Si le mot apparaît en Italie au XVIe siècle, avec des poètes (Berni, Tassoni, Caporali, Lalli) qui tournent en farce toutes les formes d'amplification littéraire, et si le burlesque connaît une sorte d'âge d'or au XVIIe s. en France, il est pourtant présent dans tous les genres et à toutes les époques : dans la comédie antique (Aristophane, Plaute) comme dans le roman policier moderne (San Antonio) ; dans les chansons de geste parodiques médiévales comme dans la vogue des ballets burlesques au début du XVIIe s. en France ; aux États-Unis (XIXesiècle), où le burlesque anime un drame populaire issu du minstrel show, qui mêle arlequinades, danses et chants, comme chez Molière, Shakespeare ou encore Jarry (Ubu roi). L'intertextualité de tous les styles et écritures et la dérision généralisée en font un genre « moderne » par excellence. Le burlesque, en littérature, consiste à choisir pour principe esthétique la disconvenance et la discordance : entre le genre et le sujet, entre le personnage et son énonciation, et à l'intérieur des choix lexicaux (archaïsmes/néologismes, mélange de langues, comme dans le genre macaronique, qui mêle des termes de latin plus ou moins corrects à un texte en langue moderne). Ces discordances s'obtiennent en particulier en mêlant le haut et le bas, le noble et l'élevé, soit en traitant un sujet noble en termes « bas » (selon les définitions rhétoriques des trois styles), comme le fait Scarron dans le Virgile travesti (1648-1653), soit en traitant un thème trivial ou ridicule en termes élevés (ce qu'on appelle depuis le XVIIIe siècle l'héroï-comique, alors que ce terme désigne, au sens propre, un poème épique mêlé d'épisodes comiques, tel le Roland furieux de l'Arioste) : ainsi, parmi les parodies d'Homère, la Batrachomyomachie, qui reproduit le style et les procédés de l'Iliade, ou, chez les Modernes, le Seau enlevé (1621) de Tassoni, le Lutrin (1674) de Boileau, la Boucle de cheveu enlevée (1712) de Pope. Mais la burla (la mystification) y est également reine, par la pratique de la figure de l'équivoque, et par l'ambiguïté de ses significations : le burlesque est-il ludique ou subversif ? C'est en tout cas en se donnant pour un exercice de style gratuit qu'il a pu se développer en « marge tolérée » par les institutions au XVIIe siècle, bien qu'il ait aussi joué un rôle revendicatif ou subversif : dans la liberté des langues et de la langue, contre les puristes ; dans le politique, à l'occasion des guerres de Religion – la Satire Ménippée – ou de la Fronde ; dans la littérature libertine.Contrairement à une opinion répandue, le burlesque n'a rien d'un genre vulgaire ou grossier. Ces critères moraux passent à côté de sa spécificité : l'inversion systématique – et donc la connaissance – des valeurs et des règles. L'écriture burlesque est une déformation stylistique de la norme, une manière recherchée et ambiguë de s'exprimer, et non un genre populaire et spontané. Il est la marque d'esprits ironiques qui misent sur des effets comiques de contraste. Se demander si le burlesque est dans les termes employés ou dans les idées manipulées (dans le signifiant ou le signifié) est vain, puisque ce n'est que dans le contraste entre les deux signes que le comique s'instaure. Il est souvent malaisé de distinguer le burlesque des autres formes comiques ; on remarquera simplement que le burlesque refuse le discours moralisateur de la satire, qu'il n'a pas nécessairement la vision catastrophée et nihiliste du grotesque, qu'il est proche, mais différent, du style marotique, caractérisé par son archaïsme artificiel et par un mélange d'esprit et de naïveté feinte (à la manière de Marot). Il tient aussi de la caricature, déformant (enlaidissant) les traits du modèle, tout en le laissant reconnaissable.