Djaout (Tahar)
Écrivain algérien de langue française (Azeffoun 1954 – Alger 1993).
Journaliste à Algérie Actualités puis à Ruptures, il reçut le prix de la fondation Del Duca pour les Chercheurs d'os et fut assassiné par les islamistes. Figure emblématique de l'intellectuel engagé contre tous les obscurantismes en Algérie, et excellent poète, tant dans ses romans (l'Exproprié, 1981 ; les Chercheurs d'os, 1984 ; l'Invention du désert, 1987 ; les Vigiles, 1991 ; le Dernier Été de la raison, 1999) que dans ses recueils (Solstice barbelé, 1973 ; Insulaire et Cie, 1980 ; Pérennes, 1996), il a su jusqu'à sa mort brutale et symbolique allier un humour tendre, qui n'appartient qu'à lui, à un sens aigu du tragique de son environnement, dont les Chercheurs d'os et les Vigiles sont deux excellents exemples.
Djarir (Ibn Atiyya ibn al-Khatafa)
Poète arabe (mort à Uthayfiyya v. 729).
Il forme, avec al-Akhtal et al-Farazdaq, le trio de poètes les plus célèbres, à juste titre, de la fin du VIIe et du début du VIIIe siècle. Poursuivant le courant poétique de la vieille Arabie, spécialiste du panégyrique et surtout de la satire, Djarir traduit la façon dont les antiques habitudes se sont perpétuées dans le nouvel empire arabe et même renforcées en fonction des luttes pour le pouvoir. La vieille qasida atteint ici à l'une des phases ultimes de son évolution.
Djebar (Fatma Zohra Imalayene, dite Assia)
Romancière et cinéaste algérienne (Cherchell 1936).
Elle est la principale porte-parole de la femme algérienne, tant dans sa vie familiale que dans son action militante. Elle publie la Soif (1957) à 20 ans, suivie des Impatients (1958). Les Enfants du nouveau monde (1962) montrent les femmes aux prises avec la guerre, tandis que les Alouettes naïves (1967), récit du retour d'une maquisarde chez les siens, évoquent surtout les problèmes d'amour et de couples chez les Algériens des années 1960, avec un ton nouveau dans la littérature algérienne. Son œuvre de maturité développe la rencontre de voix mémorielles collectives ou personnelles (l'Amour, la Fantasia, 1985 ; Ombre sultane, 1987 ; les Nuits de Strasbourg, 1997), souci dont témoigne le film Nouba des femmes du mont Chenoua (1978, prix de la Critique internationale à Venise en 1979), cependant que d'autres textes interrogent la mémoire ancestrale, y compris islamique (Loin de Médine, 1991), ou encore l'actualité tragique de l'Algérie (le Blanc de l'Algérie, 1995 ; Oran, langue morte, 1997) et la francophonie (Ces voix qui m'assiègent, 1999). Prix Maurice Maeterlinck (Bruxelles), 1995. International Literary Neustadt Prize (États-Unis), 1996. Prix international de Palmi (Italie), 1998.
Djian (Philippe)
Écrivain français (Paris 1949).
Influencé par Céline et les romanciers américains, il commence par un recueil de nouvelles, 50 contre 1 (1981), qui suscitent aussitôt l'intérêt de la critique. Celle-ci s'enthousiasme encore pour Bleu comme l'enfer (1983) et Zone érogène (1984) ; 37º2 le matin (1985) est un nouveau succès, amplifié, non sans malentendus, par son adaptation cinématographique, en 1986. La même année voit également paraître un quatrième roman, Maudit Manège, où s'épanouit une langue faussement orale, plus que jamais poétique et libertaire, aussi bien présente dans Échine (1988) et Lent Dehors (1991) que dans les nouvelles de Crocodiles (1989). Jouant du couple archétypal formé par l'amour et la mort (Sotos, 1993 ; Assassins, 1994 ; Criminels, 1997 ; Sainte-Bob, 1998), l'écriture de Djian met en scène une sexualité qui, si elle trahit l'épuisement de la subversion par l'érotisme – comme le postule Jean-Jacques Pauvert à propos de Vers chez les Blancs (2000) –, coïncide avec le silence et les symboles dans la quête permanente d'une identité (Catherine Moreau), qui transparaît de nouveau dans Ardoise (2002).
Djilas (Milovan)
Homme politique yougoslave et écrivain monténégrin (Polja 1911 – ? 1995).
Il a longtemps joué un rôle politique de premier plan. En 1954, il s'éloigne de son parti en critiquant la bureaucratie. La Nouvelle Classe, publiée en 1957 aux États-Unis, est une analyse du pouvoir en régime socialiste. Condamné à sept ans de prison, il est libéré en 1961. Il a publié, toujours à l'étranger, plusieurs œuvres : Conversations avec Staline ; l'Exécution ; Terre sans justice ; Tito, mon ami, mon ennemi.
Djubran Khalil Djubran
ou Khalil Gibran
Écrivain et peintre libanais (Bcharrî 1883 – New York 1931).
Il vécut à partir de 1895 aux États-Unis et séjourna à Paris entre 1908 et 1910. Son œuvre abondante comporte des poèmes en prose (les Cortèges, 1918), des nouvelles et des romans (les Fiancés des prairies, 1906 ; les Âmes révoltées, 1908 ; les Ailes brisées, 1912) et plusieurs essais rédigés directement en anglais (le Sable et l'Écume, 1926 ; Jésus, le fils de l'homme, 1928). Ses premiers ouvrages, condamnés pour leur modernisme et leur tonalité anticléricale, furent brûlés sur la place publique, mais la publication du Prophète (1923) lui assura une grande notoriété en Occident. Il allie à un romantisme exalté et quasi mystique une sincère aspiration au changement social. Il a fondé en 1920, avec une pléiade de poètes et d'écrivains de l'émigration syro-libanaise (Mahjar) un club littéraire (al-Râbita al-qalamiyya) qui eut une influence considérable sur les lettres arabes.
Djurdjani (Abd al-Qahir ibn Abd ar-Rahman al-)
Grammairien et juriste arabe (mort à Gurgan 1078).
Par sa réflexion sur le principe de l'inimitabilité du texte coranique, fondée sur une théorie générale du langage et une conception psychologique de la création poétique, il anticipe sur les thèmes de l'analyse littéraire moderne (Dala'il al-I'djaz, Asrar al-Balagha). Sa théorie du langage, conçu comme un système de relations arbitraire, sous-tend une interprétation originale de la métaphore, à l'opposé des conceptions ornementales et aristotéliciennes de cette figure rhétorique.
Döblin (Alfred)
Écrivain allemand (Stettin 1878 – Emmendingen 1957).
Après des études de médecine, il mène parallèlement une carrière de praticien et d'écrivain, d'abord proche de l'expressionnisme, cofondateur et collaborateur de la revue Der Sturm. En novembre 1918, il prend le parti de la gauche révolutionnaire, puis rejoint dans les années 1920 la social-démocratie. Ses tentatives pour parvenir, à travers des « tâtonnements en forme de romans », à la peinture des masses aboutissent en 1929 à la publication d'une œuvre majeure, Berlin, Alexanderplatz, grand roman sur la jungle des villes, projection des multiples aspects du Berlin des années 1920 et de son centre nerveux, l'Alexanderplatz. Novatrice dans son écriture et sa technique, l'œuvre de Döblin fait parfois penser à Joyce (monologues intérieurs, flux de l'inconscient) et à Dos Passos (montage d'actions entrecroisées). Elle est cependant toujours centrée sur son personnage principale, Franz Biberkopf, ancien prisonnier cherchant à s'amender, mais bientôt happé de nouveau par le monde des souteneurs et des truands. La stricte chronologie assure l'unité d'un récit constamment entrecoupé par les réflexions du narrateur et bâti sur des procédés (emprunts au style lyrique, biblique, journalistique, populaire et dialectal) dont l'éclatement reflète le chaos intérieur du personnage et de la ville. En 1933, les œuvres de Döblin sont interdites. Celui-ci émigre à Paris. Naturalisé français en 1936, il travaille au ministère de l'Information sous la direction de Giraudoux. Dans Voyage babylonien (1934), Pas de pardon (1935) et le Tigre bleu (1937), il donne cependant à son expérience personnelle de l'Allemagne au tournant du siècle, sous la république de Weimar et sous le nazisme, et à celle de son émigration une dimension mythique. Après la débâcle commence un nouvel exil (New York, Los Angeles), doublé d'une grave crise intérieure qui le conduit à se convertir à un catholicisme mystique en 1941. En 1945, le gouvernement militaire français lui attribue un poste dans l'administration de sa zone d'occupation à Berlin, mais Döblin ne se sent plus chez lui dans l'Allemagne d'après-guerre. Il meurt malade et oublié d'un public indifférent aux thèses religieuses et morales développées dans son dernier roman, Hamlet ou la longue nuit prend fin (1956).