Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Alexis (Jacques-Stephen)

Romancier haïtien (Les Gonaïves 1922 – Port-au-Prince 1961).

Militant aux côtés de Jacques Roumain, il anima avec le poète René Depestre le mouvement révolutionnaire de 1946. Parti pour faire des études de neurologie à Paris, il s'y lia avec les intelllectuels de la négritude et ceux du communisme, tout spécialement Aragon. De retour en Haïti, il fonda le Parti d'entente populaire. Parallèlement à son activité de théoricien politique et littéraire, il écrivit plusieurs romans et nouvelles, édités à Paris. Compère Général Soleil (1959), les Arbres musiciens (1957), l'Espace d'un cillement (1959) et le Romancero aux étoiles (1960) illustrent sa théorie du « réalisme merveilleux », et célèbrent lyriquement, dans une écriture proche du baroque, « la belle amour humaine », les paysages et les ciels de la Caraïbe, la beauté des corps, les musiques de l'archipel, les mythologies autochtones et la générosité des luttes populaires. En 1961, à l'issue d'un séjour à Cuba, il débarque clandestinement en Haïti et meurt torturé par la police du dictateur Duvalier.

Alexis (Paul)

Écrivain français (Aix-en-Provence 1847 – Levallois-Perret 1901).

Journaliste, il fonde l'éphémère Grognon provençal, puis connaît des débuts difficiles au Corsaire et au Ralliement. En 1881, des articles publiés dans le Henri IV lui valent un duel avec A. Delpit. À partir de 1883, il collabore au Réveil, au Gil Blas, enfin au Cri du peuple sous un nom d'emprunt, Trublot, pioché dans Pot-Bouille. S'il est dreyfusard, il est avant tout « médaniste » dans ses séries d'articles plaidant en faveur du mouvement naturaliste et de son « chef », à qui il consacre une monographie, Émile Zola, notes d'un ami (1882). Plus connu est son télégramme répondant à l'enquête littéraire de Jules Huret : « Naturalisme pas mort – lettre suit » (1891). Ses nouvelles et romans (la Fin de Lucie Pellegrin, 1880 ; Après la bataille, dans le recueil collectif des Soirées de Médan, 1880 ; Mme Meuriot, mœurs parisiennes, 1891), comme ses drames (Celles qu'on n'épouse pas, 1879), sont l'application parfaite – mais parfois laborieuse – de la théorie naturaliste, dont il reste un militant rigoureux.

Alexis (Wilhelm Häring, dit Willibald)

Écrivain allemand (Breslau 1798 – Arnstadt 1871).

Ses premiers succès (Walladmor, 1823 ; le Château d'Avalon, 1827) passèrent pour des œuvres de Walter Scott « librement traduites de l'anglais ». Il infléchit son modèle dans le sens du réalisme et l'adapta à des sujets tirés de l'histoire du Brandebourg. Huit volumineux romans (Cabanis, 1832 ; le Faux Woldemar, 1842 ; les Culottes du seigneur de Bredow, 1846 ; le Loup-Garou, 1848 ; Le calme est le premier devoir du citoyen, 1852 ; Ysengrin, 1854 ; Dorothée, 1856) évoquent les différents âges du royaume de Prusse, depuis le XIVe s. jusqu'à l'occupation française.

Alferi (Pierre)

Poète français (Paris 1963).

Ses poèmes, volontiers ludiques, narratifs souvent, philosophiques parfois (le Chemin familier du poisson combatif, 1992), témoignent tous d'une grande recherche formelle. Kub Or (1994) est ainsi constitué de 7 fois 7 courts poèmes de 7 heptasyllabes, cubes textuels qui, à l'instar du célèbre bouillon, sont des concentrés de notre époque. Le Cinéma des familles (roman, 1999) renouvelle le genre de l'autofiction : dès trois ans, le narrateur filme Mammère et Mompapa en contre plongée et peu à peu des scènes de films cultes se mêlent à l'histoire vécue, en un « cinéma des origines » jubilatoire. Alferi a fondé la revue Détail avec Suzanne Doppelt et la Revue de littérature générale avec Olivier Cadiot.

Alfieri (Vittorio)

Écrivain italien (Asti 1749 – Florence 1803).

Au terme de huit années d'« inéducation » à l'Académie militaire de Turin, il parcourt l'Europe de 1766 à 1772, « plus en fugitif qu'en voyageur », impatient de mettre à l'épreuve sa haine croissante pour toute forme de tyrannie. À partir de 1775, il concentre toute son énergie dans la création tragique. De 1790 à 1803, il se consacre à la rédaction de sa Vie écrite par lui-même qui, dans une optique différente de celle de Rousseau, consacre de manière éclatante la naissance de l'autobiographie. Selon un cheminement proustien avant la lettre, cette œuvre retrace la naissance de sa vocation littéraire, qui est aussi une redécouverte de sa propre langue, l'italien, délaissé au profit du français. La chronologie de ses 21 tragédies est fort complexe. On peut, cependant, les décomposer en plusieurs grandes périodes créatrices. De 1776 à 1781, avec une ardeur quasi frénétique, il écrit 12 tragédies, contemporaines de son essai Sur la tyrannie (1777), où la psychologie du tyran, celle de l'homme libre et l'atmosphère de la Cour sont profondément analysées. La lutte contre la tyrannie est le thème central de ses pièces : Philippe, Polynice, Antigone, Oreste, Octavia, Don Garzia, Marie Stuart. Parmi ses plus grandes tragédies on compte : Saül (1782), où la conscience perplexe du héros constitue le principal ressort tragique ; Agamemnon, où la haine de la tyrannie qui anime ses précédentes tragédies politiques est ici singulièrement désamorcée par la faiblesse d'Agamemnon ; Myrrha (1787), où le déchirement intérieur de la protagoniste, qui ne parvient pas à se libérer de la passion incestueuse pour son père, constitue la véritable trame de l'œuvre. Alors qu'il dirige à Paris, à partir de 1787, l'édition définitive de ses tragédies, accompagnées de Jugements, Alfieri assiste aux débuts de la Révolution française, qui lui inspire d'abord une ode enthousiaste (Paris débastillé), reniée plus tard dans le violent pamphlet antifrançais et antirévolutionnaire du Misogallo (1798). On lui doit également un recueil d'environ 300 poèmes (Rime), plusieurs essais où le héros classique et le poète sont associés dans un même idéal de rénovation nationalec (le Panégyrique de Pline à Trajan, 1785 ; Dialogue de la vertu inconnue, 1786 ; Du Prince et des lettres, 1789), une tentative avortée de « tramélogédie » (Abel), 17 satires et 6 comédies politico-didactiques (l'Un, les trop, les Peu, l'Antidote, la Petite Fenêtre, le Divorce).