Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

bugis (littérature)

La littérature bugis est l'expression d'un des quatre principaux groupes ethniques de la province de Célèbes-Sud, en Indonésie. Une grande partie de cette littérature est écrite à l'aide d'un alphabet de type indien, et conservée sous forme de manuscrits. Aujourd'hui, seule la littérature orale est encore vivante. On relève des formes poétiques, commes les sure' et les élong (« chants »), et des œuvres en prose (lontara'). Le chef-d'œuvre de la littérature bugis est un cycle de récits épico-mythiques, la Galigo, qui, pour de nombreux Bugis, a encore un caractère sacré : on ne possède pas la totalité de l'œuvre ; elle est connue grâce à un grand nombre de manuscrits qui en relatent des épisodes ou des fragments d'épisodes ; en éliminant les versions parallèles et les variantes, ces manuscrits représenteraient environ six mille pages. Cette littérature rassemble également des textes historiques comme les chroniques (attoriolong), les généalogies, les listes dynastiques, les traités (ulu ada), des journaux ou livres de raison (lontara' bilang), genre propre aux Bugis et sans équivalent ailleurs en Indonésie, des poèmes héroïques (tolo), des textes sapientiaux, sortes de recueils de conseils de sagesse dont le plus connu est la Toa, des textes religieux dont certains sont des traductions de hikayat malais.

Buhturi (Abu Ubada al-Walid ibn Ubayd al-)

Poète arabe (Manbidj 821 – id. 897).

Très lié à son aîné Abu Tammam, il entreprit une carrière brillante et opportuniste, liée au mécénat des grands personnages de la cour califienne. Sa poésie se signale par des qualités de forme qui le placent au premier rang des poètes de l'époque. Essentiellement panégyrique, le plus souvent inscrite dans les cadres de la vieille qasida, elle s'en démarque néanmoins par le style, d'où sa qualification de « néoclassique ».

Bukowski (Charles)

Écrivain américain (Andernach, Allemagne, 1920 – San-Pedro, Californie, 1994).

Entré tardivement en littérature, il donne une œuvre volontairement scandaleuse, où l'underworld renaît dans l'obscénité, la grossièreté, les rappels autobiographiques et la parodie du personnage de l'outsider. Aux poèmes volontairement absurdes et provocants (L'amour est un chien de l'enfer, 1977 ; Viande de cheval, 1982) se joignent des romans (Postier, 1971 ; Women, 1978), des nouvelles (Mémoires d'un vieux dégueulasse, 1969 ; Contes de la folie ordinaire, 1976 ; Chant de la bouillotte, 1983) et des récits (Souvenirs d'un pas grand-chose, 1985). La préoccupation d'authenticité lexicale ouvre les poèmes à l'invention verbale et au bouleversement du langage poétique.

Bulatovic (Miodrag)

Écrivain monténégrin (Bijelo Polje 1930 – Budva 1991).

Autodidacte, avec un grand talent de conteur, il a écrit des nouvelles et des romans : Les diables arrivent ; le Loup et la Cloche ; Arrête-toi, Danube ; Le coq rouge vole vers le ciel ; le Héros à dos d'âne ; Hommes à quatre doigts ; La guerre était meilleure ; Gullo Gullo.

Bulgarie

La naissance d'une littérature écrite La littérature bulgare – et slave en général – voit le jour au IXe s. C'est à cette époque que les frères Cyrille et Méthode, envoyés par l'empereur de Byzance pour évangéliser les habitants de Moravie, dotèrent les Slaves d'un alphabet et traduisirent les premiers textes religieux. Après la mort de Méthode (885), l'œuvre des apôtres fut poursuivie par le prince de Bulgarie, Boris, qui accueillit leurs disciples chassés par le clergé franc. L'apogée de la littérature en vieux bulgare se situe sous le règne du fils de Boris, Siméon (893-927) : se détachent les noms de Clément d'Ohrid, de Constantin de Preslav, premier poète et historien de la littérature bulgare, de Jean l'Exarque, sans doute l'écrivain le plus important de cette période avec son Œuvre des six jours et son Traité de la vraie foi, du moine Hrabr (Traité sur les lettres) et du tsar Siméon lui-même, qui trouve dans l'éclosion d'une littérature nationale un appui à sa politique antihellénique. La seconde moitié du Xe s. marque le début du combat de l'Église officielle contre l'hérésie des bogomiles, qui seront persécutés des siècles durant. Cette lutte se reflète dans de nombreux écrits apocryphes et dans le Traité contre les bogomiles du prêtre Cosmas.

   Bien que la littérature bulgare ait connu une nette stagnation sous l'occupation byzantine (1018-1185), c'est à cette époque que semblent remonter les plus anciens documents cyrilliques, le Suprasliensis et l'Évangéliaire de Sava. Elle connaît un nouvel apogée avec le second Empire bulgare (1185-1396), en particulier au XIVe s., sous le règne du tsar Jean VI : c'est la figure du patriarche Euthyme de Tarnovo, le plus grand des hésychastes, qui domine cette période. Grâce à lui et à ses disciples, dont le plus célèbre est Grégoire Camblak, le prestige des lettres bulgares s'étend aux pays voisins et jusqu'en Russie.

La période ottomane

La longue occupation ottomane (1396-1878) ne fut guère propice aux activités intellectuelles : la littérature de cette période, du moins jusqu'à la fin du XVIIIe s., suit uniquement une tradition hagiographique et compilatrice. Quelques rares noms émergent : Vladislav le Grammairien et Dimitar Kantahuzin au XVe s., le pope Pejo et Mathieu le Grammairien au XVIe. Les XVIIe et XVIIIe s. voient fleurir les damaskini, recueils de caractère varié (vies de saints, sermons, récits didactiques) dont les auteurs sont pour la plupart anonymes.

   Le réveil de la conscience nationale, soumise au double joug politique des Turcs et culturel des Phanariotes, est amorcé par l'Histoire des Slaves bulgares (1762) du moine Paisij, qui marque le début de la renaissance bulgare. Dans cette œuvre demeurée longtemps manuscrite, Paisij fustige les Grecs et exhorte les Bulgares à se ressaisir en leur rappelant leur glorieux passé et en leur demandant de ne pas oublier leur langue ni leur race. Le cri de colère de Paisij, destiné à secouer la léthargie du pays, portera ses effets au XIXe s. grâce à l'évêque Sofronij Vracanski, auteur d'une émouvante autobiographie, qui publia en 1806 à Bucarest le premier livre imprimé de la littérature moderne, grâce à Petar Beron, qui rédigea en 1824 une petite encyclopédie dans une langue dégagée de la tradition slavonne, et à Neofit Rilski, auteur de la première grammaire bulgare (1835) et traducteur du Nouveau Testament (1840), qui enseigna dans la première école bulgare fondée en 1835 à Gabrovo par Vasil Aprilov. La lutte contre les Phanariotes est menée entre autres par le moine Neofit Bozveli, dont l'œuvre la plus connue, Bulgarie notre mère (1846), est un violent pamphlet contre la tyrannie culturelle grecque. Vers cette époque paraît la première revue bulgare, Ljuboslovie, fondée en 1844 par K. Fotinov, suivie du Journal de Constantinople, édité par I. Bogorov (1848). La très riche littérature populaire, composée en particulier de chants, est réunie par les frères Miladinov dans un important recueil (1861).

   La période 1850-1878 est marquée par la très forte personnalité de Georgi Rakovski (1821-1867) et par l'apparition d'une nouvelle génération, tout entière tournée vers la lutte pour la libération : Petko Slavejkov, premier poète digne de ce nom, introduit dans la littérature à peu près tous les genres, Dobri Vojnikov et Vasil Drumev écrivent des drames historiques, D. Cintulov compose des poésies patriotiques antiturques et Ljuben Karavelov rédige des nouvelles. Mais le plus grand écrivain de cette époque est incontestablement le poète révolutionnaire Hristo Botev (1848-1876), tué par les Turcs alors qu'il essayait de libérer sa patrie.

Les débuts de la littérature moderne

Après 1878, qui met fin à cinq siècles de domination ottomane, le changement, vécu comme un bouleversement profond, est très sensible dans la littérature. La fin du siècle reste marquée par le souvenir proche des élans patriotiques et révolutionnaires dont Ivan Vazov (1850-1921), poète, romancier, nouvelliste et dramaturge, reste le chantre : son roman Sous le joug (1890) reste l'un des chefs-d'œuvre de la littérature bulgare, et l'un des sommets du genre. La transformation romanesque de Mémoires, de journaux intimes et de correspondances est également adoptée par Zahari Stojanov (1850-1883) dans ses Mémoires sur les insurrections bulgares (1892).

   Plutôt médiocre dans l'ensemble jusqu'aux années 1930, la production romanesque renaît avec le roman historique, dont le modèle national est fourni par Jour dernier, jour de Dieu (1934) de Stojan Zagorcinov. Le roman psychologique et social prend son essor avec Georgi Karaslavov (1904-1980) et, notamment, la Datura (1938). Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le genre dominant, par la qualité de l'écriture, est le récit. Citons également l'œuvre d'Elin Pelin (1878-1949), interprète du monde rural.

   Parallèlement à l'expression réaliste, à la fin du XIXe siècle, apparaît un désir de renouveau esthétique. Une orientation plus universelle et individualiste se fait jour chez Petko Todorov (1879-1916), figure marquante de l'époque, le premier prosateur symboliste (Idylles, 1908). Le modèle le plus achevé du récit nous est donné par Jordan Jovkov (1880-1937), dont l'écriture moderne et la problématique éthique, imprégnée de romantisme, mettent l'accent sur la noblesse de l'âme et la beauté.

   La période de l'entre-deux-guerres témoigne d'une grande variété de forme et de contenu. Nikola Rajnov (1889-1954) s'inspire du folklore et de l'histoire nationale, Georgi Rajcev (1882-1947) excelle dans l'analyse de l'irrrationnel tandis que Konstantin Konstantinov (1890-1970) rend les moindres vibrations de l'âme. À partir des années 1920 se développe une prose expressionniste. Cavdar Mutafov (1889-1954) donne la priorité au fragment, aux jeux d'associations et au grotesque pour exprimer sa réprobation de l'uniformisation due au progrès technique. Svetoslav Minkov (1902-1966) critique les méfaits du machinisme, dans une prose satirique où le fantastique est le corollaire de l'aliénation du monde moderne.

   Le premier quart du XXe siècle reste la période exemplaire du développement culturel, et cela particulièrement dans le domaine de la poésie. Parallèment au romantisme de Vazov, chantre de la beauté du pays et de l'héroïsme des luttes de libération nationale, se développe le modernisme, prôné par le groupe formé autour de la revue Misal (1892-1907). Le nouvel idéal esthétique se fait jour à travers l'œuvre du poète et écrivain Penco Slavejkov (1886-1912). Le refus de l'expression mimétique et engagée, et l'élaboration d'une nouvelle vision de l'homme font évoluer la littérature vers une vision moins naïve. La poésie impressionniste et sensuelle de Kiril Hristov (1875-1944) traduit la difficile conquête de l'indépendance individuelle, qui devient le grand axe de l'œuvre du premier symboliste Pejo Javorov (1878-1914). Sa poésie suggestive d'une rare musicalité, tourmentée et tragique, est à l'origine d'un renouvellement poursuivi par des poètes tels que Teodor Trajanov (1882-1945), Nikolaj Liliev (1885-1960), Dimco Debeljanov (1887-1914) pour ne citer que les plus éminents. Variante du symbolisme européen, le symbolisme bulgare se présente avant tout comme un lyrisme impressionniste (1905-1931), et il est contemporain de la poésie d'avant-garde (1919-1931) dont la tendance expressionniste est particulièrement bien attestée par Geo Milev (1895), Lamar (1898-1974), Asen Razcvetnikov (1897-1951), Nikolaj Furnadziev (1903-1968), poètes de l'innovation formelle et de l'engagement politique.

   Sous l'influence du mouvement « Art national », la poésie d'Atanas Dalcev (1904-1978) et d'Elisaveta Bagrjana (1893-1991) s'oppose fortement au symbolisme et à l'avant-gardisme et rend une expression plus simple et plus proche de la vie. Hristo Smirnenski, symboliste et adepte de la révolution mondiale (1898-1923), et Nikola Vapcarov (1903-1942), poète futuriste du tragique de l'existence, représentent le mieux la poésie prolétarienne. Mais c'est l'œuvre d'Alexandre Vutimski (1919-1943), d'une orchestration complexe, qui constitue le meilleur bilan de l'époque.