Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

Kazan (Elia Kazanjoglou, dit Elia)

Metteur en scène de théâtre et de cinéma américain (Istanbul 1909 – New York 2003).

Membre du Group Theatre de New York, où il est à la fois accessoiriste, comédien, régisseur, il est metteur en scène à partir de 1932 (Un tramway nommé Désir, la Mort d'un commis voyageur, la Chatte sur un toit brûlant), réalise son premier long métrage cinématographique en 1945 (le Lys de Brooklyn) et collabore à l'Actor's Studio de Lee Strasberg. Il a aussi publié des romans, notamment America, America en 1962.

Kazantzaki (Nikos)
ou Nikos Kazantzakis

Écrivain grec (Hêraklion, Crète, 1883 – Fribourg-en-Brisgau 1957).

Figure controversée des lettres grecques, écrivain prolifique ayant pratiqué presque tous les genres, homme torturé par l'angoisse, sans cesse en proie à l'errance, physique ou spirituelle, Kazantzaki ne se laisse pas aisément cerner par la critique. L'écrivain, « d'abord Crétois et ensuite Grec », a une enfance marquée par les soulèvements de son île natale contre les Turcs (1889, 1897-1899), luttes dépeintes dans la Liberté ou la mort (1953), que domine la haute figure de son père, le « capétan Michalis ». Après des études de droit à Athènes, il se rend en France, où il suit les cours de Bergson et se passionne pour Nietzsche, sur lequel il soutient une thèse et dont la pensée ne cessera de l'habiter. Mais il se donne d'autres maîtres et, dans son panthéon, le Bouddha et Lénine viennent bientôt rejoindre le Christ et Ulysse. Vagabond perpétuel, il relate ses impressions dans une série d'En voyageant (1927), qu'il poursuivra jusqu'à sa mort. Il séjourne à Berlin, se rend à Moscou avec Panait Istrati, rencontre Gorki (1927). De cette première partie de sa vie, il tire un bilan dans Ascèse (1927). Jusqu'en 1938, et malgré de nouveaux voyages, sa vie tourne autour de ce qu'il jugeait sa grande œuvre, une Odyssée de 33 333 vers surchargée d'allégories et de symboles. Après la guerre, Kazantzaki est un temps attiré par la politique, mais il se retire en France, à Antibes, où il écrit ce qu'il croyait ne devoir être que délassement et qui devait en fait le rendre célèbre, ses romans : Alexis Zorba (1946), le Christ recrucifié (1954), la Dernière Tentation (1955). Son plus beau livre est peut-être cette Lettre au Greco, parue après sa mort (1961), où, les contradictions dépassées, demeure seul le profil, à la simplicité d'épure, d'une vie tout entière vouée au dépassement et à la plénitude de l'être, symbolisé par le « regard crétois » que pose sur le monde celui qui fut le « Solitaire des lettres grecques ».

Kazinczy (Ferenc)

Écrivain hongrois (Érsemlyén 1759 – Széphalom 1831).

Ayant participé à la conjuration de Martinovics (1794), il fut condamné à mort, puis gracié. Libéré en 1801, il se retira à la campagne, d'où il dirigea pendant une trentaine d'années toute la vie littéraire hongroise. Son nom est intimement lié à la réforme de la langue hongroise, dont il est le principal artisan. Son autobiographie (Souvenirs de ma carrière) a été publiée de 1879 à 1884 et les 26 volumes de sa Correspondance ont paru de 1890 à 1930.

Keats (John)

Poète anglais (Londres 1795 – Rome 1821).

Fils de palefrenier, orphelin de père à 9 ans, de mère à 14 ans, il interrompt bientôt ses études de médecine et fréquente le cercle de Leigh Hunt, dont il imite le dandysme libéral et la prétention historique dans son premier recueil (1817). Dénigré comme « cockney » obscène, il évolue à travers deux amours malheureuses vers l'esthétisme : « Ce que l'imagination saisit comme Beauté doit être Vérité. » L'art échappe ainsi au goût comme à la morale. En 1818, il publie Endymion. Sur le thème classique de la poésie érotique, Keats greffe une réflexion sur le paganisme comme utopie, et sur la fonction du poète déchiré entre les rêves de fusion, l'ambition héroïque et la responsabilité sociale. Producteur d'éternité, rêvant de la Cité des délices, le poète affronte morts et résurrections, Hermès et Circé, pour trouver refuge contre Diane, mère terrible, soit dans les bonheurs sous-marins (Glaucus), soit dans la sororité (Cynthia, Péona), soit encore dans le culte d'Apollon. La confusion du récit initiatique, due à l'incertitude sur le contenu mythologique et archétypal des images « païennes », n'empêche pas cet hymne au plaisir d'être l'une des premières tentatives romantiques de résurrection du paganisme. Hyperion est publié en 1820. Voulant rivaliser avec Milton, Keats conte la guerre des Titans contre les dieux. Il reprit le projet (la Chute d'Hypérion, écrit en 1819, publié en 1856) en l'axant sur le problème de la fonction du poète, conseillé par Moneta-Mnémosyne, la Mémoire, mère des Muses : la poésie n'a de sens que si elle se rapproche du féminin et remonte au-delà du christianisme vers les mythes fondateurs du monde païen. Un conte de Boccace lui inspire Isabella (1818). Il fait renaître les thèmes courtois à travers l'image de la Femme fatale : la Belle Dame sans merci (1820). La Belle détourne le Chevalier de sa quête et l'abandonne affamé près du Lac desséché où nul oiseau ne chante. Dans Lamia (1820), s'inspirant de la Christabel de Coleridge, Keats peint non pas une dévoreuse d'enfant, mais une envoûteuse que le regard de la froide philosophie mue en serpent sous les yeux de son amant. L'amour est trompeur, la désillusion est cruelle. Seule la soumission aux Déesses permet de transmuer ce masochisme : l'espoir perdu, l'héroïsme révoqué, la quête dévitalisée, l'âme, fascinée par les civilisations englouties de Saturne et la vitalité de la Terre, retrouve un rapport dramatique au présent et à la sensation : « Le monde est la vallée où se forge l'identité. » Satisfait de voir mourir à ses pieds un Paradis dont il ne s'emparera pas, le poète découvre le désir de ne pas saisir et la beauté du désir insatisfait. Les Odes rassemblent des poèmes composés pour la plupart en 1819 : « Ode à un rossignol », « Ode sur une urne grecque », « Ode sur la mélancolie », « À l'automne », « Ode à Psyché », « Ode à la fantaisie ». Un même but : échapper à un monde de désillusion et de souffrance. Un même moyen : le culte de la Beauté – le marbre et les mots gardent dans une éternelle jeunesse les gestes d'amour et les instants d'extase. Poète de la présence du présent, Keats célèbre à la fois la réalité des choses et la sainteté des affections humaines : l'esthétisme, dont il est le précurseur, est aussi un renoncement au moi. Chantre des « fenêtres magiques », de l'engourdissement et de l'éveil, il dit son amour pour la mort dont la présence à ses côtés tout au long de sa vie lui permit d'apprécier comme personne la saveur des choses. À demi adopté par Shelley (qui écrira Adonaïs à sa mémoire) durant son exil, il meurt de tuberculose, à 25 ans.