drame bourgeois
Il fleurit en France après 1750. Le nouveau théâtre promeut à la dignité de héros des personnages définis comme bourgeois et qui faisaient rire dans la comédie. On y voit une réalité contemporaine : éloge des négociants, de l'épargne, de la vie familiale, du travail, du sentiment, de la morale. Cette « prédication laïque » (Diderot) explique la poétique du genre : ton sérieux, vraisemblance, peinture des conditions sociales et des relations familiales, « tableaux » scéniques, effets pathétiques, usage fréquent de la prose, intrigues romanesques. Le terme de « drame », assez tardif, côtoie « tragédie bourgeoise » et « tragédie domestique » ; certaines « comédies » ou « tragédies » relèvent en fait du genre « mixte ».
L'esthétique de l'attendrissement émerge dans la première moitié du siècle : Nivelle de La Chaussée et sa « comédie larmoyante », un certain Marivaux (la Mère confidente, 1735), Nanine de Voltaire (1749), la Silvie (1742) de Landois et la Cénie (1750) de Mme de Graffigny. En 1757, le Fils naturel de Diderot et les Entretiens qui le suivent consacrent le « genre sérieux », avec une œuvre type et une théorie. Dès lors, les pièces abondent : le Père de famille (1761) de Diderot, le Philosophe sans le savoir (1765) de Sedaine, Eugénie (1767), les Deux Amis (1770) et la Mère coupable (1792) de Beaumarchais. Des manifestes décrivent le genre : le Discours sur la poésie dramatique (1758) de Diderot, l'Essai sur le genre dramatique sérieux (1767) de Beaumarchais, Du théâtre (1773) de L. S. Mercier. Toutefois le drame bourgeois n'est pas aisément codifiable : ses frontières s'élargissent jusqu'aux excès du mélodrame.
Ce théâtre s'impose dans toute l'Europe des Lumières. Diderot et Saurin ont imité d'ailleurs les Anglais Lillo et E. Moore. Goldoni promeut la comédie de mœurs en Italie. En Allemagne, Lessing, Lenz ou Schiller illustrent le drame. Au XIXe s., Augier, Dumas fils, Becque prolongent un genre qui se transforme jusqu'au XXe siècle.
Draumkvedet
(Poème de rêve, en ancien norvégien Draumkvaedh,)
Poème anonyme norvégien (vers 1300).
Le texte a été reconstitué au XIXe s. par Moltke Moe. Dans une forme qui préfigure les célèbres ballades norvégiennes, ou folkeviser, l'auteur met en scène un certain Olav Åsteson qui, en rêve, a vu l'enfer, le purgatoire et « une partie du royaume du ciel » et qui relate son « voyage » en images simples et fortes. C'est donc une vision qui soutient, en plus bref, la comparaison avec celles de Dante ou de sainte Brigitte.
Drayton (Michael)
Poète anglais (Hartshill, Warwickshire, 1563 – Londres 1631).
Agent spécial de Sa Majesté, il exprime son amour platonique pour la fille de son bienfaiteur (Idée, la Guirlande du berger, 1593). Après de nombreux poèmes « historiques » (la Légende du grand Cromwell, 1607), tombé en disgrâce, il se lance dans la satire, puis entreprend une description de l'Angleterre comme Arcadie (Polyolbion, 1612-1622). Il renoue avec l'idylle érotico-pastorale (Endymion et Phoebe, 1595 ; Nymphidia, 1627), cherchant à acclimater les grandeurs et les grâces de la poésie latine et européenne.
Drda (Jan)
Écrivain tchèque (Príbram 1915 – Dobříš, Bohême, 1970).
Romancier à succès (Une petite ville au creux de la main 1940 ; Eau vive, 1941 ; Pérégrinations de Pierre Septmensonges, 1943), il écrivit un recueil de nouvelles patriotiques et sociales (la Barricade muette, 1946), modèle du réalisme socialiste, avant de présider l'Union des écrivains. Il donna aussi des comédies et un recueil de Contes tchèques .
Dreiser (Theodore)
Romancier américain (Terre Haute, Indiana, 1871 – Hollywood 1945).
Journaliste issu de milieux d'immigrés allemands, il démontre dans son travail une aptitude à noter le mouvement social : Soeur Carrie (1900), histoire d'une fille pauvre qui accède aux honneurs de la scène, Jennie Gerhardt (1911), sur l'émancipation économique et sexuelle de la femme, le Financier (1912) et le Titan (1914), peintures de la lutte pour la vie, le Génie (1915), histoire de la faillite d'un surhomme, Une tragédie américaine (1925), portrait d'un assassin. Dreiser présente la peinture de l'Amérique à l'âge industriel, suivant une inspiration déterministe et épique, venue de Darwin, Spencer, Thomas Huxley et Balzac. Le réalisme naît de l'évidence du changement historique. Le jeu de la réussite et de l'échec désigne un seul coupable : la société. Prisonnier d'un tel spectacle, l'écrivain doit dire le laid et le trivial. Ces contraintes n'excluent cependant pas le pathos : l'individu vaincu conserve une grandeur par son aptitude à sonder la vérité du rêve américain. La notation déterministe ne se sépare pas d'un nietzschéisme qui unit image de la puissance et idéalisme. Dreiser impose l'image d'un écrivain étranger à tout sens du décorum, capable ainsi de dire les États-Unis tels qu'ils sont. Voyageur à quarante ans (1913), Un livre sur moi-même (1922), Aube (1931) sont des livres de mémoires où l'aventure intellectuelle et la lucidité ne se séparent pas de la dénonciation du puritanisme. Un voyage en Russie (Dreiser en Russie, 1928) et un reportage sur les États-Unis de la crise économique (Tragédie américaine, 1931) motiveront l'adhésion de Dreiser au parti communiste.
Drezen (Youenn)
Écrivain français d'expression bretonne (Pont-l'Abbé 1899 – Lorient 1972).
Sa langue maternelle était le breton et il n'apprit le français qu'à l'école primaire. Destiné à la prêtrise, il fut envoyé au petit séminaire des pères de Picpus à Fontarabie (Espagne), où il se trouva avec d'autres jeunes bretons, comme Jakez Riou. Prenant conscience que la culture qui lui avait été inculquée lui était étrangère, il se remit à l'étude du breton. Au bout de six ans d'exil, il quitta le séminaire et, après avoir exercé divers métiers (commis de marchand de vin, photographe), entra en 1924 dans le journalisme : quand fut fondée, en 1925, la revue Gwalarn, il y publia des traductions, des poèmes et des nouvelles. Ses longs poèmes Kan da Gornog (Chant à l'Occident) et Nozvezh Arkuze beg an enezenn (la Veillée d'Arkus au bout de l'île) révèlent un lyrisme d'une grande musicalité. Marquée d'un certain pessimisme, son œuvre romanesque est écrite dans un breton d'une rigoureuse pureté de forme, mais émaillé de termes savoureux et de truculentes expressions du terroir bigouden : outre une histoire d'amour, An Dour en-dro d'an Inizi (l'Eau autour des îles, 1932) et Skol-louarn Veig Trebern (l'École buissonnière d'Hervé Trébern, 1958), son œuvre maîtresse reste un roman social Itron Varia Garmez (Notre-Dame des Carmes, 1941).