Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Pereda (José María de)

Écrivain espagnol (Polanco, Santander, 1833 – Santander 1906).

D'abord critique et auteur dramatique (la Fortune dans un chapeau, 1854), il se fit chroniqueur des mœurs dans une perspective balzacienne (Croquis à la détrempe, 1876) avant de brosser dans ses romans un portrait idéalisé de sa province natale à travers ses paysans (la Saveur du terroir, 1882) et ses marins (Sotileza, 1885 ; la Marmite, 1889) : un picaresque et un costumbrismo conservateurs.

Perelman (Bob)

Poète américain (Youngstown, Ohio, 1947).

Dès Braille (1975) et notamment dans Alias (1979, 1984), Valeur faciale (1988), Public captif (1988), Réalité virtuelle (1993) et Dix contre un (1999), Perelman recherche à travers le langage le lieu pour une poétique expérimentale, politisée et consciente des enjeux sociaux d'aujourd'hui. Contre le pouvoir anesthésiant des médias et de la publicité, il voit l'histoire comme une syntaxe du monde et le poème comme une actualisation de cette syntaxe. Membre central des Language Poets, il souligne constamment le fait que le langage est en soi un crime contre l'État, un mode de démythification et de brouillage des évidences idéologiques. La transparence du langage n'est qu'illusion, pire tromperie : les mots ne sont pas des véhicules ni des objets ; pour Perelman, ils vibrent, marquent et deviennent de véritables signatures, quand le poète les emploie – alors qu'il compose et est composé par leur alphabet. Perleman est aussi un critique majeur du modernisme et des poétiques contemporaines dans Génies problématiques : Pound, Joyce, Stein, Zukovsky (1994) et la Marginalisation de la poésie (1996).

Péret (Benjamin)

Poète français (Rézé, Loire-Atlantique, 1899 – Paris 1959).

Contemporain des surréalistes, il rencontre Breton en 1920 et sera son plus fidèle lieutenant. À ses côtés, il est l'un des témoins des grandes années du mouvement (revues, expositions, mais aussi, de manière plus intérieure, exploration des rêves et du sommeil). Il conçoit la poésie comme un jeu verbal où les mots sont en liberté. L'écriture automatique (c'est aussi le titre d'un recueil de 1929), qu'il pratique plus que Breton, est le lieu de cette subversion joyeuse. Plus que dans Immortelle Maladie (1924), c'est dans le Grand Jeu (1928) qu'il donne sa mesure, sa mouture personnelle, en des textes brefs, déroutants. De derrière les fagots (1934) accorde une grande place à l'humour, à la fantaisie. Jamais chez Péret, le langage ne se sépare d'une joie amusée, drôle, et vivante. Je sublime est en 1936 une célébration de l'amour, dont le titre appelle celui de l'Anthologie de l'amour sublime (1956). En 1936 également paraît Je ne mange pas de ce pain-là, dont le titre est sans doute parodique : il s'agit moins d'un pamphlet politique que d'une célébration de la liberté dans le langage. Il y a dans la politique quelque chose de trop sérieux qui heurte un amoureux de l'humour. Péret passera au total plus de dix ans à l'étranger (au Brésil, où il fondera la Ligue communiste brésilienne, au Mexique), fera sa guerre en Espagne dans les rangs anarchistes (comme il avait fait la Grande Guerre à 16 ans), ce qui ne fera pas pour autant de lui un poète engagé. Car l'œuvre d'art a ses propres exigences esthétiques, irréductibles à la politique, ce que dira le fameux Déshonneur des poètes (1945), réponse cinglante au collectif l'Honneur des poètes de 1943 et texte central dans la réflexion sur l'engagement de l'œuvre d'art, qui traduit alors exactement les vues de Breton : la poésie a son ordre propre. Le livre fera grand bruit en des années qui s'ouvrent à l'engagement et à l'existentialisme. Les voyages rapprocheront Péret des mythes. Il traduit en 1955 le Livre de Chilam Balam. Entre-temps, et alors qu'il reprend des textes antérieurs en accordant une grande place à leur choix, Péret, se réinventant, s'ouvre à une forme neuve, plus ample, plus narrative : de Dernier Malheur dernière chance (1946) à Air mexicain (1952), en passant par Toute une vie (1950), ces ensembles disent la vie au Mexique et mènent une réflexion, qui fut celle de tout le surréalisme, sur l'être sauvage, premier, c'est-à-dire mexicain. C'est alors au double titre de témoin privilégié du surréalisme, voire de polémiste et de praticien des images que Péret retient l'attention. Des membres fondateurs du surréalisme, il est celui qui n'en a jamais trahi l'esprit.

Peretz (Isaac Leib)

Écrivain de langue yiddish et hébraïque (Zamosc, Pologne, 1852 – Varsovie 1915).

Né dans une ville multiculturelle, Peretz reçut une éducation juive traditionnelle mais néanmoins ouverte aux langues et cultures européennes. Après des débuts poétiques en hébreu (la Vie d'un poète hébreu, Varsovie, 1877), il n'écrit pratiquement pas pendant une décennie. Lorsqu'il renoue avec la littérature, il le fait en yiddish avec sa ballade Monish (1888), premier poème narratif moderne dans cette langue.

   En 1889, établi à Varsovie, Peretz devient fonctionnaire de la communauté israélite. Il continue d'écrire en yiddish. Ayant participé à une enquête sur les conditions de vie des Juifs dans les bourgades de Pologne, il en tire les thèmes de plusieurs nouvelles et de ses Tableaux d'un voyage en province (1891). Il reste néanmoins toujours attaché à l'hébreu, langue dans laquelle il compose des poèmes d'amour (le Chalumeau, 1894), où l'on perçoit l'influence de Heine.

   Croyant de plus en plus au pouvoir de la littérature yiddish naissante pour changer la vie de son peuple, il publie dès 1891 les recueils « Bibliothèque juive », où il fait connaître de jeunes auteurs comme Avrom Reisen, Yehoash ou Dovid Pinski. Plus tard, Peretz accueillera Scholem Asch, Itshe Meir Weissenberg, Menakhem Boreisho. La jeune génération voit en lui un maître à penser.

   Attiré par les idées socialistes, il fréquente dans les années 1890 les premiers cercles de travailleurs juifs et s'engage à leurs côtés par des nouvelles comme le Chapeau de fourrure (1893) ou Bontche le silencieux (1894). Autres contes (Mendl Braïnes et la Paix du foyer, 1891, ou la Colère d'une épouse, 1893), expriment sa préocupation pour le statut de la femme dans la société juive.

   Dès le début du xxe siècle, mesurant l'étendue du bouleversement de la vie juive que la littérature moderne avait appelé de ses vœux et que l'histoire avait imposé, Peretz s'oriente vers la recherche d'une synthèse entre esprit renovateur et vieilles sources du judaïsme. Il pratique et encourage la recherche ethnographique, et renoue avec le récit hassidique traditionnel. Dans ses cycles de contes Histoires à la manière populaire (1908-1913) et Hassidiques (1897-1912), il développe ces sources avec un style d'une grande beauté poétique, qui doit beaucoup aux meilleures pages des contes de Rabbi Nahman de Bratslev. Sans renier sa foi dans la révolution, il exprime sa crainte qu'une tentation despotique ne vienne la pervertir (essai Espoir et crainte, 1906).

   Pendant sa dernière époque, Peretz se consacre beaucoup à la forme théâtrale. Ses drames la Chaîne d'or (1907), Enchaîné devant le temple (1908) et la Nuit sur le vieux marché (1907-1913) abordent les grands conflits, aussi intemporels que contemporains, de la vision juive du monde : désir messianique opposé au rigorisme de la pratique religieuse, grandeur et déclin de la foi, soif d'absolu qui se dévoie, culpabilité et quête de rédemption. Dans la Nuit sur le vieux marché, pièce à la construction raffinée, son inspiration poétique et visionnaire atteint des sommets.

   Reconnu comme la figure centrale de la littérature yiddish, Peretz exerça sur elle une influence durable. Les défis qu'il lui proposa ont fortement marqué les choix des auteurs jusqu'en 1939.