient un commerçant entreprenant, ouvre un grand magasin très en vue à Varsovie, s'éprend d'Izabela Lęcka, fille d'un aristocrate ruiné qui le traite avec mépris parce qu'il travaille. Il choisit de disparaître. Outre les qualités d'écritures de Prus, le roman marque un tournant dans son œuvre par le pessimisme qui en découle. La société polonaise, décrite sous tous ses aspects, reste indifférente aux réformes nécessaires que certains de ses membres vont jusqu'à combattre. Une faille traverse la narration, celle du doute dans l'idéal positiviste. Parmi ses autres romans, les Émancipées (1891-1893) évoque les dérives de l'idéalisme, y compris dans le domaine de l'émancipation des femmes que le positivisme avait tant souhaitée. Le dernier grand roman de Prus, Pharaon (1895-96), cède à la mode du roman historique, mais se présente surtout comme une réflexion philosophique sur l'exercice du pouvoir politique. L'anticléricalisme et le pessimisme de l'auteur s'y révèlent dans le tableau de la lutte victorieuse du parti des prêtres contre un jeune souverain qui veut le bonheur de ses peuples. Prus expose avec clairvoyance les problèmes de son pays où l'occupation étrangère engendre une stagnation des mentalités, toute son œuvre, toujours publiée dans la presse d'abord, vise à sensibiliser ses concitoyens à la situation des plus défavorisés.

Psaumes

Le livre biblique des Psaumes, qui semble avoir été constitué avant la fin du IIe ou du IIIe s. av. J.-C., est un recueil de 150 poèmes répartis en cinq livres, selon le schéma du Pentateuque. Les traductions modernes de la Bible adoptent ordinairement la numérotation des psaumes de la Bible hébraïque et indiquent entre parenthèses celle des versions. Dans la Bible hébraïque, 115 psaumes sont pourvus de titres qui fournissent certains renseignements dont la valeur est difficile à déterminer : 102 psaumes portent l'indication d'un nom de personne (David 73 fois, les fils de Coré, Asaph, etc.), qui probablement n'est pas celui de son auteur présumé, mais plutôt du recueil dont il fait partie. D'autres ont trait au genre littéraire du poème. Certaines se rapportent à l'utilisation liturgique. Tous ces renseignements ne peuvent être utilisés qu'avec beaucoup de circonspection. Pour approcher la richesse de ce livre unique, expression de la foi d'Israël, il paraît important de retrouver le « Sitz im Leben » des Psaumes, c'est-à-dire le milieu cultuel où ils ont pris naissance, le culte du Temple et de relever les divers « genres littéraires » entre lesquels on peut les classer : hymnes, supplications, élégie, action de grâces, méditations et instructions de sagesse, chants de pèlerinage et psaumes d'intronisation qui célèbrent le règne de Dieu. La nature de la poésie biblique, longuement débattue de Philon d'Alexandrie (De vita contemplativa) à J.-L. Kugel (The Idea of Biblical Poetry, 1981), en passant par Flavius Josèphe (Antiquités judaïques II), saint Jérôme (qui veut prouver que sa « métrique » n'est pas inférieure à celle de la poésie grecque ou latine), Édouard Dhorme (la Poésie biblique, 1931) et T. Collins (Line-forms in Hebrew Poetry, 1978), est aujourd'hui au cœur du débat sur la définition du « rythme » (H. Meschonnic, Critique du rythme, 1982). Les traductions des Psaumes en langues vulgaires (français et allemand) eurent une importance capitale dans l'affirmation des nouvelles langues littéraires (ainsi de la traduction de Luther, dès 1524). En France, Marot, aidé de l'hébraïsant Vatable, donna une traduction de Cinquante Psaumes de David (1541-1543) que Théodore de Bèze compléta (1563), et qui fut reprise par Conrart (1679), puis par Bénédict Pictet (1693). Les poètes catholiques donnèrent à leur tour des traductions (Baïf, 1578 ; Desportes, 1591) et la paraphrase des Psaumes devint, aux XVIIe et XVIIIe s., une des formes majeures du lyrisme religieux, de Bertaut et Malherbe à J.-B. Rousseau et Lefranc de Pompignan.