Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Faulkner (William Harrison Falkner, dit William) (suite)

Chronologie historique et destin collectif

Aussi Faulkner n'observe-t-il pas la chronologie de l'histoire qu'il choisit de raconter. La séquence temporelle générale est cependant nette et les récits familiaux qui en résultent sont tout à fait explicites ; chez les Compson, le fils hypothèque les terres, le petit-fils les vend ; la quatrième génération, dans le Bruit et la Fureur, se compose de Benjy, l'idiot, de Caddy, femme de mauvaises mœurs, de Quentin, qui se suicide. Chez les Sartoris, même déchéance. Chez les Sutpen, le métissage aggrave la déchéance sociale : dans Absalon ! Absalon !, Henry tue son demi-frère qui est à la fois demi-noir et amant de sa demi-sœur. À l'opposé, l'ascension des Snopes marque le triomphe de l'argent, qui prend l'aspect de la grande fortune après avoir pris celui du vol (Abe Snopes est un carpetbagger). Mais cet ordre chronologique est sans utilité, car le héros faulknérien est toujours rigoureusement contemporain à son passé dans le temps du récit. L'interpolation narrative montre que ces passés de référence, aussi divers que les personnages principaux, constituent un ensemble syncrétique où le temps fait retour et fige le destin collectif.

   Ce syncrétisme conduit à la confusion des identités des personnages : Benjy mêle la chronologie des faits, mais aussi les noms (sa nièce vivante et son frère mort s'appellent tous deux Quentin). La généalogie devient errante et cet errement s'exprime dans un imaginaire gothique. Proprement infantile, il reprend le monde sous le signe d'un défaut de naissance, auquel chacun est condamné par la répétition. L'anarchie du Yoknapatawpha est celle d'un univers où tout est déjà écrit et où se lisent les preuves de la convergence. Dès lors la fable de la Chute et le mythe œdipien du Sud prédateur et usurpateur constituent des orthopédies narratives qui prennent sens dans la thématique du hors-venu, de « l'intrus ». L'univers de la circularité familiale est celui d'une constante étrangeté. La généralité de l'usurpation efface le pouvoir du père fondateur et fait de la ruine l'état bénéfique de l'indétermination – celui où Lena et Christmas peuvent symboliquement se rejoindre. L'histoire destructrice n'est, en son fond, qu'une histoire arrêtée ; le Sud n'est pas apparu un jour ; il est une manière d'éternité. Il porte en lui un point aveugle qui appelle la chronique et qui refuse l'explication. L'idiot est personnage paradigmatique : il enseigne que ce monde peut seulement être montré, comme à un enfant. Dans cette prégnance de l'apparence, rien ne peut être affirmé ni du mal ni du bien, comme rien ne peut être définitivement dit du Sud, univers certain et cependant sans substance. L'écrivain même devient enfant : celui auquel il est donné de recommencer, à neuf, en chacun de ses romans, en chacune des strates de la généalogie et de la chronologie, la vision du pays de sa naissance. L'accumulation des générations devient répétition et le mouvement de l'histoire sorte de tombeau.

Favart (Charles Simon)

Auteur dramatique français (Paris 1710 – Belleville 1792).

Son opéra-comique la Chercheuse d'esprit (1741) le rendit célèbre. En 1745, il épousa la comédienne Marie Duronceray, dès lors connue sous le nom de Mme Favart, avec laquelle il dirigea la troupe de comédiens du maréchal de Saxe (1746). Ses comédies, quelquefois parodiques et souvent mêlées d'ariettes (les Amours de Bastien et Bastienne, en collaboration avec sa femme, 1753 ; Annette et Lubin, 1762), comportent aussi parfois des intentions patriotiques (les Trois Sultanes, 1761 ; l'Anglais à Bordeaux, 1763). Directeur de l'Opéra-Comique (1758), Favart donna son nom au théâtre construit pour les Comédiens-Italiens sur l'emplacement de l'hôtel de Choiseul (1783).

Faverey (Hans)

Poète néerlandais (Paramaribo, Surinam, 1933 – Amsterdam 1990).

Il pratique une introspection continue à travers de petites pièces denses et hermétiques (Chrysanthèmes, rameurs, 1977 ; Luminosité, 1978 ; Chaînes de soie, 1983). Il a créé et dirigé une revue éphémère, New Found Land (1981-1983).

Faye (Jean-Pierre)

Écrivain français (Paris 1925).

Inaugurée par la poésie (ses premiers textes sont publiés en 1946 dans les Cahiers de la Table ronde), son œuvre s'oriente ensuite vers le roman. Dans Entre les rues (1958), le personnage principal est un malade lobotomisé, présenté comme foyer problématique de la conscience du monde et d'un métadiscours sur le récit, « car explorer l'espace de la narration, c'est entrer matériellement dans l'ossature et le cerveau connaissant ». Cette veine déconcertante engage Faye dans la voie d'une esthétique de la divagation, confirmée par la Cassure (1961), Battement (1962), Analogues (1964) et l'Écluse (1964), où l'auteur s'oppose à la fois à l'illusion référentielle de la mimesis et à une littérature qui se voudrait autonymique. S'impose ainsi « la saisissante illustration littéraire d'une phénoménologie de la perception » (Olivier de Magny), servie par un réalisme subjectif qui explore l'imaginaire urbain des capitales de la douleur. Cet ensemble, complété par les Troyens (1970), forme le cycle de l'Hexagramme, qui s'accompagne d'une réflexion sur le Récit hunique (1967), en même temps que le romancier devient aussi dramaturge (Théâtre et Hommes et pierres, 1964 ; les Grandes Journées du père Duchesne, 1983).

   Philosophe de formation, Faye est une figure importante de l'avant-garde littéraire des années 1960, en rupture avec l'engagement sartrien. Il participe aux travaux de Tel Quel à partir de 1963, quitte ce groupe en 1967, par refus de l'outrance et du dogmatisme, et fonde, l'année suivante, le collectif Change. Il y poursuit, dans une perspective marxiste, ses analyses sur le diptyque Théorie du récit – Langages totalitaires (1972) et ses essais (Dictionnaire politique portatif en cinq mots : démagogie, terreur, tolérance, répression, violence, 1982), tandis que sa « prosodie du désir » (Inferno, versions, 1975 ; l'Ovale, détail, 1975 ; Yumi, 1983 ; Grandes Narrations de Bourgogne, 1983), mêlant intrigue amoureuse, affaire criminelle et histoire politique, engendre une complexité métrique peu commune (Couleurs pliées, 1965 ; Verres, 1978 ; Syeeda, 1980). Ce questionnement idéologique et littéraire sans cesse renouvelé (Commencement d'une figure en mouvement, 1980) débouche finalement sur le retour à la poésie (le Livre du vrai, événement violence, 1998).